Voici un long texte intéressant d’analyse, écrit par des anars de Madrid et traduit par des libertaires de Caen, sur le mouvement des « indignéEs » de la Puerta del Sol et sur l’intervention des anarchistes au sein de cette mobilisation.
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Un bel après-midi de juin
Du rôle contre-révolutionnaire et nuisible des citoyen-ne-s flics dans la lutte pour le changement social.
Ce dimanche vers 15 heures, un rassemblement populaire s’est constitué sur la place Flagey. Alors qu’il s’agissait pour bon nombre de personnes présentes de prendre la rue et de faire compendre aux soi-disant dirigeants politiques que nous pouvons très bien vivre sans eux et mener nos vies comme nous l’entendons, un-e des indigné-e-s a pris l’initiative de négocier avec la commune pour recevoir une autorisation de manifester. Il est frappant de constater que nous ne pouvons à ce point nous passer de l’autorité, qu’alors même que nous la contestons, nous la prions de nous donner son aval pour ce faire. Paradoxal? Pas tant que ça : les bon-ne-s citoyen-ne-s et autres socialistes autoritaires refoulés aiment ajouter du piment à leur balade dominicale, mais sans risquer d’être assimilé-e-s aux « dangereuses » personnes qui chercheraient à renverser le système dominant qui les exploite et ne leur permet pas de rêver plus loin que RTL TVI. Nous rêvons d’un monde sans domination, dans lequel peuvent s’exprimer nos désirs, nous tentons de l’arracher à celles et ceux qui confisquent la force et la possibilité de jouir. Mais, apparemment, certain-e-s préfèrent continuer à vivre dans un monde de rêves, sans tenter de les réaliser. A force de vivre prisonnier, on en vient à craindre la liberté.
Lors de la première confrontation avec les flics, provenant d’une tentavive de s’écarter du sacro-saint itinéraire prévu par la commune, des voix se sont fait entendre : »Ca fait plus d’un mois que je suis sur ce projet, vous n’allez pas tout gâcher », etc. Un beau témoignage de solidarité de la part de personnes qui devraient songer à se reconvertir dans l’organisation d’événements socioculturels au cours desquels l’imprévu ne risque pas de se manifester (les fêtes de la musique ne sont pas encore terminées, avis aux amateurs/trices).
Lors de la seconde confrontation avec les keufs, d’autres voix se sont à nouveau disctinguées : »Nous ne sommes pas des anarchistes, nous sommes des pacifistes ». Ou encore : »De quoi se plaignent-ils (les compagnon-ne-s ayant reçu des coups de matraque, ndlr), je suis pacifiste et je n’ai pas été attaqué par la police ». Triste manque de cohésion. Après tout, le pacifisme n’est pas à confondre avec la lâcheté et la désolidarisation. Et l’envie de ne pas se laisser dicter ses envies et son comportement par un-e flic ou un-e politicard-e doit pouvoir s’exprimer autrement que par une simple promenade silencieuse encadrée par la police ou l’autoproclamé service d’ordre interne de la manifestation.
Suite à ces deux mouvements spontanés de la foule, quelques manifestant-e-s flics se sont interposé-e-s entre les manifestant-e-s et les forces de l’ordre, afin que le trajet ne soit pas à nouveau dévié de son cours. Avec des ami-e-s comme celles/ceux-là, plus besoin de police! Cessons tout de suite les références aux révolutions arabe, grecque, etc. (elles véritablement empreintes d’insurrection) si nous sommes incapables de choisir nous-mêmes notre propre chemin (ceci à ne pas prendre uniquement au sens propre, hein) et que nous avons besoin d’une escorte policière pour prendre la rue.
Le but de ce micro-pamphlet n’est pas de diviser les réelles forces révolutionnaires en recherche de changement, mais plutôt de lancer une invitation aux citoyen-ne-s bienpensant-e-s à ne plus empêcher par leur inertie peureuse l’émergence d’un mouvement concret visant à la tabula rasa sociale et politique, seule prometteuse d’une autre vie que celle imposée par la société spectaculaire, mortifère et débilitante.
Toutes et tous, nous portons en nous cette capacité de révolte et de rébellion face à la domination et à la normativité imposée. Lorsque les citoyen-ne-s flics comprendront que l’obstacle se situe plutôt du côté de l’Etat (une forme actuelle de la domination politique, mais évidemment pas l’unique) que du côté des manifestant-e-s non-mous/molles, alors peut-être les manifestations se révèleront-elles vraiment efficaces. Peut-être même ne seront elles plus nécessaires.
A bon entendeur/euse…
Une insurgée
Bravo, et merci pour cette analyse. Je me suis moi aussi interrogé sur le sens caché de l’expression « indignez vous ». Une précision en retour. L’auteur de l’essai qui porte ce titre n’a pas choisi le titre ; c’est son éditeur qui le lui a proposé. M Hessel en est-il devenu indigne (quoi, un auteur qui se laisse manipulé pour le titre d’un essai aussi populaire). Je pense que le manque de dignité est un ingrédient de la réussite marchande, car l’achat est compensateur (illusion du rachat pour rester dans les références bibliques)
Salutations adelphiques. Restons uniEs vers un autre monde possible et digne.
HB
Texte de Claude Guillon :
INDIGNÉS ! L’UN DIT NIAIS… VOUS ?
digne, ding, dong
Décidément, à l’époque des médias de masse, la mode peut vous dégoûter de n’importe quoi : une couleur, un plat, un mot. Jusqu’à une date récente, je n’éprouvais aucune aversion à l’égard de l’adjectif indigné. Voilà qu’il me donne la nausée ; je ne peux plus le voir en peinture ; je me demande comment il a pu se former dans ma bouche
D’ailleurs, j’avais tort de ne pas me méfier. Quand on y regarde de plus près, digne, indigne, indigné, s’indigner, tout ce groupe de mot est extrêmement louche. L’ensemble est un emprunt (11e s.) au latin dignus, « qui convient à », « qui mérite quelque chose ». L’adjectif est dérivé de decet, « il convient ». Le verbe latin se rattache, comme nous l’apprend le Dictionnaire historique de la langue française, à une racine indoeuropéenne exprimant l’idée de se conformer ou de s’adapter à quelque chose.
Reprenons : Digne signifie « qui convient à ». Indigne « ne convient pas ». Mais indigné ? On pense logiquement à « privé de dignité », privé du caractère de ce qui est convenable, et qui en réclame la restitution.
La forme pronominale « s’indigner » a la même ambiguïté que « s’énerver » par exemple, qui signifie littéralement « se priver de nerfs », et non pas s’agacer, ce que veut le sens courant.
Littéralement toujours, l’invite « Indignez-vous ! », surtout formulée au pluriel, que l’on est tenté de rétablir dans son intégralité biblique (Indignez-vous… les uns les autres) sonne comme une recommandation de nous enlever un peu de dignité (à soi-même ou les uns aux autres).
Pour attribuer à ce mot d’ordre un reste de subversivité, il faut garder présent à l’esprit que dignité renvoie, en gros, à l’adjectif conventionnel. La signification serait donc : « Soyez moins conventionnels ! » Au singulier, « Indigne-toi ! » se rapproche du « Lève-toi et marche ! », pour demeurer dans le registre biblique. En effet, même si les résonances chrétiennes sont involontaires, la dimension morale est évidente. L’auteur qui choisit ce titre pour un essai appelle chaque individu à modifier son attitude morale face au monde. Il ne dit pas « Unissez-vous ! » (formule pourtant tombée dans le domaine public) ou encore « Révoltez-vous ! ».
Or je connais, comme vous sans doute, de nombreuses personnes, sincèrement indignées, qui ne se révoltent ni ne s’unissent. Sans doute, le passage de l’émotion à l’action est possible ; la pratique collective, ses nécessités et les répliques qu’elle entraîne de la part du système, se chargent par la suite de dessiller les yeux de celles et ceux qui ont cru que l’indignation étant une valeur positive, elle entraînait un avantage matériel. L’évolution de certaines personnes (pas toutes, hélas !) engagées, sur un mouvement d’indignation, dans le Réseau éducation sans frontières (Resf) en est un exemple.
Inspiré(e)s par les occupant(e)s de la place Tahrir, les Indigné(e)s de Madrid et de Barcelone ont tenté d’en construire un autre exemple. Il n’est certes pas anodin qu’un aussi grand nombre de personnes se réunissent, en dehors des partis politiques, et sur le mot d’ordre – mis en pratique semble-t-il – d’une démocratie véritable ou directe. Et d’autant moins que c’est peut-être une voie nouvelle dans un pays dont certain(e)s ne peuvent ou ne veulent pas, pour diverses raisons sur lesquelles je ne m’appesantirai pas ici, assumer la passé révolutionnaire. Même si, doit-on remarquer aussitôt, la difficulté à appréhender la question de la violence (et de la non-violence) en termes matérialistes, c’est-à-dire tactiques, et non en termes de morale abstraite, se paye cher en coups de matraques et balles de caoutchouc.
La répétition à l’identique, tentée place de la Bastille, ou demain place de Brouckère, paraît beaucoup plus vaine, même si faire des rencontres n’est jamais perdre son temps. C’est qu’en effet, si la morale humaniste est identique à Paris, à Madrid et au Caire, les rapports de force et les rapports de classes sont différents.
La naïveté, pour ne pas dire la niaiserie, de tels anciens ou nouveaux « résistants » est de penser ou de faire comme si l’histoire récompensait les bons sentiments.
Il suffirait :
– a) d’être du bon côté ;
– b) de le montrer dans la rue ;
– c) de tous se parler et s’écouter (voyez les ravis de la crèche dans la grotte de Tarnac)…
…pour que tous les gars et les filles du monde – les multitudes, quoi ! – se donnent la main et que la subversion généralisée sape les fondations de l’empire.
Au risque de les indigner un peu plus, on se permettra de recommander aux amateurs de miracles de commencer prudemment par la transformation de l’eau en vin, qui fait toujours son petit effet lors des barbecues de printemps (au pire, on se contente du robinet) plutôt que d’inciter leurs amis (leur peuple) à la traversée de la Mer rouge sans palmes ni bouées. Là, on boit la tasse. Sans parler des requins et des garde-côtes.