Mise au point de Baptiste, militant « antifa »
Le 12 juin, Rue89 publiait un article intitulé « Un militant “antifa” : “On est un peu comme une armée de réserve” ». Nous y dressions le portrait de Baptiste (prénom d’emprunt), 21 ans et « antifa ». Les échanges entre Baptiste et l’auteur de l’article et, par la suite, le portrait publié, ont entretenu la confusion sur son appartenance au mouvement antifasciste Action antifasciste Paris-Banlieue (AAPB).
Baptiste n’est pas militant, il appartient à la mouvance. Cette confusion a été corrigée dans l’article. Fidèle à notre pratique du droit de réponse, nous laissons Baptiste s’expliquer. Rue89
Je suis « Baptiste », et j’ai plusieurs points à éclaircir.
Tout d’abord, contrairement à ce qui a été affirmé dans l’article avant rectification, je ne suis pas et n’ai jamais prétendu être membre de l’Action antifasciste Paris Banlieue (AAPB), ni à ce journaliste ni à quiconque. Le journaliste a tiré ses propres conclusions que je me suis efforcé de corriger le plus rapidement possible, tandis que l’AAPB démentait de même.
Cette regrettable erreur est à mon sens révélatrice de la difficulté que peuvent avoir les médias à expliquer correctement toute la complexité de la lutte antifasciste. C’est paradoxalement pour exprimer cette complexité que j’ai accepté cette interview qui a manqué son objectif.
À aucun moment je n’ai souhaité critiquer l’AAPB ni ses modes d’action. L’anonymat, la discrétion et la réserve médiatique qu’applique l’AAPB sont, à mon sens, absolument nécessaires à la lutte antifasciste. En effet, ces paramètres sont essentiels pour protéger les militants des représailles de l’extrême droite mais également de la répression policière, dans la mesure où nombre d’actions antifascistes se trouvent à la limite de la légalité (violences, graffitis, dégradation de locaux ou de biens publics…).
Ainsi, dans ce genre d’actions, la forme du groupuscule anonyme s’impose, il serait contre-productif que l’action individuelle d’un groupe antifasciste engage juridiquement tout un collectif.
Cependant, je suis persuadé que l’action par groupuscule n’interdit pas parallèlement à l’Action antifasciste de se constituer en mouvement social, à l’instar du modèle allemand. En effet, à Berlin, l’Action antifasciste combine deux niveaux d’actions :
• elle rassemble des petits groupes d’amis qui font leurs actions de leur côté ;
• et, parallèlement, organise des manifestations en son nom ou envoie des délégations dans d’autres manifestations, participe à des festivals, tient des permanences et des assemblées de quartier, imprime de la documentation pour toute personne personne intéressée par l’antifascisme et organise même des stages de formation.
L’importance des rassemblements qui se sont tenus dans toute la France en hommage à Clément Méric prouve bien qu’il est absurde de réduire l’antifascisme à quelques groupuscules violents, tel qu’il a souvent été décrit. Le succès du concert organisé par l’AAPB le samedi 8 juin montre également qu’il est possible de rassembler publiquement ses sympathisants. Ces événements attestent ainsi qu’il existe un réservoir mobilisable suffisant pour transformer l’Action antifasciste en un véritable mouvement social, dans un contexte de montée de l’extrême droite où l’antifascisme devient plus que jamais un devoir citoyen.
La structuration n’est pas une faiblesse ! Une Action antifasciste « citoyenne » présente plusieurs avantages :
• recrutement massif de sympathisants ;
• interconnexions entre les groupes d’actions trop souvent isolés et convergence des stratégies ;
• large visibilité ;
• réflexion théorique sur l’antifascisme ;
• constitution de l’AA en acteur politique de poids.
Dans une Europe marquée par la crise économique et la montée de l’extrême droite, il semble désormais nécessaire de transformer l’essai et de faire passer l’Action antifasciste européenne en véritable acteur politique, tout en ménageant la part d’ombre qui est nécessaire à la poursuite de sa lutte.
No pasarán !
Rue89, 18 juin 2013