Les militants de Notre-Dame-des-Landes tentent de disséminer leur mouvement
Rassembler et disséminer : telles sont les deux stratégies des opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au nord de Nantes, défendu par le gouvernement. Samedi 11 mai, les militants doivent tenter de fédérer les soutiens en organisant une chaîne humaine autour de la « zone d’aménagement différé » (ZAD), rebaptisée « zone à défendre ». Des milliers de personnes – le 17 novembre 2012, 40’000 personnes avaient arpenté le bocage nantais – devaient se donner la main pour encercler les 1640 hectares du terrain où doit être construit l’aéroport du Grand Ouest.
Mais, alors que le projet de Notre-Dame-des-Landes est de fait gelé pour une durée indéterminée, les « zadistes » ont une autre stratégie : « semer des ZAD » partout, autrement dit occuper les zones où doivent se construire des projets qualifiés d' »inutiles », comme la ligne ferroviaire Lyon-Turin, un projet d’incinérateur dans le Morvan, le stade de football de l’Olympique lyonnais à Décines-Charpieu, la zone commerciale dans le triangle de Gonesse, en région parisienne…
À Mont-Saint-Aignan, au nord de Rouen, la cible est une filiale du groupe Auchan, Immochan, qui a acheté des terres agricoles. Dans cette nouvelle ZAD, pas de cabanes dans les bois ou de barricades dans la boue : à la ferme des Bouillons, le squat est trois étoiles. Cinq, six ou sept jeunes, selon les circonstances, vivent là en permanence. L’enjeu porte sur 4 hectares de terres agricoles. Avec un mot d’ordre facile : « Des champs ! Pas d’Auchan ! »
FERME HISTORIQUE
La société Immochan, qui gère « des espaces de commerce et de vie » dans le monde entier, a racheté le terrain en janvier 2012. Cinq ans plus tôt, les terres agricoles de cette grande ferme ont été classées en « zone à urbaniser » par la municipalité. Une aubaine pour le groupe Auchan, qui ne dispose d’aucun hypermarché à Rouen.
En juillet 2012, un permis de démolition de la jolie maison à colombages est délivré. L’alerte est donnée par une conseillère municipale écologiste de Mont-Saint-Aignan, dont le maire actuel est membre du Parti socialiste. Un petit groupe décide, le 6 décembre, d’occuper la dernière ferme historique du plateau.
Depuis, la vie s’est organisée. Soirées culturelles, réunions militantes, sans compter les soins à apporter aux poules, coqs, brebis et agneaux. Quand deux huissiers sont venus délivrer aux occupants, le 17 avril, un commandement de justice de quitter les lieux dans un délai de vingt-quatre heures, la riposte a été immédiate. L’Association de protection de la ferme des Bouillons sait pouvoir compter sur plus de 200 personnes dans une « chaîne d’urgence » mobilisable sur simple coup de fil.
Samedi 20 avril, avec l’aide de la Confédération paysanne, les zadistes normands ont labouré une parcelle et semé des pommes de terre. Le projet agricole existe. « Nous voulons empêcher toute destruction, et que la mairie requalifie les terres en zone naturelle et agricole », explique Sacha Vue, 24 ans, un ingénieur agronome qui a lancé le mouvement.
PROJET COLLECTIF
Olympe Crocq, 25 ans, étudiante en allemand, vit aussi ici, comme Barthélemy Guéret, 27 ans, intermittent du spectacle. Cédric Bineau, 31 ans, étudie quant à lui le maraîchage à Yvetot. Avec son collectif, les Appoyas, il cherche un lieu pour développer un projet collectif – maraîchage, boulangerie, forge et activités pédagogiques.
Tous se disent politisés, mais aucun parti ne trouve grâce à leurs yeux. Sacha dénonce le double langage des élus socialistes : « D’un côté, ils votent de grandes résolutions pour préserver les terrains agricoles et, de l’autre, ils ne préemptent pas les terres qui sont vendues. »
Adeptes de la guitare, du jonglage, des « soirées conte » ou des mini-concerts qui se tiennent dans l’un des nombreux bâtiments, ces militants misent d’abord sur les habitants de Mont-Saint-Aignan et de l’agglomération rouennaise.
Le groupe est jeune et cultive l’ouverture. Tous se réfèrent à Notre-Dame-des-Landes, où ils se sont souvent rendus. Olympe y a « découvert le militantisme » : « Il s’est passé quelque chose là-bas », dit la jeune fille. Mais ils ne se reconnaissent pas dans l’aspect guerrier parfois véhiculé dans le bocage nantais. Sacha y a campé durant un mois : « Des zones à défendre, il y en a partout, mais ici on ne voulait pas de barricades ou porter des cagoules », dit-il.
Le 11 mai, ils seront à Notre-Dame-des-Landes. Combien de temps vont-ils rester à la ferme des Bouillons ? « On ne défend pas ce projet pour nous », avance Olympe. « On reste ici jusqu’à ce que l’on gagne ou que l’on se fasse jeter », assène Cédric. C’est cela, l’esprit ZAD.
Chaîne humaine contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes
Une chaîne humaine est organisée samedi 11 mai dans l’après-midi par les opposants au projet de transfert de l’aéroport de Nantes à Notre-Dame-des-Landes. Cette manifestation devrait se dérouler dans un contexte apaisé après le retrait de la zone des forces de l’ordre le 20 avril, la reprise du dialogue entre opposants institutionnels (agriculteurs, élus, militants écologistes) et autorités, et l’arrêt des opérations d’expulsions qui se sont déroulées durant l’automne.
« L’idée est de dire qu’on encercle cette ZAD et qu’elle est donc sous protection populaire. Le symbole demeure », a expliqué cette semaine Françoise Verchère, conseillère générale du Parti de gauche et opposante historique au projet.
Leur presse (Rémi Barroux, LeMonde.fr, 10-11 mai 2013)
Tu dis: “l’esprit ZAD” est bien différent ce ce qui se passe dans cette ferme…
C’est donc que toi tu sais ce qu’est cet esprit et que cet esprit est définissable??? Je connais la ZAD et les Bouillons. Il y a beaucoup de similitudes, et aussi des différences. C’est interdit???
Pour construire notre cabane sur la ZAD, les Bouillons ont servi de plateforme de stockage, tri, démontage, logistique …. Il y a eu une belle coopération ….
Le projet des Bouillons est super! Ils viennent de passer au tribunal, ils ont des délais, tant qu’il y a des procédures en cours ça va ….. sans eux tout serait déjà rasé ! ! !
La lutte sur la ZAD n’est pas une thérapie, elle s’exprime différemment selon les moments et les personnes. C’est justement cela qui la rend magnifique …
Salut et fraternité
La ZAD c’est une multitude de personnes, différentes manières de se rapporter au mouvement suivant les heures, les jours, les montées de colère, de joie ou les réflexions tactiques… En excluant les uns ou les autres, la ZAD ne serait peut-être plus et chacun des membres de cette lutte en est conscient.
Et pour le coup si l’on nous jette, nous, on revient, plus nombreux encore, la solidarité étant une de nos armes…parmi d’autres !
« l’esprit ZAD » est bien différent ce ce qui se passe dans cette ferme…