« L’humanité qui convient »

« L’humanité qui convient »

« Les règles ont été appliquées avec l’humanité qui convient, avec les explications nécessaires mais il y a parfois des moments où on est dans une telle situation, qu’on ne comprend plus les explications. »

M. Sapin, ministre du Travail à propos de l’immolation de Djamal Chaab devant un Pôle emploi de Nantes le 13 février 2013.

Alors que la mort par immolation devant les locaux d’une administration ou sous les coups de la police devient coutumière, les discours créent un consensus qui en cache la signification possible par des phrases convenues. La bienveillance humanitaire des hommages ou les déclarations des agent-e-s de l’institution use immédiatement le sens du geste de Djamal Chaab (dont on tait systématiquement le nom, qui signifie « peuple »).

L’humanisme des représentant-e-s de l’État comme celui de leurs cogestionnaires « sociaux », (ici les représentant-e-s traditionnels des allocataires de prestations sociales) « explique » ainsi la vie d’un « individu » en l’excluant d’une situation. Cette situation est politique. Pourtant aucune signification politique ne résonne. L’invocation abstraite de la misère comme le calcul cynique des responsabilités créent ce silence. On dit qu’il était fou et pauvre, on va jusqu’à recalculer ses droits pour lui donner tort.

On masque mal que c’est la logique même de l’institution de mettre à mort par le droit. C’est en tout cas cette institution que Djamal Chaab a désignée comme son lieu de mort.

L’État a remis à un-e « agent-e» le soin de décider des moyens de subsistance d’un autre homme. Cet-te agent-e est sans doute lui/elle-même ignorant-e du droit, son rôle est de suivre des procédures et d’exercer un contrôle. La finalité de ces actes lui est rarement rendue visible comme les conditions d’existence qui en dépendent. C’est ainsi, silencieusement, que la société transpire le fascisme.

Ce dispositif entame nos vies dans les nécessités les plus brutes mais aussi sous l’aspect moins discernable de l’image que l’on se renvoie. Cette image est celle de la honte et de la mauvaise conscience. On nous fait croire que nos droits sont des dettes et par là on réduit notre horizon d’action, nos projections dans le monde. De même, on réduit notre action au sein de notre travail à une activité sans sens et parfois assassine. Enfin, on continue d’affirmer que ces activités ont une valeur et nous sont désirables.

Nous ne voulons pas définir la volonté de Djamal Chaab ; sa vie, comme le montre assez son suicide, lui appartenait. Mais nous ne voyons pas comment nous pourrions donner un visage à cet homme sans déclarer la guerre à ces institutions.

Sa vie était réfractaires aux projets calculés. Comme le sont les nôtres.

Collectif de chômeurs-euses et précaires de Lille (contact)

Groupe antifasciste de défense et d’entraide face au dispositif bureaucratique (caf, pôle emploi, cpam, huissier, banques etc…).

Permanences les premiers vendredi de chaque mois au 32 rue d’Arras à Moulins.

(Tract que nous diffusons actuellement sur Lille) – 13 mars 2013

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3 réponses à « L’humanité qui convient »

  1. Adé dit :

    « Groupe antifasciste de défense et d’entraide face au dispositif bureaucratique (caf, pôle emploi, cpam, huissier, banques etc…). »
    Je ne comprends pas le premier paragraphe.
    Je vais donc répéter : le fascisme n’est pas responsable de la situation faite aux prolétaires, ici et maintenant. Le fascisme est une idéologie, non un mode de production : à l’époque du fascisme réel (Italie mussolinienne, Espagne franquiste)ce n’était pas les fascistes qui exploitaient les prolétaires, mais toujours la classe capitaliste. Les fascistes étaient au pouvoir, les ministres étaient fafs, les généraux et chefs policiers pouvaient l’être, cependant certains d’entre eux ne l’étaient pas, simplement obéissant car faisant parti de la machine d’état, cet état, ces bureaucrates servant leurs nouveaux maîtres continuaient à servir l’état qui est une machinerie aux mains de la classe exploitante, et a le demeurer, c’est là sa définition même, sa fonction dans l’autoprésupposition. Cette fonction c’est de permettre à la classe capitaliste de reproduire l’ensemble du processus qui permet sa domination sociale, politique, culturelle, économique. Cette domination sociale, économique, culturelle c’est la machine-état. Le fascisme n’st pas en cause, d’ailleurs aujourd’hui où est-il?
    Le suicide par immolation de cet homme est directement lié à l’exploitation, aux conditions du prolétariat, des sans-réserves du moment actuel, ici au coeur de l’Europe. Là où coexistent, comme ailleurs, des conditions d’existence segmentées, des chômeurs, des précaires, des plus protégés, des femmes, des hommes. Des quartiers poubelles, des zones pavillionaires, des centres urbains pour couches moyennes, des banlieues, des ghettos pour riches et des clubs à millionnaires. C’est l’exploitation qui est à l’oeuvre.
    Vous devriez pouvoir vous passer de cette dénonciation d’un fascisme, qui n’est pas là, aujourd’hui ici et ailleurs la démocratie gère, elle est gérée par la classe capitaliste, c’est cette classe qui exploite, décide et condamne au rebut : « Avant de vendre sa force travail individuellement, c’est l’ensemble du prolétarait qui est la propriété de l’ensemble de la classe capitaliste »K.Marx.
    salutations
    Par la communisation.

  2. colporteur dit :

    L’exploitation, la domination mais aussi, du coté des révoltés, de ceux qui luttent, qu’être tué tué par la police n’est pas s’immoler, le fait d’en venir en retournant contre soi la violence socile subie pour se réapproprier sa vie à se supprimer.

    Un « Les Pieds sur Terre », sur France Culture, consacrée à Djamel Chaar, dont l’immolation par le feu a été caractérisée par François Hollande comme un « drame personnel » (sic) alors que 58% de chômeurs sont non indemnisés et que Pôle récupère 300 Millions d’euros par an auprès d’on ne sait combien de dizaines de milliers (centaines de milliers ?) de chômeurs :
    http://www.franceculture.fr/emission-les-pieds-sur-terre-djamel-immole-a-nantes-2013-03-25

    « Tout a été fait » avait aussi déclaré Michel Sapin après cette immolation, tout quoi ? Eh bien y compris cette belle mesure préventive destinée à nous faire renouer avec l’espoir, l’annonce d’une fausse hausse du RSA… voir
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=6461

  3. Adé dit :

    « C’est ainsi, silencieusement, que la société transpire le fascisme. »
    La question n’est pas « le fascisme », qui est une idéologie mais plutôt « l’exploitation » qui est le moteur de l’affaire sociale en cours.
    C’est ainsi que la société exsude l’exploitation.

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