[Chronique de Youv derrière les barreaux] « Y a toujours pire, mais c’est pas une raison de se contenter de ce que l’on a »

http://juralib.noblogs.org/files/2012/09/0513.jpg[24 septembre 2012]
Ma street

Ne cligne pas des yeux c’est pas un décor de cinéma à la Banlieue 13 mais un immeuble HLM véridique à 60 km de la capitale c’est là où j’ai grandi dans ce taudis « les Grags » mon quartier à Mantes-la-Jolie Val-Fourré (78) on s’y est entassés, croisés, respectés, détestés, aimés. On a vu des frères tomber sous les balles, d’autres sortir de prison 100 % fils d’immigrés ouvriers les Occidentaux s’étaient sauvés il y a bien longtemps nous laissant entre nous on a fini par s’autoproduire s’autosuffire voilà mon bout de ciment paix à son âme car il n’existe plus ils l’ont dynamité en espérant nous faire exploser avec… On est fier d’où l’on vient une pensée pour tous les Grags et tous les quartiers de Mantes-la-Jolie au Val-Fourré sans oublier tous les ghettos de France.

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[25 septembre 2012]
Lot de consolation

Il faudrait un orage pour masquer mes larmes. On m’a dit si tu veux des sous, y a la prison qui va avec. Tu veux la vie de rêve, y a souvent le cauchemar qui va avec.

Comme lot de consolation, j’ai appris à nager dans le ciment. Le petit renoi veut devenir roi même sans la fève. Un pied dans l’écriture, l’autre dans la rue, je suis métis de ces deux mondes. Si tu veux me faire plaisir à mon anniversaire, offre-moi un fusil-mitrailleur, ça fane moins vite qu’un bouquet de fleurs. Et si je dois plier, c’est d’une rafale.

Ma tristesse est mon lot de consolation, c’est ma preuve d’humanité. À force de manger des cailloux, j’ai un cœur de pierre. Je ne suis pas un enfant de cette patrie, je ne chante pas la Marseillaise, voilà pourquoi ils m’ont maudit. Je suis le cauchemar de leur nation.

Littérature urbaine, je t’offre un laissez-passer dans mes entrailles, ce que j’écris je le vis. Lis-moi comme un kamikaze juste avant de se faire exploser. Mes valeurs ne s’achètent pas, je ne me brade pas. Je me suis évadé du bateau d’esclaves, boulet aux pieds, j’ai failli couler. En apnée pendant dix ans, je vois enfin la terre promise, et même si c’est un mirage, j’ai pris mes rêves en otage.

J’ai la tête dure, comme les barreaux de cette cellule. Je suis né le même jour que Martin Luther King, est-ce un signe ? Je pense que c’est juste pour me prévenir que le danger vient de l’intérieur, que je vais me faire fumer par mes frères, par ceux pour qui j’aurai donné ma vie.

On se console comme on peut, c’était mon lot de consolation. Y a toujours pire, mais c’est pas une raison de se contenter de ce que l’on a.

[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]

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