Comment tricher aux examens
Un enseignant publie une étude sur la fraude chez les étudiants. Une anthologie d’initiatives farfelues et d’idées ingénieuses. À (ne pas) suivre !
Soyons honnêtes. Qui n’a pas glissé un jour dans sa trousse un petit bout de papier sur lequel étaient griffonnées, façon patte de mouche, des formules de maths ou les déclinaisons de latin afin « d’éviter de les oublier » — ou même de les apprendre ? Qui n’a pas tenté d’écrire au Bic sous la semelle de sa chaussure les dates de son cours d’histoire pour faire « comme dans les films » ? Qui n’a tout simplement pas tenté de jeter un coup d’œil sur la copie de son voisin pendant un contrôle ? Force est de constater que tout collégien, lycéen ou étudiant qui se respecte peut confesser avoir mal agi et triché, ne serait-ce qu’une fois dans sa longue carrière d’élève.
Certains sont sans aucun doute passés maîtres en la matière, consacrant souvent plus de temps à concevoir leur stratagème qu’il en serait nécessaire au simple apprentissage de leur leçon. D’autres, moins habiles, se sont cassé le nez, oubliant qu’un surveillant sait débusquer une « antisèche » dans une trousse, que le professeur peut s’apercevoir que deux copies sont étrangement truffées des mêmes erreurs, ou même que l’encre s’efface sous la semelle lorsqu’on marche sous la pluie.
Une anthologie d’initiatives farfelues
François Guénard, professeur de mathématiques à l’université d’Orsay, a également été examinateur pour de multiples épreuves à l’université, en classes préparatoires ou encore à la prestigieuse École centrale. La triche, ça le connaît. Il est même passé maître en la matière : depuis 2000, Guénard a établi une liste des méthodes invraisemblables imaginées par les élèves en décortiquant des extraits du Bulletin officiel de l’Éducation nationale, des rapports des inspections générales, ou tout simplement en s’appuyant sur les témoignages de professeurs et d’étudiants. Puis il a relevé les risques encourus et les sanctions qui ont été réellement appliquées, et les a réunis dans La Fabrique des tricheurs [La Fabrique des tricheurs, François Guénard, éditions Jean-Claude Gawsewitch, 300 pages, 19,90 euros]. Pétri de bonne volonté, François Guénard ne s’est pas arrêté là et propose également des solutions pour pallier ces nouvelles formes de triche, sous-titrant son ouvrage de la précision suivante : « La fraude aux examens expliquée au ministre, aux parents et aux professeurs. » Une bien belle intention, en vérité.
Mais à lire cette anthologie d’initiatives farfelues, d’idées ingénieuses et de méthodes inventives, il y a fort à parier que si ce livre tombait dans les mains d’élèves peu scrupuleux, les cancres en feraient « bon » usage. L’auteur commence par recenser les fraudes mises en place avant l’examen : le piratage électronique du sujet, via un courriel contenant le sujet ou l’interception d’un fichier dans l’ordinateur de l’enseignant, semble un grand classique. Plus original, cet ingénieux procédé mis en place par les élèves d’une classe préparatoire qui ont rempli un dossier de handicap pour cause de dyslexie en vue d’obtenir un tiers-temps supplémentaire aux épreuves écrites d’admissibilité dans de grandes écoles de commerce. Malins, ces futurs hommes d’affaires.
La fraude après l’épreuve
Manifestement plus attirés par le langage informatique que par la loyauté, des étudiants ont également été prêts à pirater les ordinateurs de leur université pour rehausser leurs notes directement dans la base des données administratives ou, plus osé encore, à falsifier des dossiers d’inscription et des pièces justificatives, et même à usurper directement un diplôme. D’autres privilégient encore des méthodes à l’ancienne.
Ainsi, outre les pressions et les intimidations sur les examinateurs et les correcteurs, les étudiants sont les rois de la contestation. Du sujet d’abord (« ne correspond pas au programme » et consorts), des conditions d’examen ensuite (la salle était trop froide, ou trop bruyante à cause de travaux devant l’établissement, il était « impossible de se concentrer »), voire de la notation à proprement parler. L’une des méthodes les plus fréquemment utilisées consiste justement à demander la consultation de la copie de l’examen et d’y glisser discrètement un intercalaire supplémentaire à l’insu du surveillant. Et l’élève de s’insurger : « Mais comment diable est-il possible que cette copie n’ait pas été intégralement corrigée ! » Voilà qui devrait en effet considérablement améliorer la note.
Mais dans l’impressionnant florilège des méthodes recensées dans ce livre, les techniques de triche les plus saugrenues sont sans aucun doute celles imaginées pour frauder pendant l’épreuve. Et rien n’arrête les contrevenants.
Tricher pendant l’examen
Un exemple est particulièrement édifiant. Alors que des jumeaux étaient accusés de s’être communiqué les réponses pendant une épreuve à laquelle ils se présentaient tous les deux, l’un des frères n’a pas hésité à « justifier la grande similarité des deux compositions en déclarant qu’il lui arrivait souvent de rédiger ou de dire exactement la même chose que son frère, qu’ils soient ensemble ou séparés, pour la simple et bonne raison qu’ils étaient jumeaux homozygotes« , écrit François Guénard, en s’appuyant sur le BO n° 37 du 14 octobre 2010. Bien leur en a pris : cela a fonctionné à merveille et, dans le doute, les étudiants ont été relaxés.
Plus technique, la récupération des réponses grâce à des calculatrices communiquant par infrarouge est devenue un mode courant d’échange de solutions — ou même plus simplement de consultation de données préalablement enregistrées dans l’appareil. Les étudiants jouent avec les règles et s’en affranchissent : certes, les documents sont interdits pendant l’épreuve, mais les calculatrices sont, elles, bien souvent autorisées, et il n’est jamais précisé que leur mémoire doit être effacée. De toute façon, lesdites mémoires sont du ressort de la vie privée, et nul n’a ainsi le droit de les consulter…, pas même l’organisateur de l’épreuve.
Les étudiants peuvent également communiquer avec l’extérieur — anciens élèves, professeurs particuliers, parents — ou même se connecter à Internet. Pour être relié au monde extérieur, un simple téléphone portable glissé dans la poche suffit — la fouille est bien entendu interdite. Pour éviter les éventuels détecteurs électroniques installés dans certains centres d’examens, reste à allumer le mobile dans le calme des toilettes, par exemple. Pour certains examens comme le baccalauréat, les solutions de l’épreuve sont mises en ligne sur Internet quelques minutes seulement après le début de l’examen. Le candidat est, lui, autorisé à entrer dans la salle d’examen une heure après le début de l’épreuve, pour peu qu’il présente une justification valable. Rien de plus simple que de se concentrer sur les réponses avant de se retrouver face à sa copie.
Un jeu dangereux
Nombreux sont les sites internet regorgeant d’idées — gratuites ou payantes — pour tricher sans se faire attraper. Mais les nouvelles technologies n’ont pas l’apanage de la réussite : certaines méthodes plus archaïques semblent toujours faire des merveilles. Substituer un candidat à un autre, bien sûr, ou encore la « duplication de copies ». Pour cette dernière technique, le candidat meuble sa copie pour faire oublier qu’il n’a pas su répondre à l’ensemble des questions qui lui étaient posées. D’aucuns n’hésitent pas à rédiger un même exercice deux fois, mais sous une forme différente, en misant sur la distraction du correcteur — « le professeur relit tellement de copies, il ne va pas s’apercevoir de la supercherie » — ou sur sa bienveillance — « il va se dire que je me suis trompé à cause du stress, et va m’accorder quelques points supplémentaires ». Dur à croire, mais cela fonctionne bel et bien.
La lecture de ce véritable manuel de la triche donnerait presque envie de se faire des frissons et de tenter l’expérience. Mais le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ? À toutes fins utiles, François Guénard rappelle tout de même pour chaque cas étudié que la triche est gravement punie si elle est découverte. À bon entendeur…
Publié par des tricheurs professionnels (Louise Cuneo, LePoint.fr, 13 novembre 2012)