[19 août 2012]
Champs de roses
Des taches de sang dans l’bas du pantalon pour quelques euros ou pour garder sa fierté inviolée. Champs de roses, prend le maquis à la conquête d’une identité, d’une respectabilité. Illusion d’une jeunesse boostée par le paraître même sans être, l’essentiel c’est d’avoir.
Dans ces champs certains ont trouvé la mort parfois la prison ou une chaise roulante en guise de jambes. J’ai cueilli des roses jaunes devenues rouges tellement le sang s’est versé.
Champs devenus bitume puis rues enfin quartiers. Les roses ont fané et sont devenues orties. Les Français moyens ont laissé place à la France d’en bas. Aux fils illégitimes de la patrie qui chantent la MARSEILLAISE avec un accent de RSA.
Ils ont semé nos parents, les ont fait venir des quatre coins du globe et c’est tout naturellement que la France récolte les enfants de ceux à qui on a fait appel, jadis. Pilule dure à avaler pour ces soi-disant intellectuels bourrés de savoir.
Aucun sociologue n’avait prédit le malaise des banlieues. Aucun savant n’aurait pu imaginer que le fils de Mamadou un jour [pourrait] siéger au Parlement. Ils avaient cessé de les regarder devant le portail de l’allocation familiale.
Ils n’avaient pas prédit que Habib et Carlos avaient d’autres ambitions que le RSA. Les allocs ne satisfont plus la France des cités. Saïdou veut un boubou GUCCI. Les prolétaires veulent être propriétaires. Il faut que Marianne envoie de toute urgence un réparateur car l’ascenseur social est en panne depuis des années. RMI, RSA, SMIC, chômage, précarité voilà le projet d’avenir qu’ils ont mis en place pour les « citéens ».
Un passage de Jean-Paul Sartre m’a beaucoup interpellé. Je vous le soumets c’était sur la préface du livre Les Damnés de la terre de FRANTZ FANON : « L’élite européenne entreprit de fabriquer un indigénat d’élite ; on sélectionnait des adolescents, on leur marquait sur leur front au fer rouge les principes de la culture occidentale, on leur fermait la bouche avec des bâillons sonores, grands mots pâteux qui collaient aux dents. Après un bref séjour en métropole, on les renvoyait chez eux truquer, ces mensonges vivants n’avaient plus rien à dire à leurs frères. »
C’est exactement ça, ça n’a pas pris une ride. Ça me rappelle certains vendus, issus des GHETTOS qui ont pactisé, vendu leur âme à la table des bourgeois qui envoyaient quand bon leur semble des escadrons de CRS pour faire taire le malaise des habitants des taudis. Champs de roses est un chant, le cri d’un homme qui veut rester libre et digne malgré ses années d’enfermement.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]