[Chroniques de mitard publiées du 7 au 11 septembre 2012]
336 heures sans lumière
La porte claque la grille se ferme c’est parti pour 336 heures de rien tu passes à rien de privé de liberté tu restes privé de liberté j’ai juste changé de loft la bouffe a un goût de pâtée pour chat. C’est mon deuxième jour au mitard les corbeaux m’ont fait la fête toute la nuit j’ai eu le droit à un concert privé de ces oiseaux de mauvais augure. 7 heures du mat’ le surveillant me réveille pour m’apporter de l’eau chaude j’ouvre les yeux la table en fer et la porte grillagée sont toujours là comme si ils montaient la garde, rien n’a bougé.
Ma montre ne me sert à rien car ici le temps a déserté les lieux peu importe qu’il soit 7 heures ou 17 heures c’était pareil pas un souffle de vie deux-trois fois par jour la porte s’ouvre pour te servir ta soupe ton potage industriel au goût de jus de serpillière. T’as pas le choix que d’engloutir cette liqueur couleur urine. Quelques fous hurlent d’angoisse je me faisais peur à moi-même car aucune angoisse aucune crainte m’envahissait pourtant je suis fait comme eux de chair et de sang. Seul notre vécu, notre histoire nous différencient c’est là que j’ai trouvé la réponse à ma patience qui me permettait de supporter l’insupportable. J’avais anesthésié mon cerveau face à leur sanction disciplinaire pour moi c’était logique si tu joues il faut savoir perdre et assumer les conséquences de ta défaite donc si tu t’es fait prendre avec un tel portable ben mitard ça va avec je me revois il y a quatorze ans dans un lieu similaire à 800 kilomètres plus haut dans la France, adolescent révolté voulant changer sa condition sociale en s’opposant farouchement au système, casseur de premier rang toujours dans les mauvais coups j’ai épousé la poisse quatorze ans plus tard toujours le même décor énorme gâchis de potentiel c’était une guerre perdue d’avance mais j’ai eu le mérite de la faire jusqu’au bout et d’assumer ma prison c’est difficile de raisonner un adolescent écorché vif comme ils disent au bled il faut un fou pour attraper un fou j’ai la trentaine nous sommes le 24 août 2012 au fin fond d’un mitard lépreux en France.
Je me mets à nu dans un nouveau texte écrit en temps réel je me livre sans concession sans aucune censure c’est ça être libre.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]