[Bas les pattes sur Fouad !] « Si c’était à refaire, je le referais »

Le militant CNT rattrapé par une ardoise de 39’534 €

La SNCF réclame au Messin Fouad Harjane le règlement du préjudice subi par le blocage du trafic ferroviaire en gare de Metz, lors des manifs anti-CPE en mars 2006.

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« Si c’était à refaire, je le referais », assure, un rien provocateur, Fouad Harjane.

Voilà un anniversaire que Fouad Harjane, 33 ans, n’est pas près d’oublier. Les faits remontent à mars 2006. Étudiant et militant de la CNT (Confédération nationale du travail) depuis 1997 – il a adhéré au syndicat anarchiste lors de ses années lycée, à Schuman – le Messin occupe alors l’avant-scène de la révolte contre le CPE (Contrat première embauche). La réforme chiraquienne jette une partie de la jeunesse dans les rues, donnant au printemps des faux airs de 68. Au terme d’une « journée nationale d’action », le 30 mars 2006, jour de son 26e anniversaire, Fouad Harjane se retrouve en garde à vue dans les locaux de l’hôtel de police de Metz. Il vient d’être interpellé, seul et sans violence, pour avoir participé à l’occupation de la gare de Metz. En compagnie de 800 manifestants, le jeune homme a bloqué le trafic ferroviaire durant une bonne heure. « Les usagers ont applaudi sur notre passage, lorsque nous avons quitté les lieux », se remémore-t-il, encore surpris d’un enthousiasme aussi inhabituel en pareille circonstance. « Mais beaucoup voyaient en nous les porte-parole de leurs propres enfants », justifie-t-il, avec la certitude rétrospective d’être ainsi parvenu, à force d’actions de ce type, à arracher le retrait du projet de loi. Un fait d’armes qui a, selon lui, contribué à installer la CNT dans le paysage syndical, tout particulièrement en Moselle. Avec, depuis, l’ouverture d’une vitrine place des Charrons à Metz.

« Même pas peur »

Héritière de l’anarcho-syndicalisme, née en 1946, la confédération revendique « le communisme-libertaire comme projet de société », avec pour moteur « la lutte contre le fascisme ». Harjane en assume les fonctions de secrétaire confédéral aux relations avec les médias. De là à se sentir dans la peau de l’homme à abattre… S’il ne l’exprime pas ainsi, Fouad Harjane reste persuadé que l’acharnement de la SNCF à son encontre masque mal la volonté de l’État « de casser l’élan du mouvement social », à la veille de réformes particulièrement sensibles, à l’instar de celle sur les retraites. « Hollande sait bien que la contestation viendra de notre côté, pas de la droite », assure-t-il.

Il ne paiera pas

Toujours est-il que depuis ce 30 mars 2006 où l’intéressé écope d’une citation à comparaître au tribunal, les nuages n’ont cessé de s’accumuler. Quelques jours après sa première garde à vue, rebelote ! Cette fois, il est maintenu 23 heures au poste, à la suite d’une manif, le 3 avril 2006, devant les locaux du Medef, pour laquelle il dément toute implication. Aucune charge ne sera finalement retenue contre lui. Mais il comparaît en septembre 2006 devant le tribunal correctionnel avec sept autres prévenus impliqués dans ce dossier. Tous sont condamnés à 150 € d’amende. Lui seul est condamné pour le blocage des voies ferrées. Au terme des appels successifs de son avocat Ralph Blindauer, le jugement pénal définitif tombe… en janvier 2012 : 300 € d’amende et 800 € de frais de justice. Surtout, la décision ouvre la porte à la procédure civile. La SNCF présente alors l’ardoise. À savoir 5729 minutes perdues, sur la base du nombre de circulations de trains impactées. Le préjudice est calculé selon un barème du coût horaire établi à 414,06 € pour les retards et suppressions de trains. En date du 22 mars 2013, la chambre civile réclame à Fouad Harjane 39’534.45 €, au titre des dommages et intérêts, et 800 € de frais de procédure. Lequel a interjeté appel. L’affaire pourrait voguer jusqu’en Cour de cassation, mais l’intéressé a déjà une certitude : il ne paiera pas. « Et si c’était à refaire, je le referais », promet-il sans se démonter. « Même pas peur ».

Leur presse (Xavier Brouet, Republicain-Lorrain.fr, 3 juillet 2013)

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