Nantes Nécropole no 1 – Printemps 2011

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Et si leur projet n’était pas le nôtre ?

À Nantes, impossible d’ignorer qu’un projet d’aéroport international se mijote depuis plus de quarante ans. Les élus locaux se sont transformés en une sorte de lobby pro aéroport, relayés par leurs journaux promotionnels [2,4 millions d’exemplaires en cumulant le magazine régional, ceux du Département, de la Communauté urbaine et Nantes Passion] et avec complaisance par la presse du cru.

Les oppositions qui se sont manifestées depuis l’origine de ce projet, les contre argumentaires, contre expertises et contre propositions, pour convaincants qu’ils soient à l’occasion, n’ont pas freiné l’avancement de ce projet pharaonique.

C’est donc qu’il est très cher — au propre comme au figuré — au cœur de nos édiles. Il n’est pas seulement un gadget de plus pour assurer leur prestige. Il fait pièce à une vision du développement urbain, rouage apparemment indispensable d’un certain développement économique.

Pour satisfaire les exigences et les intérêts de ce développement, avec son cortège de modernité, croissance, compétitivité et autre attractivité — tous lieux communs surtout destinés à empêcher la pensée critique — il serait donc indispensable que Nantes dispose d’un nouvel aéroport.

Il est habituellement désigné comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, mais il s’agit bien de l’aéroport de Nantes, pièce maîtresse d’un fantasme de métropole Grand-Ouest, plaçant Nantes en position dominante dans un triangle englobant Rennes et Saint-Nazaire.

Puisque nous habitons Nantes et ses environs c’est en notre nom que ce projet, et l’urbanisation croissante de nos espaces de vie, sont imaginés et promus.

Que nous dit-on, depuis quarante ans, pour nous faire croire que c’est à nos besoins qu’ils sont censés répondre ?

Premiers arguments avancés : la sécurité des habitants survolés, suivie de près par la promotion de l’emploi et du développement local. Vieille rhétorique de la peur, de l’angoisse que le ciel nous tombe sur la tête sous la forme d’un avion ou d’un passage par la case chômage. Permanente injonction au développement à tout prix et menace sous-jacente de la relégation économique. Ces incantations, qui ne résistent pas à l’examen, ne visent encore qu’à tétaniser toute réflexion sur le modèle de société qu’elles supposent.

On nous dit aussi sans rire, puisque tout aujourd’hui doit être éco-quelquechose, que cet aéroport serait affublé du label « haute qualité environnementale ». Que signifie cette écologie de façade qui ne recule pas devant la bétonnisation de milliers d’hectares de terres agricoles et l’extension infinie de zones suburbaines ? Opportuniste, la peinture verte du bâtiment de l’aérogare exploite un concept mis à toutes les sauces, qui culpabilise autant qu’il enrégimente.

Enfin, on nous vend une Métropole. Verte, puisque c’est l’argument du moment. Et Grand-Ouest, puisqu’il faut exister dans l’Europe de la marchandise. En voie de configuration tant mentale que spatiale, ce territoire recouvre des enjeux politiques et économiques dont ce projet d’aéroport est l’une des expressions les plus manifestes.

Les fausses évidences cachent des intérêts plus réels. Pour sortir de la passivité dans laquelle essaient de nous plonger les discours politiques et médiatiques, nous avons besoin de regarder de près les arguments déployés pour justifier un tel projet.

En interrogeant les notions de métropole ou d’écologie, matrices indissociables de l’urbanisation à la mode du temps, nous avons essayé de mettre au jour les représentations qu’elles cherchent à façonner et les enjeux qui les sous-tendent. Accroître notre compréhension des décisions prises à notre place, c’est nous donner les moyens d’affirmer nos choix et nos refus.

C’est aussi ce que font celles et ceux qui, pour s’opposer résolument à ce projet délirant, ont décidé d’aller vivre sur place et de se réapproprier un bout du territoire qu’il prétend accaparer.

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