Vous allez payer pour être surveillés
Télécommunications — La nouvelle loi sur la surveillance devrait entraîner des coûts supplémentaires pour les opérateurs. Et donc des hausses de tarifs.
La nouvelle loi sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication examinée aujourd’hui par la Commission des affaires juridiques du Conseil des États suscite déjà des remous. Pour des raisons de protection de la vie privée, mais aussi pour des questions d’argent. Les fournisseurs de services de télécoms devront par exemple stocker nos données pendant 12 mois, au lieu de 6 actuellement. Or cette extension des mesures de surveillance a un coût, assumé notamment par les opérateurs. « Rien que les investissements nécessaires à la mise en place vont coûter quelques dizaines de millions. Je ne parle que du hardware (équipements sur les centraux téléphoniques, serveurs…) Mais il faut aussi ajouter la surveillance en tant que telle », regrette Christian Neuhaus, porte-parole de Swisscom.
Sur le papier, le projet de loi ne change rien à la répartition actuelle des coûts. Sauf que les nouveaux investissements rendus indispensables par la nouvelle législation salent lourdement la note. Les équipements nécessaires restent en effet à la charge des personnes obligées de collaborer. Ces coûts se sont élevés en 2011 à plus de 3,5 millions de francs pour les plus gros fournisseurs selon une étude de KPMG de juin 2012. En ce qui concerne les actes de surveillance eux-mêmes, les dispositions demeurent plus vagues : les opérateurs reçoivent « une indemnité équitable pour les frais occasionnés », ainsi qu’un « émolument » versé par les autorités de poursuite pénale en passant par le service de surveillance de la Confédération. Au total, seuls 50% des frais sont effectivement remboursés aux fournisseurs de services.
D’où les plaintes des opérateurs. « Auparavant, la surveillance portait uniquement sur la téléphonie vocale et les SMS. Aujourd’hui, la complexité des télécommunications augmente considérablement. Ce qui nécessite des outils de surveillance plus sophistiqués et donc plus coûteux », explique Roger Schaller, porte-parole de Sunrise. « Cette surveillance est très clairement une tâche de l’État et n’est pas gratuite. Quelqu’un doit supporter les coûts. Sans la participation de l’État, ils devront être supportés par les clients », ajoute Roger Schaller. Swisscom arrive à la même conclusion.
La Fédération romande des consommateurs dit surveiller de près le processus législatif qui s’ouvre aujourd’hui. Pas question pour elle de faire supporter ces nouveaux coûts « aux consommateurs qui n’ont rien demandé ».
« Comme 150 caméras »
La nouvelle loi prévoit également la pose de logiciel espion dans le cadre d’une procédure pénale. Dans ce cas, nul besoin de passer par l’opérateur. Une septantaine d’infractions sont concernées : pédophilie, grande criminalité, espionnage, terrorisme, mais aussi abus de confiance, vol, abus de cartes de crédit, entrave à la circulation publique, faux dans les titres ou mariages arrangés. « Des motifs peu clairs », commente Sébastien Fanti. L’avocat relève le manque de personnels qualifiés dans les cantons : « Étendre ainsi les possibilités de surveillance, c’est comme mettre 150 caméras à la gare de Sion et personne pour les regarder. »
Éric Felley
Presse civique (Cléa Favre, LeMatin.ch, 2 mai 2013)