Burkina Faso : Des manifestants incendient les installations d’une société minière
Des manifestants, mécontents de l’implantation d’une société minière dans une zone réputée être un lieu de pèlerinage musulman, ont incendié mercredi [14 janvier] les nouvelles installations et les engins de la société, marquant leur opposition au démarrage des travaux de la société.
Des habitants du village de Noogo, commune de Namissiguima, province du Yatenga, située au Nord du Burkina ont mis le feu aux engins de la nouvelle mine qui s’apprêtait à lancer ses travaux. Selon les manifestants, l’exploitation de la zone minière risque d’entraîner la destruction du site de la mosquée de Ramatoulaye [sic – NdJL], lieu par excellence de pèlerinage musulman au Burkina Faso.
Pourtant, la société minière canadienne True Rechercher True Gold a obtenu une licence d’exploitation industrielle, de conformité environnementale et de réalisation d’étude de faisabilité de l’État burkinabè. Elle devait alors démarré ses travaux sur quatre sites pour une exploitation minière.
Dès l’accord de la licence d’exploitation par l’État, les populations des localités concernées avaient émis des préoccupations, qui selon elles, avaient été transmises aux autorités. Mais à leur surprise, la mine s’apprêtait à lancé ses activités avant la prise en compte des préoccupations émises.
Selon certains témoins, quelques heures avant l’incendie du site, les responsables de la mine étaient allés voir le Cheikh de Ramatoulaye pour discuter du problème mais les manifestants n’ont pas attendu la fin des échanges.
« Nous avons essayé de dialoguer d’abord avec les responsables des manifestants en leur disant d’attendre l’arrivée des autorités régionales. Quand les autorités sont arrivées, elles n’ont pas eu le temps d’échanger avec leurs responsables que les manifestants sont venus en masse, les obligeant à se retirer », a indiqué le commandant de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) de Ouahigouya, le commissaire de police Aboubakary Siribié.
« La sécurité de Truegold nous a informé que des populations venues de Namissiguima et de Ramatoulaye s’apprêtaient à faire une descente sur la société (…) des instructions ont été données d’intervenir. C’est ainsi que les éléments de sécurité ont utilisé les gaz lacrymogènes pour repousser les frondeurs mais étant donné qu’ils étaient nombreux, ils ont réussi à incendier le matériel », a-t-il relaté.
Au Burkina Faso, l’or représente à lui seul 4% du PIB du pays. Depuis 2009, l’or a pris la place du coton comme première source de devises. Il a rapporté l’année dernière près de 200 milliards de francs CFA, soit plus de 300 millions d’euros. La production espérée en 2015 est de 39 tonnes.
De nouvelles mines sont en construction à Karma, au nord du pays, Houndé et Niankorodougou à l’ouest, et Batié dans le sud.
Presse antiémeute (Koaci.com, 15 janvier 2015)
(…) Des sources proches de la localité ont expliqué que « les manifestants ont intimé à la société de ne pas commencer ses activités dans le village, l’accusant de non respect des cahiers de charges et soupçonnant des dégradations éventuelles de son environnement après le passage des machines de True Gold ». (…)
Presse antiémeute (APA via StarAfrica, 15 janvier 2015)
Burkina Faso : Crise à True Gold – Des domiciles et des biens de natifs de la localité incendiés
Chaque jour qui passe voit se détériorer la situation à Namissiguima. Après l’incendie des biens appartenant à la société minière True Gold le 14 janvier dernier, des jeunes révoltés s’en sont pris aux natifs de Namissiguima jugés proches des responsables de la mine.
C’était le 16 janvier, lors d’une journée très mouvementée qui a vu le saccage ou l’incendie d’au moins quatre maisons. Un véhicule appartenant à El Hadj Abdoul Bonaf Maïga, frère cadet du Cheick de Ramatoulaye, a également subi la furie des flammes. Pour l’heure, la population rejette toute idée de recevoir le gouverneur de la région du Nord, Hassane Sawadogo.
Décidemment, plus rien ne va à Namissiguima. En effet, après l’incendie des installations de la société minière True Gold le 14 janvier dernier, des jeunes ont décidé, le 16 janvier de s’en prendre aux natifs de la localité jugés « proches » de la société. Dès 10h50 mn, quelques commerçants du marché central de Namissiguima, inquiets, ont fermé boutique.
Des jeunes dont l’âge varie entre 10 et 25 ans prennent en otage la localité, à la recherche des domiciles de personnes jugées proches de la mine d’or de Karama. Les forces de l’ordre sont déployées en grand nombre. Première cible des manifestants : la résidence de l’ex-maire de Namissiguima, Abdoulaye Ouédraogo.
Sa cour, toujours en construction, a été mise à sac et incendiée partiellement. Au quartier Toghin, réside un « traître » du nom de Souleymane Tinto.
Sa maison sera complètement saccagée et sa moto totalement incendiée. Tinto Charles et Tinto Gérard ont également reçu la visite des « insurgés » qui ont commis les mêmes dégâts à leurs domiciles.
Après les différents quartiers de Namissiguima, les jeunes prennent la direction de Ramatoulaye. Là, ils investissent la maison du petit frère du Cheick Aboubacar Maïga 2, Abdoul Bonaf Maïga. Son véhicule stationné dans la cour a été retiré de force pour être incendié à quelques 2 km environ, dans un espace vide.
Pourquoi s’en prendre à toutes ces personnes natives de Namissiguima ? À cette question, les réponses sont diverses. Pour ce qui est de l’ex-maire, on le soupçonne d’être très clément envers les autorités minières, d’être de connivence avec elles.
« Depuis le début de notre bagarre avec le Blanc (Ndlr : l’autorité minière), Abdoulaye ne s’est jamais joint à cette lutte. Il ne nous a jamais approchés pour comprendre quoi que ce soit. Nous avons alors compris que c’est un traître à la solde de True Gold », a confié Ali Ouédraogo (15 ans). « Ce monsieur (Ndlr : Abdoulaye Ouédraogo) veut nous vendre avec True Gold et aller vivre tranquillement à Ouahigouya. Il n’en est pas question », a fustigé Abdoulaye Bagagnan (19 ans).
Quant à Souleymane Tinto, recruté par la mine, on lui reproche de n’avoir pas respecté un mot d’ordre décrété par les habitants de toute la commune, lui demandant de cesser de travailler à la mine. À en croire les frondeurs, l’homme continuait toujours d’y travailler et à percevoir son salaire. Pire, sa rémunération aurait même été majorée.
Quant à Souleymane Tinto, on lui prête également des propos du genre : « Qu’il pleuve ou qu’il neige, True Gold ne quittera pas Namissiguima » ou encore, « Quand vous serez fatigués de manifester, vous resterez tranquilles ».
Les victimes sont toutes des natifs de Namissiguima
Le paradoxe le plus frappant vient de El Hadj Adoul Bonaf Maïga, petit frère du Cheick. Présent à toutes les assemblées générales contre les travaux de la mine, il a pourtant subi le courroux des manifestants. Son crime : il serait de mèche avec les responsables de la mine.
Selon une autre version, son véhicule a été incendié pour éviter qu’il naisse une idée de discrimination entre les habitants de Namissiguima et ceux de Ramatoulaye. En effet, toutes les personnes dont les biens ont été brûlés sont toutes de Namissiguima, chef-lieu de la commune.
L’intéressé que nous avons rencontré dit attendre les raisons de l’agression de son domicile. « Je n’ai jamais été de mèche avec True Gold. Qu’on m’en donne la preuve », a-t-il dit.
Lors de la prière du vendredi, Cheick Aboubacar Maïga 2 est revenu longuement sur les derniers évènements qui ont émaillé la localité. À son avis, la patience des populations a duré 4 ans.
« Nous avons tout fait pour éviter ces évènements malheureux, mais quand les jeunes sont fâchés, on ne peut plus les contrôler. Nous ne sommes pas contre les autorités administratives, mais nous voulons simplement leur dire qu’elles doivent prendre en compte les préoccupations des populations qui sont légitimes. Que mes bénédictions accompagnent la transition. Que Dieu le Miséricordieux mette sa main sur le Premier ministre Isaac Zida et son gouvernement, afin qu’il y ait des élections apaisées. Le nouveau gouverneur m’a appelé ce matin pour me dire qu’il voulait venir ici ce soir (Ndlr : vendredi 16 janvier), et je lui ai dit qu’il m’est difficile de le recevoir dans ce contexte. Ou bien peut-il venir ? », a-t-il demandé aux fidèles qui ont massivement pris d’assaut la grande mosquée. Ceux-ci ont répondu en chœur que la venue du gouverneur est pour l’instant inopportune.
À noter que nous sommes allés vers les responsables de True Gold pour avoir leur version de cette situation qui perdure. Après nous avoir fait attendre longtemps, la société s’est refusée à tout commentaire.
Presse antiémeute (Hamed Nabalma, AllAfrica, 19 janvier 2015)
Protestations au Burkina : Séparer l’ivraie du bon grain
La chienlit est-elle en train de s’installer au Burkina ? Au regard de ce qui se passe jour après jour et semaine après semaine, il faut malheureusement le craindre. Les contestations et les protestations doublées d’un incivisme hasardeux et désolant ont pris des proportions démesurées et glissantes. Cette question des contestations tous azimuts est difficile à aborder parce qu’ici il y a la sincérité, et là, il y a la mauvaise foi.
Telle contestation se justifie solidement et telle autre est une subtile machination. Si par exemple, s’opposer à la prise de fonction de Adama Sagnon en qualité de ministre de la culture et du tourisme se défend, si exiger la démission du ministre Moumouni Diéguimdé pour les faits à lui reprochés est fondé, si manifester contre la nomination du directeur général de la CAMEG peut se justifier, a contrario, les grognes à tous vents et sans arguments solides sont déplorables voire condamnables. Surtout que certaines manifestations semblent être instrumentalisées au bénéfice de personnes mécontentes de perdre des avantages ou mues par des désirs de vengeance.
Comment comprendre autrement ce groupe de gens qui ont manifesté dans l’Est contre le remplacement d’un directeur régional, élu par ailleurs membre du Conseil National de la Transition (CNT) ? La double raisons avancées par les manifestants — tenez-vous bien — étant que d’une part le nouveau directeur régional nommé en remplacement de celui devenu député de la transition est un cousin au ministre qui l’a nommé et d’autre part, il aurait commis antérieurement des malversations. L’enquête on le sait a démontré que ce sont là des accusations infondées s’apparentant à une diffamation gratuite. Visiblement les populations ont été induites en erreur. Comment comprendre également qu’on manifeste pour le maintien d’un haut-commissaire au prétexte qu’il est compétent. Être compétent signifie-t-il être irremplaçable et éternel ? Est-ce qu’à la nomination de celui-ci les populations savaient à quel type de personnage elles auraient affaire ? Qui dit que le nouveau haut-commissaire ne sera pas meilleur ? Pourquoi notre mémoire est-elle si courte ? N’est-ce pas de pareils arguments sur un Blaise Compaoré irremplaçable qui ont suscité l’insurrection populaire l’ayant emporté ? Il n’y a personne qui soit irremplaçable ne serait-ce que parce que nous sommes tous de simples mortels. Il faut que les populations arrêtent de se faire instrumentaliser.
Il y a aussi ces protestations qui sont fondées mais qui ont pris des formes répréhensibles. C’est le cas des manifestations des populations de la commune de Namissiguima dans le Yatenga qui ont incendié le 14 janvier des installations et équipements de la société minière True Gold sur le site du projet Karma près de Ouahigouya. Dans le fond ces populations ont raison dans la mesure où elles avaient à plusieurs reprises lancé des avertissements et attiré l’attention des autorités sur les désagréments multiples qu’engendrerait l’exploitation minière dans cette localité. Pour autant fallait-il qu’elles s’expriment avec tant de violence pour se faire entendre ? En s’organisant les populations de Namissiguima ne pouvaient-elles pas empêcher le démarrage des travaux de la mine par exemple par des sit-in ininterrompus sur le site ?
Aider les autorités de la transition à redresser ce qui est tordu
L’on pourrait multiplier les exemples de manifestations dont les unes sont aussi suspectes qu’illicites et les autres aux formes déplorables. Apparemment des gens de mauvaise volonté à travers des officines malodorantes sont en train de saper les fondements de la transition. Apparemment de l’ivraie en grande proportion est en train de se mélanger voire de supplanter le bon grain de notre révolution.
Bien entendu, ce « salmigondis » social nous a été légué par le régime Compaoré qui a laissé la gabegie et la corruption gangréner la société burkinabè. C’est un régime qui laissait faire et pourrir la situation avant d’accourir en médecin après la mort. Le régime Compaoré a tant bradé l’autorité de l’État à travers l’injustice et la corruption que ce n’est pas du jour au lendemain que celle-ci renaîtra comme par enchantement. C’est à tous les acteurs à quelque niveau que ce soit d’œuvrer à la restauration de l’autorité de l’État et du civisme et non aux seuls leaders de la transition. Et les premiers de ces acteurs devraient être les responsables politiques qui ont tous curieusement disparus de la scène de la transition. Bien sûr ils sont omniprésents sur le terrain politique, mais on voit bien qu’ils évitent soigneusement de se mêler des affaires de la transition au point de n’avoir même plus ni le temps ni l’intelligence politique de condamner certains actes. Erreur grossière à mon avis. Car s’ils n’aident pas les autorités de la transition à redresser ce qui est tordu, c’est bien à eux que sera refilée bientôt la patate chaude.
Et puis, ce sont les anciens opposants du CFOP qui ont décrété la désobéissance civile. Ça leur a réussi. Blaise Compaoré est parti. Mais l’on peut craindre que cette désobéissance ne soit pas partie avec lui. C’est pourquoi les différents leaders politiques au lieu de passer le temps à se faire des crocs-en-jambe démontrant à qui mieux mieux fut partisan ou adversaire de Blaise Compaoré gagneraient à œuvrer aux côtés des autorités de la transition à remettre l’État burkinabè à l’endroit. L’heure n’est pas à l’identification des fuseaux horaires de chacun dans le chantier de déboulonnage de Blaise Compaoré, mais à la reconstruction morale de la société. Ce qui importe en ce moment, ce n’est pas de démontrer qui est le héros des hérauts et qui est le zéro des Zorro de la révolution d’octobre (car chacun a joué sa salutaire partition) mais de travailler à remettre sur les rails les valeurs d’intégrité de la patrie. À donc foncer pour les hommes politiques, tête basse vers l’élection présidentielle, sans se soucier des avatars de la transition, le réveil pourrait être douloureux pour celui d’entre eux qui parviendrait dans quelques mois à Kossyam. Car hériter du désordre de Blaise Compaoré et de la pagaille de la transition créerait simplement une situation ingérable si l’on a la chance de ne pas vivre un non-État.
Les organisations de la société civile pour leur part, ne devraient pas exercer leur veille uniquement sur les organes de la transition, mais aussi sur ceux que l’on pourrait appeler les fossoyeurs de la transition. Ils sont dans l’ombre c’est vrai mais ils sont bien présents ; eux qui ne veulent pas du succès de la transition.
Je m’exprime ainsi parce que je crains que de leur terre d’exil, Blaise Compaoré et les siens ne rient tôt ou tard sous cape de notre révolution. Alors à bon entendeur, salut.
Presse antiémeute (Issaka Luc Kourouma, LeFaso.net, 19 janvier 2015)