Vienne. La vidéo constitue-t-elle une menace de mort ?
Une vidéo mettant en cause nommément le directeur de la Police de Poitiers avait été relayée par un blogueur. Il est poursuivi pour menaces de mort.
Le montage vidéo est une succession de photos (qui débute par celle d’un poulet rôti) retouchées pour certaines et de documents visuels et sonores des événements du 10 octobre 2009 lors du festival des Expressifs [Ce jour-là une manifestation anti-carcérale avait dégénéré dans les rues de Poitiers. Plus de 200 casseurs avaient brisé des vitrines et s’étaient opposés violemment aux forces de l’ordre.]. Certaines images ont été publiées dans la presse, la voix off est également constituée de répliques de films et de propos journalistiques choisis. Le « clip » s’intitule « Poitiers street duel ». Il est très orienté et vise principalement Jean-François Papineau, directeur départemental de la sécurité publique, à travers des photos et citations de tags menaçants bombés sur les murs de la ville, mettant également en cause sa façon de traiter les anarchistes à Poitiers.
Blogueur mais pas auteur
À la lecture du dossier, Mme la présidente explique que le montage a d’abord été hébergé par Dailymotion, a été partagé sur d’autres réseaux sociaux puis un lien s’est retrouvé – deux ans après les faits entre le 26 février et le 30 novembre 2011, sur le blog « Ni Dieu, ni maître en Poitou » –, administré par Jacques, blogueur poitevin âgé de 30 ans.
Hier, à la barre du tribunal correctionnel de Poitiers, Jacques devait être jugé pour incitation à la haine et menace de mort à l’encontre de Jean-François Papineau. Même si le blogueur n’est pas l’auteur de la vidéo, tout le débat porte sur sa responsabilité en tant qu’animateur.
Ponctuant toute ses fins de phrase d’un Mme le juge discipliné, le jeune syndicaliste et militant qualifié « d’extrême gauche » explique au tribunal sa volonté « de parler de l’actualité militante sur Poitiers et de la répression… sans prendre partie » avant d’ajouter qu’il « ne considérait pas cette vidéo comme un outrage en soi mais comme une œuvre artistique ».
Le conseil de la partie civile insiste sur la fonction de son client qui doit avoir « une attitude d’exemplarité ». Seulement, « du fait de sa mission de service publique, il est aussi une personne exposée, investie et qui n’a pas l’air de plaire à un certain nombre de justiciables… » et d’un homme émotionnellement touché par les propos véhiculés dans la vidéo. Face au prévenu qui n’est pas l’auteur du montage, Me Bethume de Moro pose néanmoins : « Il est le facilitateur, le diffuseur, celui qui concourt à la publicité. »
Le procureur abonde et fait un parallèle avec une affiche que l’on garde sous le coude ou que l’on colle sur un mur, qu’il soit réel ou virtuel, pour en diffuser le message. Selon lui, les propos comme « Papineau, on aura ta peau » lus trois fois par une voix off, le titre du blog qui véhicule la notion de duel donc de mise à mort, la technique qui consiste à trouver une cible à pilonner sont autant de manœuvres provocantes utilisées par les anarchistes et sont « des éléments matériels de menaces de mort caractérisés ». Et requiert « une peine de principe » de 300 euros.
« Mon client n’est pas anarchiste »
Me de La Rocca, pour la défense, avertit : « Je ne suis pas l’avocat des anarchistes, tout comme mon client n’est pas anarchiste. » Elle constate que le directeur de la Police a « des difficultés avec l’opposition, la contestation, la libre expression ». Selon l’avocate, « il ne viendrait à l’idée de personne de poursuivre les journaux pour avoir relayé des propos ou tags ». Et estime que son client est a été mis en examen « à cause et en raison de ses idées » puisqu’il n’a jamais apporté aucun commentaire en marge de la vidéo. Le jugement est mis en délibéré au 26 juin.
Publié par des larbins de la maison Poulaga (M.-L. A., lanouvellerepublique.fr, 16 mai 2014)
[Poitiers] Quand la liberté d’expression passe en procès
Soutien inconditionnel au camarade blogueur de Ni dieux ni maîtres en Poitou ! Décidément à Poitiers, la liberté d’expression fait l’objet d’un matraquage en règle. On ne compte plus les intimidations minables, les contrôles d’identité piteux et les procès grotesques pour rassemblements, chansonnettes, slogans en manif, tractages, banderoles, diffusion de journaux, dès qu’il s’y trouve la moindre connotation anti-autoritaire ! Si ça continue, péter près d’un flic pourrait bien être considéré comme un outrage aux organes olfactifs ! On remarquera une fois de plus l’acharnement, trois ans après les “faits” (à savoir le simple relai d’une vidéo mixant des images et des propos de… journalistes, interprété comme une “menace de mort [sic] !), de la part des pouvoirs policier, judiciaire et médiatique, contre ce que ces spécialistes de l’intimidation, de la répression et de la désinformation appellent les “anarchistes”, afin de stigmatiser les prolétaires en lutte. Le vocabulaire employé ne trompe pas : une fois de plus, il s’agit d’un procès éminemment politique. Cette énième attaque contre le militantisme poitevin témoigne d’un travail de sape sur le long terme visant bien évidemment à décourager l’auto-organisation des opprimé.e.s. Verdict le mois prochain.
Groupe Pavillon Noir – Fédération anarchiste de la Vienne, 19 mai 2014
C’est BON le poulet grillé !