Un militant condamné à 40’000 euros de dommages pour avoir occupé une voie ferrée en 2006
Pour une action d’occupation des voies ferrées pendant le mouvement étudiant contre le CPE, en 2006, un militant messin a été condamné en mars à 40’000 euros de dommages et intérêts.
Il se remet à peine de la stupéfiante nouvelle. Le 23 mars, Fouad Harjane, un jeune militant messin de la CNT était condamné à 40’000 euros de dommages et intérêts à l’endroit de la SNCF pour une action de blocage menée… en 2006.
Les faits remontent au mouvement étudiant contre le « Contrat première embauche » (CPE). Fouad était alors étudiant en développement de projets culturels. Au point le plus chaud du bras de fer, le 30 mars, il est interpellé avec une poignée d’étudiants au cours d’un après-midi d’action. Un groupe d’environ 800 jeunes s’était installé pendant une heure sur les voies de la gare SNCF, puis devant la chambre de commerce et d’industrie pour des blocages temporaires. Il est interpellé alors que le groupe commence à bloquer un axe très circulant du centre-ville de Metz.
« J’ai tout assumé tout de suite, raconte le militant, sept ans après les faits. Je n’ai pas nié et j’ai donné ma vraie identité ».
Il est relâché après 4 heures de garde à vue avec une poursuite pour délit d’entrave à la circulation ferroviaire. Le lendemain, Jacques Chirac, alors président de la République, annonce qu’il enterre la loi à peine votée.
Une peine d’amende en correctionnelle
Il passe en jugement en septembre 2006 avec d’autres jeunes militants interpellés et écope de 150 euros d’amende pour l’action à la gare SNCF. Un an plus tard, en appel, la cour se déclare incompétente et renvoie le procès en janvier 2009. Mais il manque son jugement, faute d’avoir reçu la convocation après un changement d’adresse.
C’est en novembre 2011 qu’il apprend sa condamnation, au hasard d’un contrôle d’identité pendant un collage d’affiches. Après un dernier atermoiement (il fait opposition au jugement, puis se rétracte), il est finalement condamné en janvier 2012 à 300 euros d’amende.
5729 minutes de retard
Une procédure en civil s’ouvre alors pour déterminer les dommages et intérêts et c’est là que tombe la véritable sanction : le tribunal suit la demande de la SNCF qui estime que l’action a entraîné « 5729 minutes » de retard. L’entreprise demande une indemnisation à raison d’« un coût horaire de 414,06 euros ». Fouad est condamné à 39’500 euros de dommages le 23 mars 2013, auxquels s’ajoutent 800 euros de frais de justice.
« Je suis un peu choqué par cette décision, commente Maître Ralph Blindauer, l’avocat de Fouad. Ils étaient plusieurs centaines d’étudiants à occuper les voies. C’est une erreur d’interprétation du droit ».
La peine a été suspendue par un nouvel appel qui devrait être examiné dans un an. D’ici là, Fouad a un double espoir. Politique, d’abord, alors que le débat sur l’amnistie sociale vient de mettre à couteaux tirés le gouvernement et les forces politiques à sa gauche. Fouad tente de mobiliser autour de son cas pour qu’il soit ajouté à la liste des militants syndicaux condamnés après des actions politiques, concernés par le projet de loi d’amnistie du Front de gauche. Cette perspective est plus qu’incertaine, car le texte a été renvoyé aux calendes grecques par la majorité socialiste.
Fouad, aujourd’hui secrétaire confédéral de la CNT aux relations médias espère mettre sur pied une série de mobilisations dans ce sens. « C’est clairement un jugement politique. La justice n’a pas réussi à nous faire passer pour de dangereux terroristes anarchistes, alors elle s’appuie sur le civil pour me sanctionner », estime le militant.
Fouad espère aussi faire plier la SNCF et obtenir son retrait du dossier. Il a un an pour faire pression en ce sens. La SNCF, contactée ce mardi, ne « commente pas les décisions de justice ».
Leur presse (Erwan Manac’h, Politis.fr, 11 juin 2013)