SYRIE – AL QUSAYR, DE « LA GRANDE OFFENSIVE » AU CAUCHEMAR POUR LE RÉGIME ET SES ALLIÉS – ÉDITO CHRONIQUE – Les occidentaux pariaient sur une victoire loyaliste à Qusayr. Les pays du Golfe pariaient sur une victoire loyaliste à Qusayr. Le régime et ses alliés pariaient sur une victoire loyaliste à Qusayr. Le cap de la semaine sera bientôt franchi, et la « grande offensive » loyaliste, dominée par des combattants étrangers pro-régime dans cette bataille précise, s’est transformé en cauchemar. Pourquoi les Occidentaux et les potentats du Golfe espéraient-ils une défaite ? Pour la simple raison qu’ils veulent une négociation, entre eux et les alliés du régime, pour se partager le gâteau syrien d’ici quelques mois. Ils voulaient une rébellion obligée de négocier et un régime « rassuré » pour qu’il puisse aussi s’assoir à la table de Genève II.
Mais les 3000 de Qusayr en ont décidé autrement. « L’attaque éclair » (SANA, 18 mai), la « prise de la ville » (Figaro, 22 mai), s’est brisée sur la rébellion locale comme l’eau sur les rochers ! Plus important, la rébellion dans les campagnes environnantes a repris du terrain comme al-Hamidiyah, forçant les médias pro-régime à accepter la chose : « il faudra une semaine de plus, peut-être davantage… » et reconnaissant la reprise des combats dans les deux villages d’al-Hamidiyah et d’al-Khalidiyah. Plus important, Qusayr, symbole, a vu pour la première fois un élan jamais vu de secours venir : même les endormis du nord-alépin (AbdulJabbar al-Okaidi et Abdelkadir Salih, bien conscients qu’ils ont besoin de revenir politiquement et médiatiquement face à la percée du Front Islamique Syrien… tout est politique…) ont répondu. La Chronique estime à 2000 rebelles venus d’Alep, de Yabrud et même de Raqqa (ces derniers ont atteint Palmyre et y ont engagé des combats).
Le rapport de forces va ainsi s’inverser. La Chronique est la seule à avoir fourni des chiffres clairement établis par croisements : 6500 loyalistes étaient engagés à Qusayr et ses environs, dont 3500 mercenaires étrangers (plus de 1500 hommes du Hezbollah, et le reste réparti en pasdarans iraniens et miliciens irakiens des milices chiites de l’est du pays) et 3000 locaux, dont plus de 1500 miliciens de l’AND, majoritairement des alaouites de Homs même. Face à eux, il y avait 5000 rebelles dans la zone de Qusayr. Dont les « 3000 de Qusayr » bien connus ici : 2800 syriens locaux et 200 jihadis, principalement libanais et quelques autres nationalités dont des Tunisiens et des Égyptiens. Les 2000 des campagnes voisines sont tous syriens à quelques exceptions près, dont de nombreux déserteurs de 2011. Mais désormais, le Hezbollah se fait attaquer dans les villages de Hit, Jubbaniyah, et même au point de passage de Jusiyah. Il est pris par la rébellion sur plusieurs fronts. Et les 2000 rebelles venus du reste du pays, sans trop dégarnir leurs flancs ailleurs, font désormais passer la rébellion à un effectif tout juste supérieur à celui des loyalistes, largement étrangers.
C’est là le symbole : malgré 35 chars engagés dans la zone, des raids aériens quotidiens, les soit-disant troupes d’élite du Hezbollah (dont on se rend compte que dans le combat au sol, quand il ne s’agit pas de lancer de roquettes, ils ne valent pas autant que l’on aurait pu l’imaginer…), les pasdarans iraniens, des conseillers russes parfois vétérans de la Tchétchénie, et des miliciens enragés, souvent revanchards, venus des zones alaouites de Homs, le régime a totalement échoué dans son idée de reprendre Qusayr et ses environs de manière éclair. Et ses médias sont bien obligés de l’avouer chaque jour passant. Passant de « 80 % de la ville contrôlés » à « 60 % » hier… très symbolique.
Plus important, voila les manipulateurs étrangers soi-disant hostiles à Assad piégés ! La rébellion sur le terrain ne veut pas négocier, surtout l’immense puissance désormais du Front Islamique Syrien, qui ne répond de personne et ne veut pas être redevable à personne : c’est lui qui a largement mobilisé pour Qusayr, faisant venir ses hommes d’Ahrar al-Sham, d’al Fajr et de la Liwa al-Haq pour cette bataille. La Syrie ira aux révolutionnaires ou aux Assad. Les plans étrangers ne seront sinon qu’une mise sous tutelle d’une révolte et d’une colonisation possible via une intervention de l’ONU. La rébellion ne veut pas de cela. Elle veut gagner. Elle peut à nouveau espérer avec Qusayr.
Cédric Labrousse, « La Chronique du Printemps Arabe » (sur Facebook), 24 mai 2013
SYRIE – BATAILLE DES 3000 / RASER QUSAYR À DÉFAUT DE LA REPRENDRE ? – INFORMATIONS CHRONIQUE – « À l’aube du 6e jour ». Ce 25 mai, nous y sommes. 6 jours que les légions étrangères d’Assad et ses miliciens confessionnels s’acharnent sur une cité d’à peine 30’000 âmes qu’ils pensaient reprendre dans une « attaque éclair ». Mais les loyalistes s’embourbent et cumulent de lourdes pertes non prévues. La rébellion utilise des tunnels et sort parfois de nulle part, tue des miliciens du Hezbollah, et repart ailleurs. Mais les troupes loyalistes sont lâches : au combat à égal, sans couverture d’artillerie lourde et de blindés, elles reculent. Alors Qusayr n’échappe pas à ce scénario : ils bombardent à tout va, tuant civils comme rebelles. Mais la rébellion tient. Pas question de se soumettre.
SYRIE – BATAILLE DES 3000 / LE HEZBOLLAH ET LES MILICES ALAOUITES PÉNÈTRENT LA BASE DE DABA’A / RÉBELLION AVANCE SUR LE MARCHÉ DE QUSAYR – INFORMATIONS CHRONIQUE – Les milices alaouites et le Hezbollah ont pénétré ce 25 mai la base de Daba’a prise par la rébellion en avril dernier. Les combats y font rage car la rébellion répond avec pièces d’artillerie capturées dedans. Pendant ce temps, à Qusayr, les rebelles du FIS ont repris du terrain dans l’est sur le Hezbollah et les pasdarans, malgré les bombardements qui ont tué 23 civils dont 4 enfants en 5 heures, en avançant sur le marché central.
SYRIE – BATAILLE DES 3000 / LA RÉBELLION TIENT ARJOUN ET NE VEUT PAS LA LACHER / COMBATS INTENSES DANS L’EST DE QUSAYR / NOUVEAUX POSSIBLES RENFORTS – INFORMATIONS CHRONIQUE – Alors que le régime envoie son armée d’occupation étrangère [Sur les 140’000 combattants loyalistes, ce sont désormais plus d’1/10 qui sont étrangers, un ratio jamais atteint par la rébellion (140’000 hommes dont 5500 jihadis)], la rébellion, elle, se mobilise de manière nationale et solidaire : ce sont désormais les forces turkmènes du pays alépin (les Turkmènes, comme les Kurdes, ont toujours été des citoyens de seconde zone dans la Syrie du clan Assad) qui vont envoyer des combattants vers Qusayr. À Qusayr même, les combats font rage autour du marché, que la rébellion veut reprendre pour stopper les légions étrangères à l’est. Enfin, à Arjoun, malgré 8 heures de bombardements cumulées, la rébellion tient. À NOTER : ces renforts n’ont pas atteint Qusayr et sont tous à environ 50 km, une fois arrivés sur zone, de Qusayr même et des lieux de combat. Ils doivent percer les lignes loyalistes avant d’atteindre Qusayr. Les 3000 doivent compter sur eux-mêmes pour tenir jusqu’à la fin, tout en emportant le plus grand nombre de légionnaires et mercenaires étrangers dans la tombe.
Cédric Labrousse, La Chronique du Printemps Arabe, 25 mai 2013