Révolte populaire à la mine d’or de Syama : Les forces de l’ordre tirent sur les manifestants
Dimanche 11 novembre, c’est toute la commune de Fourou qui s’était révoltée. À l’origine du mécontentement général de la population, la violation par les responsables de la société minière, des accords convenus avec les populations.
Selon ces accords, 70 % des emplois de main d’œuvre non qualifiée sont réservés aux populations de la commune de Fourou sur le terroir de laquelle opère la société minière. Les 15 % reviennent au cercle ; 5 % à la région et 5 % à la République. Cependant, il se trouve toujours « des cadres véreux qui recrutent sur recommandation, ou leurs parents, ou même, d’autres qui vendent simplement le poste contre espèces sonnantes et trébuchantes », selon un élu contacté dans la localité. Ce problème demeure depuis que la société minière opère ici, ajoute cet élu. Ce qui est à la base de cette révolte populaire, dans une localité où le chômage frappe les populations qui voyaient dans cette mine une opportunité de sortie de la pauvreté.
La goutte d’eau qui a débordé le vase est l’arrestation des personnes dans cette affaire, dont un leader de la jeunesse, suite à des altercations, a indiqué un élu du peuple à Kadiolo, l’honorable Bréhima Béridogo. Le mécontentement général de tous les villages de la commune de Fourou découle du non respect des accords entre la société et la commune. Venus nombreux pour exprimer leur ras-le-bol, les habitants de la zone minière ont été pris pour cible par les forces de l’ordre qui ont transformé leur manifestation de colère en un bain de sang. Le bilan est de deux morts, 14 blessés. Les victimes tuées par balles sont : M. Sogodogo de la famille de l’Imam du village de Banasso et M. Dagnoko, le fils du chef de village de Balla. Selon un élu contacté, « la population n’était pas armée, et les deux victimes n’étaient guère des chasseurs. Le communiqué du gouvernement est archi-faux », ajoute cet élu dans la localité. Selon des témoignages recueillis, certains blessés le sont aux fesses, ce qui suppose qu’ils n’affrontaient pas les forces de l’ordre. Certains blessés graves auraient été évacués à Bamako.
Selon un Communiqué du Gouvernement, émanant du ministère de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, lu à la télévision et mis à la disposition de la presse, « le dimanche 11 novembre 2012 à la mine d’or de Syama, commune rurale de Fourou, cercle de Kadiolo, un affrontement a opposé un groupe de jeunes et de chasseurs aux forces de sécurité, faisant deux morts parmi les villageois et 14 blessés dont 4 graves, dans le rang des forces de sécurité. Cet incident malheureux est survenu suite à une plainte déposée à la justice par un responsable de la mine qui a été agressé nuitamment à domicile le 02 novembre 2012. Dans le cadre de cette plainte, trois individus dont un responsable du comité local de la jeunesse, ont été placés sous mandat de dépôt. Aussi, pour exiger la libération de ceux-ci, un groupe de jeunes et de chasseurs des villages environnants de la mine ont-ils érigé des barricades empêchant tous accès à la mine. Malgré les pourparlers menés par l’administration locale, ils n’ont pas voulu céder. Devant leur refus catégorique de lever les barricades, les forces de sécurité sont intervenues pour dégager les voies. C’est en ce moment que celles-ci ont essuyé des coups de feu tirés par les chasseurs. Dans la panique, les coups de feu ont mortellement touché deux villageois… »
Selon les informations recueillies auprès du ministère de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile, c’est le responsable des ressources humaines de la mine de Syama, victime d’agression à domicile qui est à l’origine de la plainte, suite à laquelle trois personnes dont un responsable de la jeunesse ont été arrêtés : Lassana Ouattara, Abdoulaye Soumano, Abdoulaye Koné (président du comité local de la jeunesse de Fourou). Pour exiger leur libération, les populations ont posé des barricades. Face à la révolte populaire, les responsables de la mine et le préfet de Kadiolo n’ont pensé qu’à faire appel à un renfort venu de Sikasso, qui a tenté de lever les barrières posées par les populations en colère. La fusillade qui a suivi a fait deux morts parmi les habitants et 14 blessés dont des éléments des forces de l’ordre. Nos efforts auprès des différents ministères impliqués et de la société minière ne nous ont pas permis d’avoir la liste des blessés.
Au ministère des Mines, Seydou Keïta, conseiller technique du département a fait état de la mise en place d’une mission de bons offices qui se rendra dans les prochains jours (peut-être mercredi) dans la mine d’or de Syama. Collégialement, les ministres des mines, de l’administration territoriale et de la décentralisation, celui de la justice, de la sécurité intérieure et de la protection civile s’occupent du dossier de cette affaire, a indiqué, le conseiller technique.
Au siège de la société Randgold sise au quartier Faladiè de Bamako, où notre enquêteur s’est rendu, il a été précisé que Randgold a cédé depuis 1996 la mine d’or de Syama à la société Resolute Mining Limited (Société minière de Syama S.a). Au siège de la Somisy Sa à Badalabougou, le Directeur général adjoint qui ne nous a pas reçus a fait savoir, par l’intermédiaire du vigile, qu’il s’en tient au communiqué du gouvernement diffusé sur l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (Ortm) le dimanche 11 novembre 2012.
Presse chercheuse d’or (B. Daou avec Aguibou Sogodogo, Le Républicain, 13 novembre 2012)