[Chroniques de mitard publiées du 7 au 11 septembre 2012]
Autopsie d’un détenu au mitard
Le noir total, il est minuit, enroulé sous ses draps tel une momie égyptienne, je décompte les jours, les heures qui me rapprochent de la liberté.
Quelle liberté ?
Celle de fermer sa gueule, puisque dès ma sortie du mitard, je retournerai en prison en détention où j’ai mes habitudes de taulard, de rat d’égout, de numéro d’écrou, être en prison c’est juste une étape avant la mort, le début de la fin.
Rien de rien, non tu ne regrettes rien, ça tombe bien les juges t’ont mis le max, il n’y a que des innocents en prison, les coupables sont dehors, ceux qui se pensent à l’abri de tomber si bas, ces intouchables parfaits montrent du doigt les microbes, ceux que la société isole, enferme, fusille en cour d’assises, vie brisée sans rancune puisque tu as brisé la leur.
Moi, j’ai allégé leur porte-monnaie et ils m’ont bien rendu la monnaie de ma pièce, plus qu’il n’en faut, j’ai payé pour voir, j’ai vu, et je dis qu’il n’y a rien à voir ici, dans ces taudis où dorment des centaines de malades par établissement, on les appelle criminels, délinquants, tout le monde dans le même sac, tous pourris, oublie le cas par cas, on gaze tout le monde comme à Auschwitz, tu savais pas, maintenant tu sais, donc marche droit, ne dépasse pas la ligne.
Promenade à guichet fermé, zonzons surpeuplées du peuple d’en bas, plus bas que terre la France, tu l’aimes ou tu la quittes ? Juif hongrois, se croyant plus royaliste que le roi, t’as cru que la France était à ta grand-mère ou quoi ?
Cellules surpeuplées, l’Éducation nationale a failli à sa mission, j’ai obtenu mon brevet des collèges à 29 ans, c’est un maton déguisé en prof d’école qui m’a appris à poser une division, simple comme bonjour, mais en CM1 c’était du chinois un patois que je ne connaissais pas, la prof était-elle de mauvaise foi, face à ma coupe afro ?
Nous sommes le 27 août 2012, je suis assis sur une chaise soudée à une table en ferraille dans un mitard désaffecté en France, il me reste neuf jours dans ce trou à rats. Sur la table un sachet de sucre se bat en duel avec une compote de pommes, voilà ma seule richesse, mon plaisir du soir.
Autopsie de ma peine au mitard, que je vous livre à cœur ouvert.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]