[Chroniques de mitard publiées du 7 au 11 septembre 2012]
Les murs ont des oreilles
Alors je chuchote sans chichis à quarante-huit heures de la fin de mon purgatoire, ma sanction quatorze foutus jours de mitard où j’étais jeté aux oubliettes, aux toilettes.
Chaque jour suffit sa peine je passe mon temps à attendre que le temps passe, les jours se suivent et se ressemblent, je me suis familiarisé à cette attente interminable, j’ai apprivoisé ma cellule, mon décor, mon régime de vie austère.
Ils pouvaient pas nous atteindre psychologiquement donc ils s’en prenaient à nos estomacs en nous servant des repas plus immangeables les uns que les autres.
J’ai l’impression d’être seul au monde, l’incompris du fond de la classe, le pertinent devenu impertinent, la plupart des gens au mitard sont comme des zombies que le psychiatre calme à coups de cachets, camisole chimique.
Pourquoi punir si c’est pour l’anesthésier pendant son purgatoire ? Ça n’a pas de sens, mais ici rien n’a de sens, rien n’est logique. Les faibles se font violer par ceux qui les traitent de violeurs c’est à la tête du client qu’ils déterminent ton infraction pénale. Plus besoin de sortir ton mandat de dépôt, manque de pot, des fois l’habit ne fait pas le moine mais ce n’est qu’un détail comme ce détenu de la maison d’arrêt de Rouen « 76 » qui a mangé le poumon de son codétenu en pensant que c’était son cœur… qu’un détail au final puisqu’il a fini par le tuer dans tous les cas.
Comment ne pas devenir fou dans ce genre d’univers et les années s’additionnent tu grandis tout en restant immobile comme un arbre centenaire qui s’efforce de rester debout malgré les saisons toujours pas une ride pourtant de nombreuses intempéries auraient pu avoir raison de lui.
Jusqu’ici tout va bien mais ne nous portons pas la poisse car les murs ont des oreilles.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]