[« Antiterrorisme »] Quand la France sous-traitait la torture aux services syriens, parce qu’ils savaient si bien « faire la différence entre les résistants et les terroristes »

France : un islamiste algérien assigné à résidence prend la fuite

LE PUY-EN-VELAY – Un militant islamiste algérien, Saïd Arif, assigné à résidence depuis octobre 2012 dans le centre de la France, a pris la fuite, vraisemblablement samedi soir à bord d’une voiture volée, a-t-on appris dimanche auprès du procureur du Puy-en-Velay, Jacques Louvier. (…)

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Saïd Arif, qui avait déjà été condamné en 2012 à six mois de prison pour violation d’un précédent arrêté d’assignation à résidence, après avoir fui en Suède, devait se signaler à la gendarmerie quatre fois par jour entre 9H00 et 19h00, sept jours sur sept, a précisé à l’AFP une source policière.

Le fait de violer un arrêté de cette nature (d’assignation à résidence, ndlr) est une infraction pénale passible de trois ans emprisonnement, a rappelé M. Louvier à l’AFP. (…)

Arrêté en 2004 en Syrie et expulsé vers la France, il avait été condamné à dix ans de prison assortis d’une interdiction définitive du territoire français pour appartenance à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste avec d’autres membres d’un réseau de filières de recrutement de combattants en Tchétchénie.

Ce djihadiste aguerri, comme l’avait qualifié le ministère de l’Intérieur en 2004, avait été poursuivi pour avoir projeté des attentats en France en 2001-2002, en particulier à la Tour Eiffel.

À sa sortie de prison en décembre 2011, la Cour européenne des droits de l’homme avait suspendu l’expulsion de Saïd Arif vers l’Algérie, au motif qu’elle l’exposerait à un risque de tortures et d’autres traitements inhumains ou dégradants.

Par ailleurs, la justice française a ouvert en avril à son encontre une enquête pour apologie de crime terroriste, à la suite de déclarations faites dans la presse le 21 mars selon lesquelles les attentats suicide ayant une dimension économique sont le meilleur moyen de lutte pour les islamistes. Il avait ajouté : Avec une voiture piégée, vous tuez 150 à 200 personnes.

Dans cette affaire, il devait être entendu mardi par la police.

Le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a estimé dimanche que Saïd Arif était incontestablement un individu dangereux, assurant  que tout sera fait pour le retrouver.

Communiqué officiel de la DCRI (Agence Faut Payer, 12 mai 2013)

 

[Pour rappel :]
État des lieux
Politique anti-terroriste française à la lumière du cas Saïd ARIF
Svenska Helsingforskommittén för mänskliga rättigheter  
Swedish Helsinki Committee for Human Rights
STOCKHOLM
SEMINAIRE
16 & 17 Novembre 2005

Par Karyn Agostini-Lippi

Depuis la Loi du 9 septembre 1986 sur la centralisation des personnels et compétences judiciaires en matière de terrorisme sur Paris [Loi n° 86-1020 : spécialisation des magistrats, centralisation parisienne des enquêtes, poursuites et jugements, rapprochement des activités de la PJ et de la DST], l’arsenal législatif instaurant un régime exorbitant du droit commun n’a cessé de se développer au détriment des libertés publiques et individuelles. La loi du 22 juillet 1996 a créé la notion large et donc imprécise d’« association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » avec un temps de garde à vue augmenté, des tribunaux et des peines spécifiques. La loi du 30 décembre 1996 a, pour sa part, autorisé les perquisitions de nuit. Quant à la loi du 15 novembre 2001 sur la sécurité quotidienne, elle a permis d’intégrer aux textes antérieurs tout d’abord les trafics d’armes et de stupéfiants [avec renforcement des contrôles d’identité, des visites de véhicules, des perquisitions domiciliaires, des fouilles de bagages et des palpations de sécurité] et ensuite l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication [avec l’obligation pour les fournisseurs d’accès Internet de conserver et de mettre à disposition les données personnelles de leurs clients]. À présent, un nouveau renforcement des infractions terroristes est attendu par le biais d’un avant-projet qui est axé sur la vidéosurveillance, la conservation des données Internet en cybercafés et des données téléphoniques, le contrôle accru des déplacements notamment vers les pays dits « à risques », l’accès aux fichiers administratifs, l’augmentation et la centralisation des peines, la déchéance de nationalité et le gel des avoirs.

Bien que toutes les tentatives pour définir au plus haut niveau ce qu’est le « terrorisme » aient jusqu’à présent échoué, la France s’est dotée en son article 421-1 du Code Pénal d’une définition qui lui est propre où sont listés les actes constitutifs de terrorisme. [« Constituent des actes de terrorisme, […] les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne, l’enlèvement et la séquestration ainsi que le détournement d’aéronef, de navire ou de tout autre moyen de transport, […] ; les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations, ainsi que les infractions en matière informatique […] ; les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous […] ; la fabrication ou la détention de machines, engins meurtriers ou explosifs […] ; la production, la vente, l’importation ou l’exportation de substances explosives […] ; l’acquisition, la détention, le transport ou le port illégitime de substances explosives ou d’engins fabriqués à l’aide desdites substances […] ; la détention, le port et le transport d’armes et de munitions […] ; le recel […] ; les infractions de blanchiment […] ; les délits d’initié […]. »]

Cependant, même si toutes ces énonciations concourent indéniablement à démontrer qu’il existe une restriction plus qu’inquiétante des libertés fondamentales des individus, on ne peut en prendre toute la mesure qu’à la lumière d’une situation vécue. C’est pourquoi j’ai choisi, aujourd’hui, de vous présenter les trois phases de l’application des lois anti-terroriste (l’instruction, le jugement et l’exécution de la peine) en envisageant la politique française en la matière à la lumière du cas Saïd ARIF.

Monsieur ARIF, dont l’épouse est suédoise, est un citoyen algérien actuellement en détention provisoire en France. Il est interrogé depuis plus d’un an par le juge d’instruction Jean-Louis BRUGUIÈRE dans le cadre d’une procédure d’« association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste ». Sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par les autorités françaises, il est resté emprisonné durant presque une année en Syrie avant d’être extradé vers la France.

Il paraît à présent probable qu’il sera bientôt renvoyé devant la juridiction compétente pour y être jugé.

I – La phase d’instruction

Cette phase se divise en deux temps : l’arrestation et la garde à vue, puis la mise en examen avec détention provisoire ou remise en liberté sous contrôle judiciaire.

En matière de terrorisme, cette phase est soumise à des règles qui réduisent légalement les droits individuels.

A – Arrestation et garde à vue

Selon un communiqué officiel, en date du 17 juin 2004, Dominique de Villepin, à l’époque Ministre de l’Intérieur, confirmait l’arrestation de Saïd ARIF, alias Slimane CHABANI, alias Abderrahmane.

Ainsi, dès sa descente d’avion, en provenance directe de Syrie, Mr ARIF se voyait notifier par les agents de la DST qui l’avaient réceptionné à Damas, du mandat d’arrêt international dont il faisait l’objet. Il était alors immédiatement conduit devant le magistrat instructeur, Jean-Louis Bruguière.

1) Mandat d’arrêt

Selon la coutume de réciprocité, l’application d’un mandat d’arrêt international implique l’extradition par le pays où elle se trouve de la personne recherchée. Cependant, l’existence d’un accord bilatéral ou multilatéral d’extradition demeure la base du système.

Il n’existe aucun accord de ce type liant la France et la Syrie. Il faut donc se poser la question évidente : quelle a été la base de négociation entre la Syrie et la France pour que cette dernière obtienne l’extradition de M. ARIF ? Cette information n’a pas été divulguée et il semble probable qu’elle ne le sera jamais. Tout ce qui a filtré sur le sujet est que « quelques semaines auparavant le juge Bruguière s’était rendu discrètement en Syrie en vue de son extradition, suivi de près par le ministre de l’Intérieur, Dominique de Villepin ».

M. Bruguière aurait négocié cet accord avec le général Assef Chaoukat, beau-frère du président Bachar el-Assad et actuel chef des renseignements militaires syriens.

Mais ce n’est pas la seule ombre qui existe concernant cette extradition qui a eu lieu presque un an après l’arrestation de M. ARIF en Syrie, le 12 juillet 2003. En effet, alors que les autorités françaises déclarent que « l’identification de Saïd ARIF a été rendue difficile par le fait qu’il était en possession de faux papiers marocains », M. ARIF quant à lui affirme dans une correspondance privée qu’« un dossier était prêt avec des informations venant de France et même une photographie de lui dans un album photo de la DST. [Que] régulièrement, il a vu des pages de renseignements en langue française accompagnées de traductions en arabe et portant le cachet de l’Ambassade syrienne à Paris. [Qu’à partir de] janvier 2004 ils lui avaient offert de l’envoyer au Maroc par deux fois puis en Malaisie mais toujours en transitant par Paris. [Qu’]en mai 2004, la France a envoyé une commission rogatoire accompagnée d’informations complémentaires. [Qu’]il a été amené devant un procureur où, à sa grande surprise, il a été accusé de choses hallucinantes (détournement d’avion, meurtre, transport d’explosifs, de poisons, … même de l’attentat du train à Madrid alors même qu’il était à l’époque déjà incarcéré). [Qu’ayant] clamé son innocence et demandé à voir un avocat avant le procès, il avait été ramené au quartier général des services secrets et non pas en prison. [Que] tandis qu’il attendait son procès afin de pouvoir se défendre, il avait été emmené à l’aéroport où la DST française l’attendait avec un vol spécial. [Que] l’extradition s’était faite avant même qu’il ait vu le procureur. »

2) Garde à vue de 96h

Le 17 juin 2004 M. ARIF arrive donc en France où il est immédiatement mis en garde à vue et amené pour interrogatoire devant le Juge d’Instruction Bruguière.

Selon l’article 706-88 du Code de Procédure Pénale, la garde à vue est de 24 heures renouvelables deux fois, la personne concernée devant bénéficier d’une visite médicale avant la première prolongation et pouvant rencontrer un avocat à l’issue de la 48e heure puis de la 72e. Cependant, en matière de trafic de stupéfiants et d’affaires de terrorisme [Art. 706-73, 3° & 11° du Code de Procédure Pénale], les règles sont dérogatoires et plus sévères : la garde à vue peut se prolonger durant 96 heures au lieu de 72 et la personne concernée ne pourra rencontrer un avocat qu’à l’issue des 72 premières heures.

À l’issue de la garde à vue, la personne sera soit remise en liberté après audition et son affaire classée sans suite, soit mise en examen ; elle sera alors soit placée en détention provisoire soit libérée sous condition.

En ce qui concerne M. ARIF, la garde à vue n’a apparemment pas dépassé les 24h, puisque à l’issue de sa première audition il a été mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et écroué.

On peut donc en conclure qu’il n’a pu bénéficier à ce moment-là d’un examen médical alors qu’il était extradé d’un pays reconnu par toutes les organisations de protection des Droits de l’Homme comme pratiquant couramment la torture et que le journaliste d’Associated Press ayant assisté à son débarquement a affirmé qu’il avait les « traits tirés ».

En l’occurrence, le cas de M. ARIF n’a rien d’exceptionnel puisque M. Djamel BEGHAL, extradé des Émirats Arabes Unis le 1er octobre 2001 où il a témoigné avoir été torturé, a subi un interrogatoire de 14 heures d’affilée devant le juge Bruguière dès son arrivée après 18 heures de vol, effectuées debout, les mains attachées au-dessus de la tête, avant d’être mis en examen, lui aussi, pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et écroué. Il avait alors perdu 30 kg.

B – Mise en examen

Depuis la loi du 15 janvier 2000 sur la présomption d’innocence, applicable au 1er janvier 2001, la question de la détention provisoire est désormais confiée au Juge des Libertés et de la Détention et non plus au Jude d’Instruction. Le recours se fait devant la Chambre de l’Instruction de la Cour d’Appel.

Or, si de prime abord cette loi semble vouloir protéger la personne mise en examen en scindant les pouvoirs d’instruction et de mise sous mandat de dépôt, il apparaît évident, après 5 ans de pratique, que rares sont les occasions où, en matière de terrorisme, le Juge des Libertés et de la Détention ne suit pas l’avis du Juge d’Instruction et que même dans ces cas, la Chambre de l’Instruction suit l’avis du Juge des Libertés et de la Détention. Il suffit pour s’en convaincre de se pencher sur le cas de M. Ridouane KHALID qui, après avoir passé plus de 3 ans enfermé à Guantanamo, a été mis en examen ainsi que ses 5 co-détenus pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et qui a été le seul à connaître deux semaines de liberté sous contrôle judiciaire avant que la Chambre de l’Instruction décide de sa mise en détention pour « risques de troubles à l’ordre public »
[16] .
[17] .].

En ce qui concerne M. ARIF, la question de la liberté sous contrôle judiciaire ne s’est jamais posée puisque, en tant qu’étranger, il ne répond à aucune des conditions de base requises, à savoir : domicile, revenus, liens familiaux, sociaux ou professionnels en France.

1) La détention provisoire

Depuis la loi du 15 janvier 2000, la règle ordinaire concernant le temps de détention provisoire est de 4 mois au maximum, prolongés pour un maximum de 1 an par périodes de 4 mois. Mais en matière de terrorisme, les règles se renforcent. Ainsi, si l’acte concerné est un délit susceptible d’entraîner une peine égale à 10 ans, la période de détention pourra être de 2 ans [Art. 145-1 et 145-3 du Code de Procédure Pénale (CPP)]. Mais, si l’acte concerné est un crime susceptible d’une peine supérieure à 20 ans, la période de détention pourra aller jusqu’à 3 ans et même 4 pour les infractions les plus graves [Art. 145-1 et 145-2 du CPP].

Durant cette période, le Juge d’Instruction a tout pouvoir pour mener ses investigations [Art. 94, 100, 102 et 156 du CPP] dans le seul objectif de la « manifestation de la vérité » en instruisant « à charge et à décharge » [Art. 81 du CPP]. Cependant, ceci n’est qu’un leurre car l’accusation pèse de tout son poids alors que la défense ne dispose que de moyens limités. L’exemple le plus flagrant est celui du déroulement des interrogatoires. Selon l’article 114 du Code de Procédure Pénale, le Juge d’Instruction doit aviser l’avocat des interrogatoires à venir au plus tard cinq jours ouvrables avant leur date. Cependant, ce délai est bien trop court pour que le défenseur en informe son client. De plus, le Juge d’Instruction n’est pas tenu de faire connaître à l’avance le contenu de l’interrogatoire, que ce soit la liste des questions envisagées ou le fait qu’il s’agira d’une confrontation. Enfin, la méthode d’interrogatoire est directive en ce sens que les déclarations du détenu ne sont que partiellement prises en compte car ses réponses sont dictées au greffier par le juge. Le détenu n’a plus alors comme recours que le refus de signer le procès-verbal [Art. 106 du CPP], refus qui n’aura lui-même valeur juridique que s’il est mentionné dans le procès-verbal.

Mais ce n’est pas tout. Ainsi, il faut savoir que le détenu ne peut pas obliger le juge à prendre en considération un quelconque aspect de l’affaire qu’il aurait décidé de ne pas soumettre à investigation et, pire encore, que le défenseur peut être à tout moment interrompu ou empêché par le juge [Art. 120 du CPP].

Ainsi, M. ARIF, dans une correspondance privée, a affirmé que lorsqu’il a été amené devant le Juge d’Instruction Jean-Louis Bruguière, il lui a demandé : « Pouvez-vous me dire de quoi exactement je suis accusé ? ». Ce dernier n’a jamais voulu lui répondre et a continué de lui poser des questions de toutes sortes à propos de tout. Il est aussi à noter, dans le cas de M. ARIF, que quatre avocats commis d’office se sont succédés auprès de lui et que de ce fait son défenseur actuel ne peut que très difficilement se procurer toutes les pièces du dossier aux mains du juge.

Outre les pouvoirs d’investigation mis à sa disposition, le Juge d’Instruction dispose de moyens exorbitants de pression sur le détenu qu’il peut ainsi maintenir sous surveillance constante.

En effet, il peut ordonner le placement en cellule individuelle de la personne mise en examen ; ce qui est le cas de M. ARIF.

Il peut interdire toute communication extérieure du détenu durant les 10 premiers jours de son incarcération (hormis avec son avocat) avec un renouvellement unique de la mesure durant 10 jours supplémentaires [Art. 145-4 du CPP]. Ensuite, tous les courriers reçus et envoyés (exceptés ceux concernant le représentant de la défense) doivent transiter par le bureau du juge.

Le Juge d’Instruction est aussi le seul à délivrer les permis de visite [Art. 145-5 du CCP] et il n’y a aucun recours possible de la famille du détenu devant la Chambre de l’Instruction à part le fait d’en renouveler périodiquement la demande lorsque le refus n’est pas motivé par écrit, comme y oblige pourtant l’art. 145-4 du Code de Procédure Pénale.

Ainsi, l’épouse de M. ARIF, qui est suédoise et résidait déjà en Suède au jour de son extradition, a tenté en vain d’obtenir un permis de visite. Sa première demande étant demeurée sans réponse écrite ou orale, cette mère de quatre enfants a pu obtenir de l’aide auprès d’une avocate suédoise installée à Paris. Celle-ci s’étant enquis auprès du juge des raisons de son mutisme, il lui a été répondu que la lettre n’était jamais parvenue à son bureau mais qu’il ne délivrerait aucun permis de visite à l’épouse de M. ARIF tant qu’elle ne se présenterait pas en personne pour le demander ; tout ceci ayant été déclaré oralement. Quant à M. ARIF, prévenu par son épouse des difficultés rencontrées dans ce domaine, il s’est vu répondre la même chose quand il a demandé un permis de visite pour celle-ci au juge Bruguière.

De ce fait, M. ARIF n’a reçu aucune visite depuis son incarcération en France le 18 juin 2004, à part celle de certains de ses avocats (le second en titre n’ayant jamais fait le déplacement).

2) La Maison d’Arrêt

Les détentions provisoires s’effectuent en Maison d’Arrêt, prisons françaises de triste réputation depuis le rapport en 2000 d’une commission sénatoriale, rapport intitulé : « Prisons : une humiliation pour la République », lui-même renforcé et réaffirmé par les rapports 2003 et 2005 de l’Observatoire International des Prisons [OIP, « Les Conditions de détention en France, rapport 2003 », éd. La Découverte, Paris, 2003].

Le principal reproche fait à ces établissements est celui de la surpopulation, laquelle entraîne des activités collectives réduites au strict minimum, une hygiène défaillante, une nourriture de mauvaise qualité, des violences sur les autres et sur soi.

Partant de ce constat, il a été recommandé, entre autres, la création de nouveaux établissements avec un réel encellulement individuel tel que prévu par la loi.

Si l’on se base sur cette dernière recommandation, le fait que M. ARIF soit seul dans sa cellule peut apparaître comme une mesure en sa faveur prise par le Juge d’Instruction. Pourtant il n’en est rien, parce que cela impose à M. ARIF une solitude quasi totale sans possibilité de créer de liens sociaux, alors qu’il est totalement coupé de sa famille et de ses amis.

Mais ce n’est pas la seule difficulté qu’ait rencontré M. ARIF. Tout d’abord, il a dû demeurer presque une année sans recevoir d’argent alors que tout doit se cantiner au sein de la prison, ce qui l’a placé de fait dans une situation d’indigence. En effet, les prisons françaises n’acceptent ni chèques ni espèces, seulement des Mandats Cash Postaux. Ainsi, chaque fois que son épouse a tenté de lui faire parvenir un peu d’argent par virement international, celui-ci lui a été remis sous forme de chèque qu’il n’a pu faire encaisser sans que personne ne daigne lui expliquer pourquoi. Il a fallu que le hasard mette en contact une citoyenne française avec son épouse pour que celle-ci puisse lui envoyer un virement sur son compte personnel, virement aussitôt transformé en Mandat Cash et enfin encaissé par le vaguemestre pour M. ARIF.

Enfin, le problème se pose de la pratique religieuse [Art. D. 432 à D. 439 du CPP]. Alors que l’Islam est la seconde religion de France et vraisemblablement la première en prison [Khosrokhavar Fahrad, L’Islam en prison, éd. Balland, Paris, 2004], les aumôniers ne sont que 69 (contre 513 pour les catholiques) ce qui rend l’office du vendredi totalement aléatoire [« Placer un détenu musulman au mitard pour une prière est disproportionné, selon la justice »]. Et en période de Ramadan, les horaires de repas ne sont pas modifiés. De plus, les prisons françaises ne procurent pas de nourriture halal, contrairement à la nourriture casher.

Ainsi, M. ARIF ne peut pas non plus se réfugier dans une pratique régulière et ordonnée de sa religion. En tant que Musulman pratiquant, il ne peut manger de viande non préparée selon les rites imposés par sa religion et, même si l’article D. 439 du Code de Procédure Pénale autorise les détenus à recevoir ou conserver les objets de pratique religieuse, M. ARIF s’est vu refuser la possession de son Sebha.

Voilà quelle est, à l’heure actuelle, la situation des personnes détenues en France sous mandat de dépôt pour raison de terrorisme.

Bien que l’instruction du dossier de M. ARIF soit encore en cours, je peux vous présenter succinctement, d’un point de vue légal, ce qui pourrait être, en ce qui le concerne, la phase de jugement et celle de l’exécution de la peine.

II – La phase du jugement

En matière de terrorisme, les juridictions compétentes sont, depuis la Loi 9 septembre 1986, centralisées sur Paris, qu’il s’agisse de délit ou de crime.

A – Délit ou crime

Ainsi la Chambre Correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris est compétente en matière de délit tandis que la Cour d’Assises Spéciale de Paris l’est en matière de crime.

1) TGI de Paris

Actuellement, les peines délictuelles en matière de terrorisme [Art. 421-2-1 du Code Pénal], pour participation à une association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, sont de 10 ans de réclusion et de 225’000 euros d’amende [Art. 421-5 du Code Pénal].

Si le projet de Loi qui doit être présenté en première lecture devant l’Assemblée Nationale le 22 novembre prochain est adopté, ce délit sera requalifié crime pour les dirigeants ou organisateurs desdites associations afin que puissent leur être appliquées des peines de 20 ans de réclusion [(art. 9)].

2) Cour d’Assises Spéciale de Paris

Contrairement aux Cours d’Assises ordinaires, celle-ci ne comprend pas de jury populaire, elle est seulement composée de 7 magistrats professionnels.

Actuellement, les peines criminelles encourues en matière de terrorisme, pour préparation des crimes d’atteinte aux personnes, sont de 20 ans de réclusion et de 500’000 euros d’amende.

Si le projet de Loi est adopté, les peines encourues seront de 30 ans.

B – La décision

1) Modes d’obtention de la preuve

Lors des procès pour terrorisme, il apparaît de plus en plus souvent que les preuves matérielles ne sont plus nécessaires et que les seuls aveux d’intention de commission d’infraction suffisent, même si ceux-ci ont été obtenus dans des pays où la torture est avérée.

Ainsi, durant le procès en correctionnelle de M. BEGHAL, quand celui-ci a une fois de plus contesté les déclarations faites sous la torture aux Émirats Arabes Unis, le Président du Tribunal, Philippe Vandingenen, lui a répondu que lors de son premier interrogatoire par le juge Bruguière, il n’avait contesté que certaines déclarations et que l’on se serait plutôt attendu à ce qu’il les conteste toutes. Le Magistrat a aussi ajouté que même l’examen médical ne corroborait pas ses dires. M. BEGHAL a été condamné à 10 ans de réclusion le 15 mars 2005.

Tout aussi troublante est la confirmation par la Cour d’Appel de Paris, dans un arrêt en date du 4 octobre 2005 et qui à ce jour n’est toujours pas disponible [À cette date, la mise à jour du site officiel Legifrance, en ce qui concerne tous les arrêts en matière judiciaire, se limite au 21 septembre dernier], de la procédure en cours à l’encontre de M. KHALID et de ses co-détenus, confirmation s’appuyant sur le fait que les hommes concernés font l’objet d’une enquête antérieure à leur détention à Guantanamo, l’avocat général allant même, selon certains avocats, jusqu’à reconnaître des « auditions vraisemblables » menées à Guantanamo par la DST [Ces deux arguments, s’ils se révèlent exacts, posent tout d’abord le problème de la reconnaissance réelle par les autorités françaises de l’illégalité de la détention arbitraire de ces hommes en zone de non-droit américaine, mais plus encore celui de la bonne foi de notre propre justice qui se réfère à ce qui ne peut être que des notes blanches des RG pour valider la procédure, puisque les juges Bruguière et Ricard n’ont ouvert instruction du dossier qu’au 6 novembre 2002, date à laquelle les 7 français se trouvaient déjà en main américaine depuis plusieurs mois.].

Si l’on se réfère à ces affaires, l’instruction concernant M. ARIF portant sur l’enquête dite des « filières tchétchènes », nom en lui-même réprouvé par certaines instances européennes, ne repose que sur des aveux sans preuves matérielles flagrantes lors d’arrestations menées les 16 et 24 décembre 2002 en Seine-Saint-Denis et vraisemblablement sur des aveux extorqués à M. ARIF sous la torture en Syrie [« Mon client a été détenu pendant un an en Syrie dans des conditions très dures. Les déclarations qui émanent de cette année de détention sont vraiment sujettes à caution »], pays qui, selon M. Lucien Bitterlin, Président de l’association Solidarité Franco-Arabe, sait « faire la différence entre les résistants et les terroristes ». De ce fait, les preuves avancées lors de son procès devraient être de même nature que celles qui ont contribué à la condamnation de M. BEGHAL.

2) La peine infligée

L’article 132-23 du Code Pénal instaure des périodes de sûreté en matière de peine privative de liberté non assorties de sursis. Durant cette période, le condamné ne peut bénéficier d’aucun aménagement de peine [Suspension, fractionnement, placement à l’extérieur, permissions de sortie, semi-liberté et libération conditionnelle].

En matière délictuelle, si la peine se situe entre 5 ans et 10 ans, la période de sûreté peut être de la moitié de la peine prononcée ou exceptionnellement des 2/3.

En matière criminelle, les règles sont les mêmes. Mais s’il s’agit d’une réclusion à perpétuité, la période de sûreté sera de 18 ou 22 ans. Lorsqu’il s’agit de terrorisme, la période de sûreté est de 22 ans.

Ce n’est que sur les années au-delà de cette période que les aménagements de peine pourront s’exercer et que seront prises en comptes les réductions de peine comptabilisées durant la période.

En outre, le juge peut en matière de terrorisme prononcer des peines complémentaires telle que celle de l’interdiction du territoire français [Art. 131-30 du Code Pénal], peine qui s’exécutera au jour même de la fin de la peine d’emprisonnement.

III – La phase d’exécution

Cette phase n’est opérationnelle que lorsque tous les recours (entre autres, appel et cassation) sont éteints. Jusque-là, le détenu n’est pas réputé condamné et demeure en Maison d’Arrêt ; ce qui signifie aucun contact téléphonique et des parloirs d’une demi-heure au moins et ce au minimum trois fois par semaine si possible.

Ensuite, lorsque la personne est définitivement condamnée en matière délictuelle, elle sera orientée vers un Centre de Détention ; en cas de condamnation criminelle vers une Maison Centrale. Dans les deux cas, le condamné aura droit à un parloir d’au moins une heure, une fois par semaine au minimum. Cependant, en Centre de Détention, l’accès téléphonique sera possible une fois par mois alors qu’il demeurera exceptionnel en Maison Centrale [Art. D. 410, D. 52 et D. 441, D. 417 du CPP].

A – Calcul de la peine

1) La détention provisoire

Selon l’article 716-4 du Code de Procédure Pénale, le temps de détention provisoire est intégralement déduit de la peine prononcée.

Il en va de même, depuis le 1er janvier 2005, des temps de détention subis hors de France en exécution d’un mandat d’arrêt européen ou sur la demande d’extradition et à l’incarcération subie en application.

Reste à savoir si cette dernière mesure s’appliquera à M. ARIF. Tout dépendra vraisemblablement du motif de son arrestation en Syrie au 12 juillet 2003.

2) Les remises de peine

La réduction de peine est une mesure prise par le Juge de l’Application des Peines qui permet de réduire la durée de la peine de prison d’une personne définitivement condamnée [Art. 721 du CPP].

Il existe deux catégories de réduction de peine, dont aucune n’est automatique.

La première est la Réduction de Peine Ordinaire (RPO) pour « bonne conduite », qui ne peut excéder trois mois par année d’incarcération.

La seconde est la Réduction de Peine Supplémentaire (RPS) pour « efforts sérieux de réadaptation sociale », qui est de deux mois par an maximum et qui ne peut être accordée qu’après un an d’incarcération [Art. 721-1 du CPP].

Ces réductions étant laissées à l’appréciation du Juge de l’Application des Peines, elles sont différemment examinées selon le juge concerné.

De ce fait, si le projet de Loi anti-terroriste est voté, l’application des peines (donc les remises) sera centralisée à son tour auprès des juridictions de l’application des peines de Paris [(art. 10)]. Ce qui laisse supposer une gestion drastique des remises et aménagements.

B – La double peine

La Loi du 26 novembre 2003 [Loi relative à la maîtrise de l’immigration et au séjour des étrangers en France] a modifié le régime de « la double peine », c’est-à-dire l’expulsion des étrangers condamnés à la prison après l’exécution de leur peine.

Cependant, qu’elle soit peine complémentaire d’interdiction de territoire ou arrêté préfectoral ou ministériel d’expulsion [Arrêté préfectoral en cas de « menace grave pour l’ordre public » et ministériel en cas « d’urgence absolue » et/ou « nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique », décret du 13 janvier 1997], elle s’applique toujours aux étrangers condamnés pour terrorisme. Ainsi, l’expulsion s’applique de plein droit sans prise en compte des risques que pourraient encourir dans leur pays d’origine ces personnes qui ont pourtant effectué l’intégralité de leur peine.

Le projet de Loi anti-terroriste, s’il venait a être adopté, renforcerait la possibilité d’application de la « double peine » aux personnes condamnées pour terrorisme en permettant au ministre chargé des naturalisations d’engager la procédure de déchéance de la nationalité française et de la prononcer à l’encontre des personnes l’ayant acquise non plus dans les 10 années mais dans les 15 années précédentes [(art. 11)].

1) Interdiction de territoire

Que ce soit en matière délictuelle ou criminelle, le juge peut prononcer à l’encontre des étrangers condamnés dans le cadre du terrorisme une interdiction du territoire français à titre définitif ou pour une période de 10 ans. Cette interdiction implique une reconduite immédiate à la frontière au jour de l’expiration de la peine d’emprisonnement ou de réclusion [Art. 131-30 du Code Pénal].

Mais cette peine complémentaire n’étant pas automatique, il reste alors au Ministère de l’intérieur la voie de l’arrêté d’expulsion.

2) Arrêté d’expulsion

En matière de terrorisme, si l’interdiction du territoire n’a pas été retenue par le juge, le Ministre de l’Intérieur a alors compétence pour prendre un arrêté d’expulsion. Le recours, non suspensif au demeurant, contre cette décision doit avoir lieu en premier ressort devant le Tribunal administratif et en dernier ressort devant le Conseil d’État.

Pourtant, le 19 mai 2004, le Ministre de l’Intérieur avait annoncé qu’il souhaitait « que le juge des arrêtés ministériels d’expulsion soit le Conseil d’État, afin de mieux concilier la défense des droits individuels et les impératifs de l’État républicain… ». Aussitôt, le Syndicat de la Juridiction Administrative, principale organisation représentative des juges administratifs, s’était opposé à ce projet qui tendait à dessaisir les tribunaux administratifs au profit du Conseil d’État, lequel aurait alors statué en premier et dernier ressort. Au mois de juin suivant, le Gouvernement avait finalement décidé de renoncer à dessaisir les tribunaux administratifs, mais que l’examen de ces litiges serait en revanche très prochainement attribué en première instance au seul Tribunal Administratif de Paris [Art. R. 312-1 & R. 312-8 du Code de Justice Administrative].

Une fois encore, la volonté de centralisation est avérée.

Ainsi, s’il advenait que M. ARIF soit condamné sans que le juge ne lui applique la peine complémentaire d’interdiction de territoire, le Ministre de l’intérieur pourrait prendre à son encontre un arrêté d’expulsion sans risque majeur qu’il soit annulé par le Tribunal Administratif de Paris ou en dernier ressort par le Conseil d’État. Il suffit, pour s’en convaincre, de se pencher sur le cas significatif de Mohamed CHALABI : libéré de prison en janvier 2001, cet Algérien né en France, père de quatre enfants français, a été expulsé le 6 novembre de la même année, les autorités françaises affirmant qu’il ne courait aucun risque en Algérie. Cependant, dès son arrivée, M. CHALABI a été incarcéré, les autorités algériennes ayant exhumé une condamnation par contumace pour « crimes terroristes et subversion » et un mandat d’arrêt international inconnu d’Interpol.

Pour conclure : pourquoi ai-je choisi de parler de « Politique » et non de « Législation » anti-terroriste française ? Parce que les lois anti-terroristes n’ont pas pour but premier de défendre les citoyens mais bien l’État atteint en son intégrité politique et économique.

Ainsi, l’ouverture au public au mois de mai dernier d’une base de données sur Internet concernant le terrorisme a été présentée par le Ministère de l’Intérieur comme suit : « les actes de terrorisme visant la France ou les intérêts français dans le monde ». Bien que le site soit public, il est à remarquer qu’il est obligatoire, pour accéder effectivement à la base de données, de décliner son identité ainsi que son adresse email.

On peut alors se demander si la reconnaissance et la place accordées à l’association « SOS Attentats » par les autorités n’a pas comme premier objectif de contenir et contrôler la colère et la frustration des victimes et familles et amis de victimes et, depuis quelque temps, de pouvoir aussi manipuler la légitime et compréhensible douleur de ces personnes à des fins électoralistes. En effet, comment pourrait-on reprocher à une mère de famille anéantie par la perte de sa fille dans les attentats de 1995 de déclarer à propos de Rachid Ramda : « Il est directement responsable en tant que financier. Il doit être jugé. Il faut qu’il réponde de ses actes » [BBC 4 Radio, File on 4, mardi 11 octobre 2005]. De ce fait, les déclarations populistes d’un Nicolas Sarkozy à son retour de Londres ne choquent plus personne malgré le déni de la présomption d’innocence : « J’espère de tout cœur qu’il (Rachid Ramda) pourra revenir (en France), pour rendre compte de ce qu’il a fait, être puni et être condamné ». On ne peut s’empêcher de rapprocher cette formule des déclarations du même qui, bien qu’avocat de formation, avait déjà déclaré lors d’une réunion publique de l’UMP, le 4 juillet 2003, sans que cela ne choque quiconque : « J’ai quelque chose de très important à vous dire : il y a vingt minutes, la police française a arrêté Yvan Colonna, l’assassin du préfet Érignac ».

Alors que la tendance actuelle est à une décentralisation de grande envergure, touchant à tous les domaines importants de la société (santé, environnement, emploi), le traitement du terrorisme se recentre sur Paris en se référant à des cours et des personnels spécialisés qui dépendent de plus en plus du seul Ministère de l’Intérieur lequel devient, de fait sinon de droit, le donneur d’ordres [Dans un entretien accordé à l’AFP le 26 octobre 2005, Dominique de Talancé, première juge d’instruction au pôle économique et social de Paris, a dénoncé la « mainmise du parquet sur la chaîne pénale […] pour mieux contrôler les dossiers financiers » et « la désignation des juges sur des critères politiques ou de docilité »].

Cette néo-centralisation, conduite à partir des réformes consécutives du Code Pénal et du Code de Procédure Pénale, qui touche à présent le domaine administratif et l’autorité judiciaire, n’est que le reflet d’un pouvoir agonisant seulement intéressé à se maintenir en place en balayant d’un revers de main les grands principes fondateurs de notre Droit. Nous sommes entrés dans l’ère du « tout sécuritaire » à grand renfort de présomption de culpabilité et de procès d’intention, la stigmatisation de l’Islam n’en étant que la partie immédiatement visible car la plus susceptible de frapper l’imagination populaire.

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