Conakry : Pourquoi les jeunes de Yimbaya se sont révoltés ? (le film de la scène)
CONAKRY-Des populations qui craignent la propagation du virus Ebola (dans leur quartier) ont empêché les autorités de Conakry de construire un centre de traitement de cette terrible maladie, à Yimbaya, quartier situé dans la haute banlieue de la capitale, a constaté sur place Africaguinee.com.
Prévu initialement à Kipé dans la Commune de Ratoma, la construction du 2ème centre de Traitement Ebola a été finalement ramenée à Yimbaya dans la commune de Matoto. Les autorités ont expliqué ce changement à cause de la proximité de l’endroit « initialement » choisi de la grande route. Yimbaya a été donc choisi pour abriter ce centre.
Mais problèmes : Puisque les populations de ce faubourg de Conakry ne veulent pas en entendre parler. Et, elles l’ont fait savoir ce jeudi 4 décembre 2014 par la plus brave des manières.
La construction de ce nouveau centre « au cœur de capitale guinéenne » est un projet préfinancé par les États-Unis à travers son ambassade à Conakry. La pose de la première pierre était prévue à 11 heures au stade de Yimbaya-bougie.
À 10heures, les organisateurs de la Cérémonie commencent les installations. Des tentes, chaises y sont installés. Des tapis-rouges étalés à l’avant du logis prévu pour le Chef de l’État. Même une citerne à eau a été envoyée pour arroser le terrain afin de limiter la poussière. Des femmes entonnent des chansons faisant les éloges du président Alpha Condé.
Pendant ce temps des groupuscules se formaient à l’extérieur du stade. Et, l’arrivée du gouverneur de la ville de Conakry, Soriba Sorel Camara sur les lieux à 11heures, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Cette fois les jeunes deviennent plus agaçants en scandant des cris hostiles.
Le centre de traitement n’est pas le bienvenu à Yimbaya…
« Ebola tue tout le monde. Les médecins ne sont pas épargnés, les militaires ne sont pas épargnés, la population n’est pas épargnée par ce virus. Ce que nous faisons n’a rien à avoir avec la politique. Nous voulons juste sauvegarder la santé des populations de Yimbaya. Le centre de traitement n’est pas le bienvenu à Yimbaya. Il y a d’autres sites mieux indiqués pour construire un centre Ebola que Yimbaya qui est au cœur de la capitale », tempête un jeune manifestant, Naby Touré.
« Si on construit ce centre ici, la contamination (du virus) sera encore plus dense. C’est à cause de ça que nous ne voulons pas la construction de ce centre ici », renchéri Tolno Sory, un autre « ébolaphobe ».
Les populations ne sont en aucun cas en risque…
Les responsables de MSF soutiennent pourtant le contraire : « Nous maîtrisons complètement les risques liés aux contaminations dans la gestion de ce virus. Les populations ne sont en aucun cas en risque. Je le garantie en mon nom propre et au nom de mon organisation. Il n’y a pas un seul virus qui sort de notre centre, pas une seule contamination. La peur existe, mais le risque n’existe pas », assure le responsable de la mission MSF en Guinée, Jérôme Mouton.
Devant cette cohue, le premier magistrat de ville de Conakry tente de sensibiliser. Un micro-speaker lui a été tendu pour livrer son message. Mais les cris des manifestants deviennent de plus en plus vifs et sonnants que la voix du gouverneur Sorel. « Ebola ne sera pas envoyé ici », entendait-on.
Et, c’est comme si cette tentative de sensibilisation « de dernière minute » du gouverneur a fait montée l’adrénaline. Les grognards se sont mis à conspué le gouverneur sous les regards impuissant de chef de la délégation spéciale de Matoto et des forces de sécurité. La foule se dirige à l’intérieur du stade. C’est la casse : Les manifestants s’en prennent aux installations : tentes, chaises, engins, tout est renversé. Des loubards emportent des chaises, des barres de fer.
À 12 heures, le gouverneur annonce l’annulation de la pose de la première. Mais le bras de fer s’intensifie. La débandade s’installe. C’est le sauve qui peut. Certains diplomates venus assister à la cérémonie inaugurale, tels l’ambassadeur des USA en Guinée, Alexander Lascaris, plient bagages sur les huées de la foule.
Quelques instants après c’est le gouverneur et sa délégation qui suit sous les sifflements des manifestants.
à 13 heures des responsables de MSF sont sauvés de justesse…
Certains responsables de Médecins Sans Frontières qui étaient restés à l’intérieur du stade ont été sommés par les protestataires de sortir. Sur la pointe des pieds, ils plient bagages. Et ils n’ont pu saint et sauf que grâce à la protection serrée des services de sécurité qui les ont cortégé jusqu’à sortir de la jungle. Les jeunes pourchassent forces de l’ordre et véhicules de MSH jusqu’à la sortie du quartier.
Malgré cette hostilité affichée des populations riveraines, le responsable de la mission MSF en Guinée, Jérôme Mouton, semble la minimiser : « c’est une réaction tout à fait normale. Je pense que j’aurai la même réaction si on venait construire le centre de traitement d’une maladie aussi effrayante sous mes fenêtres. On comprend leur réaction », déclare-t-il.
« Ce centre ne représente aucun risque pour eux. C’est une grande chance pour les populations de Conakry parce qu’on va augmenter le niveau de qualité des soins qu’on va offrir aux malades atteints de cette terrible maladie », argumente-t-il.
Notons que ce n’est pas la première que des populations s’opposent aux agents de lutte contre la maladie Ebola. En septembre dernier, les populations de Womey se sont attaquées à une délégation régionale, partie pour une sensibilisation sur le virus Ebola. Huit personnes ont été sauvagement assassinées.
Diallo Boubacar, AfricaGuinee.com, 4 décembre 2014
(…) Il y a quelques semaines également des citoyens s’étaient soulevés contre la construction d’un autre centre cette fois à Kaporo Rail dans la commune de Ratoma. Ce centre, dont il est prévu de construire à Yimbaya, s’il est réalisé doit permettre de faire déménager celui qui se trouve en ce moment dans l’enceinte de l’hôpital national Donka. (…)
AfriqueZoom.info, 4 décembre 2014