[20 juin 2012]
La rue de ma naissance
On naît où l’on s’accomplit.
Je suis né deux fois. La première fut sur le sable chaud mauritanien ; 50 degrés à l’ombre. La seconde sur le bitume glacial du Val-Fourré (Mantes-la-Jolie 78) en plein milieu d’une jungle de béton. Je suis le fruit de ces deux endroits.
Imaginez une poussière du sable saharien sur une tour d’habitation à loyer modéré, appelée plus communément HLM.
Je me revois sur le dos d’un chameau, maman comme guide. Je ne savais même pas encore placer une phrase correctement. Mes yeux émerveillés valaient mieux que tous les discours du monde.
Quinze ans plus tard je fais du bruit au guidon d’une bécane de cross, arpentant le bitume. La poussière du Sahara s’est perdue à Babylone. Je me suis égaré entre ces tours verticales interminables. Ta ville n’a de sens que si tu lui en donnes.
Premier pas en Afrique, le second en Occident, double culture. À la maison je suis en Mauritanie ; en dehors je suis à Miami dans ma tête. Mes valeurs laissées sur le seuil de la maison familiale, endoctriné par les films de youv (voyous), nourri au son américain, sponsorisé par Lacoste. Aucune trace de mon lointain passé.
En 2012, si Christophe Colomb va en Inde, il se fait coloniser.
Je déterre mon passé enfoui sous les dunes, range ma fierté pour gommer mes erreurs d’autrefois. Mes premiers pas d’homme libre se feront sur le sable de ma terre natale pour embrasser la tombe de ma mère. Inch’Allah.
La poussière du Sahara enfermée entre quatre murs, je médite et fais le point sur ma vie agitée. Dans la cité, on est plusieurs individus, mais chacun a son histoire, son parcours. On est ici, mais on vient de là-bas. Chaque prénom, chaque nom de famille témoigne et ramène à la culture ancestrale, même si sur ta carte d’identité, il est écrit République Française.
On est l’addition, le résultat du passé proche de nos parents. On n’est pas ici par hasard. On n’est pas là par hasard. Chaque expression de ton visage est l’héritage de l’un de tes prédécesseurs. On transporte sans le vouloir, chacune et chacun, des siècles d’histoire.
Un nouveau chapitre de ma vie écrit à l’encre de mon passé s’annonce. Mon futur je le vois, loin à l’ombre de l’illicite. Mes valeurs ont franchi la porte, le seuil de la maison familiale. Elles sont nos seules richesses, n’oubliez jamais d’où vous venez. C’est avec elles qu’on sait où l’on va.
[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]