Espagne : des pillages de supermarchés au nom de la crise
Des militants andalous ont pillé les rayons de deux grandes surfaces en vue d’aider les plus démunis. L’initiative provoque un scandale en Espagne.
Un vol ? Un acte désespéré ? Une nécessité ? Une revendication ? Un groupe de militants espagnols a mené une action qui lui a valu nombre de qualificatifs. Mardi dernier [7 août], à une heure de grande affluence, des dizaines de personnes se sont introduites dans deux supermarchés andalous. Dans le premier, un Mercadona à Ecija (entre Séville et Cordoue), les intrus sont entrés dans la grande surface sous l’œil bienveillant d’un député de gauche, Sanchez Gordillo. Fonçant à travers les rayons, ils ont rempli leurs chariots de produits de première nécessité. « Ni chocolats, ni yaourts, ni desserts, mais du sucre, de l’huile, des légumes, du lait », explique Diego Cañamero, secrétaire général du Syndicat andalou des travailleurs. N’ayant aucune intention de passer en caisse, les individus, qui clamaient leur intention de tout redistribuer à des cantines populaires, ont été pris à partie par des employés de la grande surface, provoquant une belle bagarre générale.
Le même jour, dans un Carrefour situé à Arcos de la Frontera (près de Cadix), une opération à peu près identique a été menée, avec une issue toutefois plus pacifique, le centre commercial ayant décidé d’offrir aux militants une dizaine de chariots d’une valeur de 1000 euros. « Le moment est arrivé de mener des actions qui frisent l’illégalité, parce qu’il y a des gens pour qui tout va mal, et nous ne pouvons pas rester les bras croisés », a déclaré un syndicaliste impliqué dans l’opération coup de poing à un journaliste de El Pais.
« C’est de la barbarie d’attaquer un supermarché »
Tous les militants présents sur les lieux — qui agissaient à visage découvert — se sont justifiés en invoquant une désobéissance civile. Après les faits, d’ailleurs, pas de fuite, mais ils ont tranquillement pique-niqué devant les yeux des journalistes et des forces de l’ordre arrivées en nombre. « Si je finis en prison parce que j’ai pointé du doigt les effets de la crise, ce sera un honneur pour moi », a fièrement déclaré le parlementaire Sanchez Gordillo.
Une théorie qui, on s’en doute, n’a pas convaincu les supermarchés visés et les pouvoirs publics. Mercadona a porté plainte. Le ministère de l’Intérieur a jugé cette action « intolérable », et a envoyé dès le lendemain un mandat d’arrêt contre les protagonistes. De son côté, le député Sanchez Gordillo pourrait être amené à comparaître devant les juges. À l’indignation de la droite s’est ajoutée celle de la gauche qui a dénoncé l’irresponsabilité de l’élu. « C’est de la barbarie d’attaquer un supermarché quand on est député », a notamment déclaré le président socialiste d’Andalousie, José Antonio Grinan. La nourriture subtilisée lors de ces raids a été refusée par la Banque alimentaire, étant donné l’irrégularité de leur obtention. Les provisions ont finalement été distribuées gracieusement dans les rues de Séville.
Presse barbare (Constance Gay, LePoint.fr, 10 août 2012)
Pour en connaître un peu plus sur ceux qui ont opéré dans ces grandes surfaces : http://www.courrierinternational.com/article/2012/08/21/une-utopie-anti-crise-en-andalousie