Lundi 25 juillet
La presse n’en finit pas de s’épancher sur les « évènements de Abassiah », guerre d’infos, guerre d’intox, les morts sont niés d’une part, la colère répond d’autre part.
Les travailleurs d’Ismaïliah ont fait une sortie, ils sont en grève, « petit accrochage » avec la police militaire, 38 blessés, peu d’infos, à suivre donc, la place est toujours pleine, mais l’ambiance est un brin remontée.
Mardi 26 juillet
Il est 22 heures et la place est noire de monde. Ça discute énormément, beaucoup de « spectateurs » sont venus, les irréductibles de la place leur parlent, leur prêchent parfois, ça se dispute, mais une immense majorité, d’occupants comme de passants tombent d’accord sur la nécessaire unité. La plupart attendent vendredi 29 juillet. Un grand rassemblement est prévu. Alors que salafistes et Frères musulmans avaient promis de venir purifier la place de la « racaille » qui y campe, ces derniers n’ont cessé de se fendre de communiqués : les salafistes ont assuré soutenir le mouvement et ses revendications (hors modifications constitutionnelles « laïcardes » bien entendu) ; les Frères musulmans ont pour leur part, par voie de presse communiqué avec la même langue de bois habituelle : ils seront là bien sûr, leur service d’ordre sera là bien sûr, ce sera donc un vendredi assez barbu, peu dépaysant en somme…
23 heures, le stand de l’entrée de la place Tahrir, côté rue Talaat Harb, c’est à dire côté centre-ville historique, est tenu, depuis le 8 juillet, par un orateur de gauche qui parle en moyenne six heures par soirée. C’est le soir de la prise d’assaut. Une trentaine de jeunes, certains diront des baltaguia, les communistes présents diront des flics, montent peu à peu sur la tribune et arrachent le micro en criant au type de dégager, ce qu’il finira par faire, une heure plus tard. Le ton monte, on frise la bagarre générale à plusieurs reprises, la plupart sont mécontents de ce coup de force (ils disent tous unanimement « anti-démocratique »), mais les assaillants sont nombreux et organisés, ça fera, in fine, une tribune de moins, dans la plus stricte indifférence du reste de la place, occupée à se balader, et à écouter, ailleurs, ce qu’il se dit… nos chers « camarades » sont en effet peu nombreux, l’anathème de « communiste » marche très bien en Égypte, et cette belle jeunesse coupeuse de micro repart en scandant « nous avons viré l’alcoolique »… l’alcoolique leur parlait des grèves qu’il fallait soutenir et du CSFA qu’il fallait mettre à bas…
Une heure plus tard, c’est au tour du stand des chiites d’y passer, il est peu probable qu’il s’agisse d’une réminiscence des vindictes populaires à l’égard du califat fatimide au IXe siècle, les Frères musulmans (ou pire) sont bel et bien arrivés sur la place, et la « purification » a peut-être déja commencé, les jours prochains nous le diront…
Jeudi 28 juillet
23 heures, ils arrivent, et ils sont nombreux, les islamistes convergent de toutes parts, certains disent de toute l’Égypte, ils passeront la nuit sur place.
Vendredi 29 juillet
Ce devait être le « vendredi de l’unité », salafistes et Frères musulmans l’ont transformé en vendredi de la charia, une immense tribune a été dressée, toutes les banderoles remplacées, le message est clair : il s’agit de faire une démonstration de force, la première du genre. On ne se limite plus à 300 barbus et une centaines de fantômes voilés de noirs, mais plusieurs dizaines de milliers. 10 heures, plus d’une centaine de cars stationnent place Attaba, à 1 km de la place Tahrir, montée nationale de barbus. 12 heures, à l’heure du prêche la place est noire de monde, 150’000 peut-être 200’000… islamistes. Comme à Alexandrie et à Suez, les autres forces ont dénoncé le coup de force et vidé les lieux, rares sont encore ceux qui restent, noyés dans la foule. 14 heures, du haut de la tribune, les prêches apocalyptiques de prédicateurs déchaînent les slogans que les salafistes ne pouvaient guère plus crier depuis des années dans l’espace public « islamiya islamiya ouala sharkiya ouala garbiya » [islamique, islamique, ni occidentale ni orientale : comprendre « soviétique »], petit parfum d’années 80. 15 heures, ça continue, tout y passe, la laïcité, les libéraux, les coptes, les juifs, les communistes, ils tentent également une incursion au cœur de la place pour « séparer les femmes des hommes », le SO des Frères musulmans les rappelle à l’ordre. C’est la grande kermesse salafiste, et ça donne franchement envie de vomir… et c’est pour ça que l’on s’en va.
23 heures : les barbus sont partis, c’était pour un jour, un seul, c’était beau, grand, impressionnant, l’argent saoudien fait bien les choses, l’argent paie de cars et des tribunes…les anciens occupants de la place eux, sont revenus, et comptent bien y rester.
23h30 : a eu lieu dans la journée, une attaque d’un poste de police par « un groupe armé », on ne sait lequel, qui s’y est retranché, le comico est en ce moment assiégé par l’armée, tout celà se déroule à el Arish (nord-est du Sinaï).
31 juillet 2011.