Zetkin n’est plus, vive Zetkin !

 

Zetkin était la fondatrice du copwatching à Calais depuis 2003, c’est grâce à elle qu’il a pu s’étendre.

Zetkin n’est plus, vive Zetkin !

http://pix.toile-libre.org/upload/original/1316405177.jpgIl était une femme. Elle était sans compromission et sans fatigue, elle portait la lutte jusque dans son cœur, donnant toute sa fougue pour témoigner de la saloperie policière. Marie-Noëlle Gues, connue sous le pseudonyme « Zetkin », a mené une lutte en images et en actes auprès des migrants de Calais durant de longues années, publiant sans relâche des chroniques acides et sans concession pour la flicaille. Elle était le témoin vivant d’une décennie de violences et d’humiliation organisée par l’État contre les exilés du monde entier.

Je me souviens de son imperméable jaune et de son appareil photo, sillonnant les dunes du littoral jusque dans la nuit, participant avec nous aux rondes autour du centre de rétention de Coquelles, guettant les moindres mouvement de la police aux frontières, apportant son aide en toute indépendance, sans jamais se laisser abattre par ses détracteurs, politiciens véreux, flics violents, associatifs bien-pensants, magistrats à la solde du préfet…

Elle a été mon premier repère solide dans la lutte en faveur des migrants. Lors de mes premiers allers-retours sur Calais en 2007, elle était déjà là. Elle était d’ailleurs la seule à porter un message véritablement politique dans ce paysage désertique où les humanitaires s’entendaient avec les élites pour gérer en silence la misère des « clandestins ». Elle était là aussi quand les flics menaient leur rafles, photographiant leurs visages de tortionnaires et tentant d’interposer son corps entre eux et leurs proies.

Ils ont essayé de la briser. Ils l’ont fait casquer, prétextant la rébellion et l’outrage, l’ont arrêtée à maintes reprises et traîné devant leurs tribunaux. Ils l’ont moqué dans leur presse, traîné dans la boue pour qu’elle cesse ses activités. Mais rien ne pouvait la faire taire, car sa conscience était sans faille.

Sans m’étendre d’avantage, je voudrais livrer un hommage personnel à Zetkin, qui était l’incarnation d’une lutte simple, efficace et permanente contre l’agression capitaliste et son pendant xénophobe. Zetkin était communiste, je suis anarchiste. Mais nos luttes étaient faites pour s’entendre. Pour elle, et parce qu’on lui doit bien ça, je voudrais qu’on reprenne une lutte collective, radicale et sans concession contre l’oppression capitaliste. Quand enfin les murs tomberont, mes pensées iront vers elle.

Zetkin s’est envolée par dessus les barbelés, que le vent la porte ! Elle reste parmi nous, plus vivante que jamais.

Indymedia Lille, 18 septembre 2011.

 

Marie-Noëlle nous a quittés

Nous venons juste d’apprendre le décès de Marie-Noëlle Gues, plus connue sous le nom de « zetkin » sur indymedia.lille.

Zetkin était une infatigable traqueuse des méfaits de la police de Calais envers les migrants. Son appareil photo était son arme. Pas plus tard que le 14 août, elle publiait encore ici

Calais : des soudanais et des afghans en voie d’expulsion !

La maire de Calais et sa police font la chasse aux étrangers, mais aussi leurs soutiens. Accusée d’outrage et rebellion, après une garde à vue musclée, Marie-Noëlle avait dû affronter les affres d’un procès, qu’elle a raconté sur Rue89

Jugée car je photographie les arrestations de sans-papiers

Mais Marie-Noëlle continuait, rien ne pouvait arrêter sa soif de justice. Elle était un exemple de ténacité. Ses interventions pour RESF (Réseau éducation sans frontières) ou les collectifs antidélation étaient toujours remarquées. Comme l’a écrit joliment une amie des collectifs en apprenant son décès : « Je l’ai surnommée aujourd’hui la “Louise Michel des sans papiers” ».

La police n’est pas arrivée à la faire taire, la mort y est parvenue.

La lutte continue, Calais n’est pas une zone de non droit.

Une pensée émue à sa famille, ses amis, aux migrants et à tous leurs soutiens. Marie-Noëlle a montré l’exemple, elle est et restera toujours parmi nous.

No Pasaran

Indymedia Lille, 17 septembre 2011.

 

Les bourreaux de Calais

Depuis la fermeture du camp de Sangatte, Calais est un peu comme Mayotte ou la Guyane, une zone du territoire français où la chasse aux étrangers est devenu le sport favori des quelque 2200 policiers et CRS déployés dans le secteur. Rafles massives, quadrillage de la ville, gazage et destruction des squats, hangars et camps installés dans les bois ou sous les ponts, rien n’y fait : malgré l’agrandissement du centre de rétention de Coquelles, le remplissage de celui de Lille ou de Roissy, la plupart des étrangers, originaires d’Afghanistan, de Somalie ou d’Érythrée, ne sont matériellement pas expulsables. Pour pallier cet inconvénient, les gens ramassés sont déportés aux quatre coins du pays avec l’espoir que la proximité d’une autre frontière leur donne l’idée de renoncer à l’eldorado britannique. Hormis le développement sans frein de la répression et de la violence, aucun résultat notable n’a été relevé dans la tentative de les éradiquer des abris qu’ils s’acharnent à investir le temps d’un départ de plus en plus hypothétique vers l’Angleterre. Plus de 40’000 migrants seraient pourtant passés par Calais depuis trois ans. C’est-à-dire autant qu’avant. Marie-Noëlle, témoin opiniâtre de l’après-Sangatte, se livre quant à elle à un safari-photo et tient sur zpajol une chronique régulière et édifiante que CQFD conseille vivement à ses lecteurs.

Bête noire des policiers, elle est passée le 19 décembre en procès pour « outrages » envers cinq CRS, dont elle filme et photographie avec constance les violences et les exactions. « L’avocat des policiers m’a rendu honneur, sans le vouloir, et a fait rire certains dans le public quand il a parlé de l’humanité des policiers », s’amuse-t-elle. Les témoignages de cette « humanité » recueillis par Marie-Noëlle ne manquent pas de sel : « Lundi 2 octobre, vers 23 heures, des CRS avaient arrêté des réfugiés cherchant une place pour dormir à l’abri de la pluie. Ils leur ont demandé de chanter une chanson s’ils voulaient être libérés. Deux ont accepté et sont partis libres. » En août 2005, ils ont emmené Marie-Noëlle directement à l’hôpital après une de ses séances photo en prétendant qu’elle était folle. Finalement rendue aux CRS par le médecin, elle a appris en sortant de cellule de dégrisement le lendemain matin « qu’elle avait beaucoup bu ». Mais si l’on en croit les témoignages de réfugiés, les pandores ne se contentent pas de ces petites humiliations. Un Afghan et un Érythréen auraient ainsi trouvé la mort sur l’autoroute en juillet dernier, pourchassés par les CRS. Les gazages de squats, malgré la présence d’enfants et de femmes enceintes, sont très fréquents, même si les policiers ont longtemps eu la délicatesse de ne pas utiliser les gaz devant un objectif. « Pour contourner ce problème de les prendre sur le vif, nous avions organisé une surveillance d’un squat avec des inconnus des policiers. Le gazage a été filmé et mis sur un site. La police est en train de mener une enquête sur ce site. Non pas pour savoir quel agent aurait utilisé le gaz contre de jeunes étrangers, dont un bébé d’un an et demi, mais pour savoir qui avait eu le culot de prendre en vidéo les faits. » Marie-Noëlle est régulièrement témoin de matraquages et d’insultes racistes. Si elle ne lâche pas l’affaire, elle est de plus en plus inquiète : « Les policiers semblent avoir dépassé une limite. Je me suis rendu compte qu’ils se moquaient de me savoir présente sur les lieux du matraquage. J’ai moi-même été insultée par trois policiers du commissariat de Calais, en plein jour. L’un d’entre eux m’a menacée de me casser la figure. Sarkozy veut montrer qu’il s’attaque effectivement aux réfugiés. Les actes violents vont être de plus en plus répétés et visibles. »

CQFD n° 41, janvier 2006.

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