[« Il fallait tirer les conclusions de l’affaire Merah »] Les responsables de l’« antiterrorisme » sarkozyste débarqués

Après l’affaire Merah, réorganisation et changements de têtes à la DCRI

La direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) poursuit sa mue, sous l’impulsion de son nouveau patron depuis juin 2012, Patrick Calvar. Le grand service de renseignement créé en 2008 se recentre inexorablement vers la lutte contre le terrorisme. Selon les informations du Monde, le décret réorganisant en profondeur la DCRI a été signé — mais il n’a pas été publié, puisque toutes les activités du service sont couvertes par le secret défense.

http://juralib.noblogs.org/files/2013/02/01.jpg

Patrick Calvar (à gauche) remplace Bernard Squarcini à la tête de la DCRI après en avoir été le numéro deux lors de la création du service, en 2008.

La sous-direction du contre-terrorisme, directement en cause dans les ratés du suivi de Mohamed Merah, a été renforcée, grâce au sacrifice d’une autre sous-direction, celle de la subversion violente. Une disparition qui provoque des interrogations dans le monde du renseignement, alors qu’une radicalisation de certains mouvements se fait sentir, à l’extrême gauche comme à l’extrême droite.

Le 5 novembre 2012, le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, avait défendu à Rome une plus grande coopération policière européenne face « aux formes de violence provenant de l’ultragauche, de mouvements d’anarchistes ou d’autonomes ». Pour défendre sa réforme, M. Calvar assure, selon plusieurs sources, que la proximité avec les spécialistes du contre-terrorisme permettra de donner plus de moyens aux policiers chargé du suivi des mouvements ultras, notamment en termes de technologies de surveillance.

Chez certains spécialistes du renseignement, l’argument provoque l’étonnement : « Ils ne bénéficiaient donc pas de tous les moyens auparavant ? », s’interroge l’un d’eux. Les opposants à cette suppression jugent au contraire qu’elle se situe dans la lignée de la lutte traditionnelle entre les deux services, qui, en fusionnant en 2008, ont donné naissance à la DCRI : les renseignements généraux (RG), et la direction de la surveillance du territoire (DST), dont M. Calvar est issu. « Calvar veut se débarrasser de tout ce qui reste des RG », assure une source proche du dossier. La lutte contre la subversion est effectivement issue de l’héritage « RG ».

« Tirer les conclusions de l’affaire Merah »

La nouvelle grande sous-direction a été confiée à Lucile Rolland, 48 ans. Elle a toute la confiance de M. Calvar dont elle était l’adjointe à la direction du renseignement de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), entre 2009 et 2012. Elle a précédemment occupé les fonctions de directrice de cabinet de Bernard Squarcini, lorsque ce dernier dirigeait la direction de la surveillance du territoire (DST), puis de chef d’état-major de la DCRI lors de la création du service. Bernard Squarcini a dirigé la DCRI de sa création jusqu’à ce qu’il soit démis de ses fonctions par Manuel Valls, le 30 mai 2012.

L’ancienne patronne du contre-terrorisme, Dominique Roulière, a donc été débarquée. Elle paye les erreurs commises par son service lors de l’affaire Merah, et notamment la mauvaise évaluation du terroriste par ses équipes à Paris, quelques mois avant les tueries de Toulouse et Montauban. Son nom circulait pourtant pour occuper de hautes fonctions en cas de retour de la gauche au pouvoir, mais plutôt dans l’hypothèse d’une nomination de François Rebsamen Place Beauvau.

La réorganisation de la DCRI suit également les conclusions du rapport Léonnet-Desprats sur les dysfonctionnements des services, rendu fin octobre 2012 au ministre de l’intérieur. Une inspection interne a été créée, et confiée à Michel Guérin, auparavant numéro deux de la DCRI.

« Il y a deux changements en cours à la DCRI, pas uniquement liés à l’affaire Merah, décrypte une source, Place Beauvau. La mise en place d’une meilleure coordination sur le terrain, de moyens supplémentaires, mais aussi un travail sur la qualité des agents, avec la nécessité d’avoir des experts dans différents domaines comme le cyberdjihad. Et puis évidemment, un changement de responsables à tous les niveaux. Certains doivent partir. Il fallait tirer les conclusions de l’affaire Merah. »

Publié par des larbins de la maison Poulaga (Laurent Borredon, blog du Monde « Vu de l’intérieur », 30 janvier 2013)

Ce contenu a été publié dans La police travaille, Violences policières et idéologie sécuritaire, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , , , , , , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.