[« Ne pas faire de vagues »] Défense et illustration du métier de CRS

« Tu peux gazer ! » : un CRS raconte ses manifestations

Nicolas [Le prénom a été changé], CRS depuis douze ans, livre au Point.fr son regard sur son métier et sur le pouvoir politique. Un témoignage sans concession.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/05/arton1299.jpgÀ chaque manifestation, c’est pareil : la foule se plaint de la police. L’utilisation des gaz lacrymogènes lors de la Manif pour tous a récemment défrayé la chronique, mais ce n’est qu’une nouvelle illustration de la relation parfois compliquée qui lie la population française à ses forces de l’ordre. Nicolas est CRS depuis 12 ans, il livre au Point.fr son regard sur son métier et sur le pouvoir politique.

Le Point.fr : Les images de CRS envoyant des gaz lacrymogènes sur une foule parfois familiale ont récemment choqué une partie de la population. Comment ces décisions sont-elles prises ?

Nicolas : Le gaz lacrymogène, le tonfa, ce sont nos outils de travail. En manifestation, la réaction des CRS dépend de qui on a en face et de la façon dont nos chefs ressentent les choses. Quand ça chauffe, c’est très carré : on agit uniquement sur ordre. Si on nous dit « tu peux gazer » ou si on nous demande « une vague de refoulement », on le fait. Si on doit interpeller, c’est aussi sur ordre. Mais c’est vrai que le fonctionnaire garde une part d’initiative. On oublie souvent qu’on reste au contact des manifestants pendant des heures parfois avant d’intervenir. Et si un agité nous a insultés et « chauffés » avant que l’ordre arrive, on va plutôt aller vers lui pour interpeller. On reste des humains.

En douze ans de métier, vous avez connu plusieurs gouvernements de sensibilités différentes. Ressentez-vous une différence droite-gauche dans les ordres que vous recevez ?

Le métier et les méthodes de travail ne changent pas, quel que soit le gouvernement : tu utilises ce qu’on t’a appris durant ta formation. Sur le terrain, la réaction des forces de l’ordre durant un événement dépend, comme avant, de l’impact médiatique. Le mot d’ordre, c’est de ne pas faire de vagues…

L’arrivée du ministre de l’Intérieur Manuel Valls, il y a un an, a-t-elle changé les choses ?

Sur le terrain, nous n’avons pas vu de différence sensible. Les missions changent parfois de nom, mais restent les mêmes : la « lutte contre les violences urbaines » est, par exemple, devenue la « présence en zone de sécurité prioritaire ». On fait exactement la même chose, seul le nom a changé. Malgré tout, dans les premières semaines après son arrivée, il y a eu un léger relâchement de la pression pour la verbalisation : les objectifs de chiffre étaient dits moins clairement, et on nous suggérait même parfois de faire un peu moins de zèle. Mais en général, il y a vraiment deux messages distincts : celui qui est à destination des médias avec de grands effets d’annonce et celui qu’on a sur le terrain, où on nous dit de ne pas faire de vagues.

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Propos recueillis par Guerric Poncet, LePoint.fr, 6 mai 2013)

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