Le procès en diffamation des neuf officiers français contre la revue La Nuit Rwandaise
À propos de ce procès :
La commission nationale indépendante rwandaise dite Commission Mucyo, chargée de faire la lumière sur le rôle de la France dans le génocide des Tutsi de 1994, a remis son rapport au gouvernement rwandais le 16 novembre 2007.
Le Ministre de la Justice / Garde des Sceaux rwandais, Tharcisse Karugarama, rend public ce rapport le 5 août 2008 et, dans un communiqué de treize pages, il résume les charges contre la France. Il stipule que la France était au courant des préparatifs du génocide, qu’elle a participé aux principales initiatives de sa préparation puis à sa mise en exécution, et qu’elle est responsable de la continuation des opérations du génocide dans sa « Zone Humanitaire Sûre ».
Le communiqué se termine par une liste de personnalités françaises, 13 politiques et 20 militaires, « les plus impliquées dans le génocide ». Il conclut : « Vu la gravité des faits allégués, le gouvernement rwandais enjoint les instances habilitées à entreprendre les actions requises afin d’amener les responsables politiques et militaires français incriminés à repondre de leurs actes devant la justice. »
Plusieurs des officiers français cités ont demandé un soutien public de leurs responsables politiques, mais ne l’ont pas obtenu. Ils ont alors souhaité porter plainte contre le Rwanda ou son ministre de la Justice, mais cela n’a pas été possible pour l’instant. Neuf d’entre eux [Ces neuf officiers sont : Bernard Cussac, attaché militaire de 1991 à 1994 ; René Galinié, attaché militaire jusqu’en 1991 ; Jacques Hogard, commandant du groupement sud Cyangugu de Turquoise ; Étienne Joubert, Chef du DAMI Panda, officier de renseignement puis chef des opérations du détachement du 1er RPIMa dans l’opération Turquoise ; Jean-Claude Lafourcade, commandant de Turquoise ; Jean-Jacques Maurin, attaché militaire adjoint de 1992 à 1994 ; Christian Quesnot, chef d’état-major particulier du président de la République, François Mitterrand ; Michel Robardey, assistant militaire technique, conseiller en police judiciaire ; Jacques Rosier, commandant de l’opération Noroît en 1992 et du COS durant Turquoise.] ont porté plainte contre deux sites web qui ont publié le communiqué en question : Le Nouvel Observateur et La Nuit Rwandaise [« La Nuit Rwandaise » publie encore ce communiqué à l’adresse lanuitrwandaise.org/revue/communique-du-gouvernement,102.html ainsi que sur ce site. Le Nouvel Observateur l’a fait disparaître de son site. Le gouvernement rwandais aussi, même si on le trouve encore sur certains de ses sites annexes.]. Ils visent en fait le Rapport Mucyo, qu’ils voudraient voir qualifier de « tissu de mensonges » par la justice française.
Il est relativement facile d’établir la bonne foi de ces deux sites web. Ne serait-ce que parce que, de leur côté, des officiers français présents au Rwanda avant et pendant le génocide des Tutsi ont eux-même publié ce communiqué. Ainsi l’association créée par les officiers pour leur défense, France-Turquoise, l’a mis en ligne pendant un moment. Et l’un d’eux, Didier Tauzin, l’a publié en annexe de son livre.
La Nuit Rwandaise, représentée par son directeur Michel Sitbon, a en outre choisi ce qui s’appelle « l’offre de preuve » pour établir au cours du procès la matérialité des faits sur lesquels se base ce communiqué. Quinze rescapé-e-s, témoins oculaires, journalistes, ou chercheurs sont disposés à venir témoigner, ce dont nous les remercions.
Maîtres Laure Heinich et Christian Charrière-Bournazel ont accepté d’assurer la défense de La Nuit Rwandaise. Ils ont obtenu que le tribunal dégage du temps pour auditionner les témoins et leur permettre de s’exprimer sur le fond. Le procès est ainsi prévu le 23 avril après-midi et toute la journée du 24 avril 2013 au Palais de Justice de Paris [17e chambre correctionnelle, 1er étage, Tribunal de Grande Instance, Palais de Justice de Paris, 4 boulevard du Palais, 75001 Paris, Métro Cité ou Châtelet, dans l’Île de la Cité].
Le Nouvel Observateur se limite à plaider la bonne foi. Il vient de demander à annuler la procédure, car la plainte englobe la totalité du communiqué (alors que normalement elle doit porter sur des phrases précises). Début avril 2013, quand le septième numéro de La Nuit Rwandaise paraîtra, nous devrions donc savoir si le procès est maintenu.
Ce procès occasionne naturellement de nombreuses dépenses liées à la constitution du dossier, aux frais des avocats et à la venue des témoins. Nous vous appelons donc à soutenir La Nuit Rwandaise par votre aide financière [Chèques à l’ordre de « France-Rwanda Génocide » à envoyer à la librairie Lady Long Solo, 38 rue Keller, 75011 Paris ou à Jacques Morel, 21 rue Antoine Freyermuth F-67380 Lingolsheim – France].
La Nuit Rwandaise, 17 mars 2013