[Restructuration sans fin] Remise en cause des indemnités chômage ?

Cour des comptes : La France est-elle trop généreuse avec ses chômeurs ?

Dans un rapport sur les politiques de l’emploi publié ce mardi, la Cour des comptes s’inquiète de l’avenir de l’assurance chômage qui cumule un déficit de 18 milliards d’euros. Elle met en cause des règles d’indemnisation particulièrement généreuses. Explications.

Encore une fois, la Cour des comptes appuie là où ça fait mal: alors que le chômage est en hausse continue depuis 19 mois — près de cinq millions de Français étaient inscrits fin novembre sur les listes de Pôle emploi —, la Cour préconise, dans un rapport très critique sur les politiques de l’emploi, publié ce mardi 22 janvier, de revoir à la baisse les règles de l’indemnisation des chômeurs.

Car la situation financière de l’assurance chômage s’est fortement dégradée depuis le début de la crise : l’endettement du régime est passé de 5 milliards d’euros en 2008 à 13,7 milliards fin 2012 et devrait s’élever à 18,5 milliards cette année, soit près d’un point de PIB. « Une telle tendance est insoutenable », prévient Didier Migaud, le président de la Cour des comptes.

La Cour rappelle que la convention d’assurance chômage actuellement en vigueur a été négociée en 2008, avant la crise, dans une période où le chômage était en décrue. Cette convention avait pour objectif de favoriser une meilleure couverture des chômeurs, notamment les plus précaires. Elle a abouti à un élargissement des conditions d’accès à l’indemnisation. Résultat : le régime français d’indemnisation du chômage est l’un des plus protecteurs d’Europe, autrement dit l’un des plus généreux.

Ainsi, alors que l’indemnisation est ouverte en France aux salariés ayant travaillé 4 mois sur une période de 28 mois, elle ne l’est en Allemagne ou en Italie qu’à ceux qui ont travaillé 12 mois sur une période de 24 mois. Et la durée d’indemnisation peut aller jusqu’à deux ans pour un chômeur de moins de 50 ans, trois ans pour les chômeurs de plus de 50 ans, contre un an en Allemagne, 10 mois en Suède ou 8 mois en Italie.

Le niveau d’indemnisation est aussi très favorable : le taux de remplacement du salaire antérieur, toutes prestations sociales confondues, est de 67,3%. Un niveau supérieur à la moyenne européenne (64,9%) et à la moyenne de l’OCDE (58,6%). Surtout, ce taux est très élevé pour les salariés situés aux deux extrémités de l’échelle des revenus : ceux disposant des revenus les plus élevés et ceux disposant des revenus les plus faibles. De plus, en France, l’indemnité maximum peut aller jusqu’à 6.161,29 euros par mois, un record absolu en Europe.

Le régime des intermittents une nouvelle fois pointé du doigt

La Cour des comptes épingle une nouvelle fois le régime des intermittents du spectacle, qui creuse le déficit de l’assurance-chômage d’un milliard d’euros chaque année au profit de seulement 3% des demandeurs d’emploi. Et n’épargne pas non plus celui des travailleurs intérimaires (1,7 milliard d’euros de déficit en 2011) dont les règles favorisent, selon le rapport, le dualisme du marché du travail entre CDI et précaires. Enfin, elle constate que près d’un chômeur indemnisé sur deux (45%) l’est aujourd’hui au titre d’une activité réduite, permettant de cumuler un emploi à temps partiel ou à durée déterminée et des allocations chômage. La Cour pointe du doigt le « risque » que l’assurance-chômage finance « un revenu de complément durable à des salariés en activité précaire ».

C’est pourquoi elle préconise de revoir l’indemnisation en activité réduite et de rendre plus coûteuses les cotisations pour l’assurance chômage dues par les employeurs sur les contrats courts (CDD et intérim). Elle réitère ses appels pour réformer les régimes des intermittents du spectacle, en distinguant notamment les règles applicables aux techniciens du spectacle et aux artistes. Elle propose enfin de mettre en place un taux de remplacement décroissant pour les niveaux de salaires les plus élevés, autrement dit d’abaisser le niveau des allocations chômage des hauts revenus.

Cette question de l’indemnisation des hauts salaires avait déjà fait débat en France en 2011. Cela concerne les cadres supérieurs, gagnant plus de 11.000 euros par mois. À l’époque, la CFE-CGC, le syndicat des cadres, était monté au créneau : « les cadres sont moins touchés par le chômage que le reste de la population active », expliquait alors son président Bernard Van Craeynest. Et comme les cotisations chômage sont un pourcentage fixe prélevé sur le salaire, plus le salaire est élevé, plus le montant des cotisations est important. « Les cadres coûtent au final moins cher que les autres salariés », nous confiait un porte-parole de l’Unedic.

La balle est désormais dans le camp des partenaires sociaux qui doivent renégocier d’ici la fin de l’année les règles d’indemnisation du chômage. Et dans celui du gouvernement, qui doit transposer dans la loi d’ici quinze jours l’accord interprofessionnel sur la réforme du marché du travail — accord prévoyant notamment de surtaxer les contrats courts. Il ne pourra pas non plus fermer les yeux sur les autres critiques de la Cour des comptes qui relève un effort « particulièrement insuffisant » pour former les chômeurs, des « résultats médiocres » des contrats aidés, une sous utilisation du chômage partiel ou encore une gouvernance publique et paritaire complexe et non coordonnée.

Presse esclavagiste (Émilie Lévêque, LExpansion.LExpress.fr, 22 janvier 2013)

Ce contenu a été publié dans Luttes des chômeurs et précaires, avec comme mot(s)-clé(s) , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à [Restructuration sans fin] Remise en cause des indemnités chômage ?

  1. AlerteRSA dit :

    Bonjour,

    Prenez connaissance de cette pétition RSA:

    http://www.petitionpublique.fr/PeticaoVer.aspx?pi=P2013N34650

    Diffusez cette pétition autour de vous

    Signez nombreux cette pétition.

    Merci

Les commentaires sont fermés.