[20 septembre 2012]
Ma dictée…
Je n’ai jamais eu la moyenne, champion du monde en fautes d’orthographe.
Zéro en dictée, peut-être qu’inconsciemment déjà j’étais contre le fait qu’on me dicte ma vie, que l’on me dicte mes mots car je n’utilisais pas les leurs. J’avais mon propre lexique.
La prof qui se croyait parfaite avec ses 10/10 venait de commettre la plus grosse faute de sa carrière en sous-estimant mon intelligence, ma douleur et ma frustration devant ce zéro marqué au fer rouge, me permettait de croire en moi. Si j’étais peiné cela voulait dire que je savais pertinemment que je valais mieux que ça, que ce zéro ne m’appartenait pas.
La rue m’a offert des pansements au moral, sur le bitume les cancres étaient rois, adulés, mon zéro en dictée faisait de moi un mec stylé. Ça démontrait que je ne faisais pas mes devoirs. J’attirais l’attention, j’existais par ma « cancritude ».
J’ai croisé plusieurs conseillères d’orientation qui m’ont désorienté en m’orientant dans des classes où ils mettaient que des derniers de la classe. En nous « ghettoïsant » dans ces classes d’animaux sauvages, ils pensaient nous rendre service, mais ils venaient de nous sacrifier, nous tuer sur les bancs de l’Éducation nationale.
Deux ans plus tard la plupart d’entre nous ont été transférés à la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy. J’ai compris plus tard que ces classes étaient comme des sas, un tremplin pour la prison.
Quand je pense que tous mes malheurs étaient partis de ce foutu zéro en dictée. Mais à treize dans un F4 j’avais une bonne excuse pour ne pas faire mes devoirs. Manque de place, surpopulation familiale, les profs devaient mieux se renseigner sur les élèves dont ils étaient garants du savoir pendant un an, ça éviterait les trajectoires indésirables.
Un homme sans histoire n’est rien. Un enfant de 8 ans avec une mentalité de 20 doit éveiller un minimum de soupçons ! Mais sans rancune, le 20 septembre 2012 je dédie ce texte à la conseillère d’orientation du collège André-Chénier à Mantes-la-Jolie, sans oublier ma prof de français madame Metais.
J’ai gardé mon zéro en dictée en souvenir de cette année, pour ne jamais oublier le petit renoi que j’ai été…
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]