Nous reproduisons le communiqué du collectif du 8 juillet suite à la décision du parquet de renvoyer le policier responsable du tir devant les assises. Une première pour un cas de mutilation au flashball. Le dossier était bloqué par le procureur depuis deux ans. Leur lettre récente a débloqué les choses prouvant ainsi qu’il est toujours efficace de mettre la pression.
Comme d’autres, le collectif avec lequel nous avions publié une tribune, a choisi une tactique juridique double :
1. Une attaque au pénal contre le flic responsable du tir. Même si ce n’est pas gagné, le renvoi devant la cour d’Assises devrait quand même en refroidir plus d’un et constitue en lui-même une petite humiliation.
2. Une attaque au tribunal administratif qui vise cette fois le préfet, c’est-à-dire l’autorité qui est responsable de l’armement des flics, procédure pour laquelle le préfet de Paris a déjà été condamné pour une blessure au flashball.
Ensemble, nous pensons qu’il est capital de toujours tenter ces deux procédures et de ne pas attendre l’échec possible (relaxe ou non-lieu comme ce fut le cas à Nantes ou à Toulouse) pour entamer la procédure administrative.
Suite aux réquisitions du procureur
Après avoir attendu deux ans et quatre mois la procureure de Bobigny vient de rendre ces conclusions. Sur les trois policiers mis en examen, le parquet requiert un non lieu pour deux d’entre eux. Il demande le renvoi devant la cour d’assises du policier qui a tiré sur Joachim Gatti.
Nous sommes six à avoir été touchés et blessés ce soir-là, nous sommes quatre à avoir porté plainte. Tous les tirs étaient dirigés vers nos visages. Nous avons été touchés à la nuque, à la clavicule, au front et à l’œil. Tous les tirs auraient pu nous blesser grièvement. Or, le parquet ne demande le renvoi devant la cour d’assises que d’un policier, celui qui a éborgné Joachim.
Il est pourtant évident que les trois tireurs mis en examen par le juge d’instruction partagent la responsabilité. En droit, il y a une expression pour dire cela : il s’agit d’un cas avéré de violence en réunion. On retrouve les mêmes entorses au règlement d’utilisation du flash-ball : le non respect de la distance de tir, de la zone de tir, et aucune légitime défense n’est soutenable comme l’a confirmé le parquet. Donc la même intention de faire mal, de blesser. De ce fait, il n’y a aucune raison de ne renvoyer qu’un seul policier en cour d’assises.
Car ce qui est en cause ici, c’est une opération policière où l’on retrouve chez les policiers une volonté partagée d’en découdre, de punir des personnes qui depuis des années militent pieds à pieds dans la ville contre les rafles de sans-papiers, contre les expulsions de logement, contre les radiations dans les pôles emplois.
Opération policière dans laquelle la hiérarchie a une grande responsabilité. Sinon comment expliquer la détermination partagée des policiers à nous tirer dessus, alors que nous étions en train de nous disperser ? Entre autres éléments du dossier, on peut évoquer la carte blanche donnée aux policiers ce soir-là.
Devant le caractère accablant du dossier, la police et la justice ont décidé de lâcher un policier et de lui faire porter toute la responsabilité, laissant croire qu’il s’agit-là d’un acte isolé, d’un accident en somme.
Croyez-nous, nous avons bien plus de colère contre ceux qui ont armé les policiers et les ont lâchés sur nous, que contre les tireurs. Qu’ils comptent sur nous pour ne pas les oublier. Notons qu’avec d’autres personnes blessées par la police, nous avons porté plainte devant le tribunal administratif.
Pour l’instant, nous attendons la décision du juge d’instruction auquel nous allons remettre des observations dans ce sens.
Pour l’instant, nous attendons les décisions concernant toutes les histoires où des policiers ont tué ou blessé des personnes.
Et nous appelons à la manifestation nationale des victimes de la police, au métro Anvers à 15 h à Paris aujourd’hui le 5 avril 2014.
Collectif huit juillet – Se défendre de la police
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Tir de gomme-cogne à Montreuil : un policier renvoyé devant les assises
Un policier a été renvoyé devant les assises, vendredi 4 avril, après avoir blessé un homme au gomme-cogne sur la place du marché de Montreuil (Seine Saint-Denis) en 2009 au cours d’une opération de police, a annoncé le parquet de Bobigny.
Il sera jugé pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation », après que l’homme visé, qui manifestait contre une expulsion de squatteurs, a perdu un œil. Il est établi que « le policier n’a pas agi en état de légitime défense de lui-même ou d’autrui » et que « le blessé n’était pas personnellement visé », explique le parquet dans un communiqué.
Le 8 juillet 2009, Joachim Gatti, un réalisateur de 34 ans impliqué depuis plusieurs années dans les activités de La Clinique occupée, à Montreuil, avait décidé de protester, avec d’autres résidents du lieu, contre l’évacuation de l’ancienne clinique devenue à la fois salle de projection, centre d’information sur les droits sociaux et espace de débat.
Le soir de la fête protestataire, la police était intervenue à l’entrée de la rue piétonne du quartier Croix-de-Chavaux, procèdant à trois arrestations et tirant au gomme-cogne pour disperser les participants. Joachim Gatti a été emmené à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris, le visage en sang. Il venait de perdre son œil droit.
UN USAGE ABUSIF DU FLASH-BALL
Une information judiciaire avait été ouverte à la fin de juillet 2009 pour déterminer les circonstances de ce tir. Le policier avait été mis en examen en septembre de la même année, à l’issue d’une enquête de l’Inspection générale des services (IGS, la « police des polices »). Celle-ci avait conclu que des policiers n’avaient apparemment pas respecté les règles d’utilisation du gomme-cogne, en vigueur dans la police, lors du tir incriminé.
Le parquet a toutefois prononcé un non-lieu à l’encontre du policier et de deux autres mis en examen, concernant cinq autres victimes « légèrement blessées », estimant « qu’aucun lien n’avait pu être établi entre les autres tirs de Flash-Ball et leurs blessures ».
En décembre 2010, un rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) avait estimé que l’utilisation de gomme-cogne n’était alors « pas indispensable et proportionnée à la menace ». La CNDS « consid[érait] surtout, au vu des témoignages précis recueillis, que le cadre légal d’emploi n’était pas respecté pour ce qui concerne l’un des tirs du gardien de la paix ».
Dans un rapport datant de mai 2013, le défenseur des droits dénonçait également les « recours irréguliers ou disproportionnés ».
Leur presse (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 4 avril 2014)