Un bidonville sud-africain défend son « droit » à détourner l’électricité
La semaine dernière, les habitants de Kliptown, un bidonville de Johannesburg, se sont soudainement retrouvés sans électricité. La police et des représentants des compagnies d’électricité avaient, en effet, décidé de retirer les câbles que les résidents avaient illégalement installés pour détourner le courant vers leur bidonville. Les habitants ne se sont pas laissés faire.
Mardi [7 mai] et mercredi [8 mai] derniers, les habitants du bidonville de Kliptown ont lancé des pierres, des pneus enflammés et des déchets sur la voie ferrée qui sépare la zone la moins développée du bidonville d’une zone voisine, un peu plus prospère, qui a accès à l’électricité. Ils reprochent au gouvernement de ne pas construire d’infrastructures permettant l’accès à l’eau et à l’électricité, ne leur laissant d’autre choix que de détourner le courant d’autres quartiers.
Contactée par France 24, la City Power Johannesburg (CPJ), le fournisseur d’électricité de la zone, explique que ce détournement est à l’origine de nombreuses coupures électriques chez ses clients. La compagnie souligne également qu’installer soit même des câbles électriques peut être très dangereux : en mars 2013, à Khayektsha, un bidonville du Cap, deux enfants sont morts électrocutés après avoir marché sur un câble électrique détourné.
« J’ai commencé à fuir et, ensuite, les policiers ont tiré à balles réelles dans ma direction »
Thabo Mbhele, 21 ans, est un étudiant qui a toujours vécu à Kliptown. Il a filmé et pris des photos de la manifestation.
Je me suis trouvé derrière le rang de la police alors que les manifestants étaient de l’autre côté. Les habitants étaient en train de repousser les policiers, qui se sont du coup dirigés dans ma direction. J’ai commencé à fuir, et ensuite, ils ont tiré dans ma direction à balles réelles. Je ne sais pas pourquoi ils ont fait ça car aucun manifestant n’était autour de moi. Je sais ce qu’est une vraie balle mais je sais aussi que la police réfutera [la police locale a affirmé à FRANCE 24 que ses éléments ainsi que les agents de sécurité de Metrorail ont seulement utilisé des balles en caoutchouc. Metrorail a en revanche ouvert une enquête sur l’utilisation d’armes à feu par les manifestants].
Je n’ai pas pu prendre de photo de la balle ou du policier en question car j’étais en fuite, j’avais peur. S’ils m’avaient attrapé, ils auraient pris mon appareil photo et effacé les preuves. Mais lors de manifestation, la police n’a pas le droit de tirer à balles réelles.
L’hiver vient juste de commencer et il fait froid. Comment osent-ils nous couper le courant comme ça ! Les gens vivent dans des maisons en tôle. Aucune communauté ne mérite de vivre sans électricité. Le gouvernement ne fait rien pour nous, les projets d’aménagement sont ‘en cours’. Les autorités nous ont rabâché cela pendant des années mais rien n’a été fait pour autant. Les gens ont donc décidé de se fournir eux-mêmes en électricité.
« Les manifestations ont cessé car les gens sont déjà occupés à chercher de nouveaux câbles »
À présent que nous n’avons plus d’électricité, nous utilisons de la paraffine ou des réchauds à gaz pour cuisiner et faire bouillir l’eau du bain. La nuit dernière, j’ai étudié à la lueur de la bougie. Pour nous réchauffer, nous utilisons des gros pots de peinture en métal dans lesquels nous faisons brûler du charbon et du bois.
Il y a environ six ans que les gens ont commencé à détourner l’électricité. Avant, seules deux bâtiments avaient légalement le courant : le centre de jeunesse ‘Sky’ et une petite communauté religieuse. Maintenant, avec les câbles détournés, presque tout le monde est alimenté. Les gens ont des réfrigérateurs, des micro-ondes, et regardent la télévision en couleurs. Avant cela, nous utilisions des batteries de voiture pour regarder la télévision et ce n’était pas assez puissant donc nous n’avions que du noir et blanc.
Les manifestations ont cessé mercredi car les gens sont maintenant en quête de nouveaux câbles afin de se reconnecter au circuit. Il n’y a aucun intérêt à continuer à manifester, les gens veulent des solutions. Je nous donne une semaine avant d’avoir à nouveau du courant !
Leur presse (Thabo Mbhele / Cet article a été écrit avec la collaboration de Claire Williams, journaliste FRANCE 24, 10 mai 2013)
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