[Lâchez tout] C’est bien foutu la société

Certaines personnes s’inquiètent du fait que la présence de « fugueuses » puisse nuire à la lutte. Nous ne chassons personne d’ici et nous ne kidnappons personne, nous ne forçons personne à rester ici, surtout pas les relous qui se sentent obligés de faire acte de présence. En l’occurence, à propos des violences subies par la famille de Camille venue la chercher, il convient de donner quelques éléments de contexte, commodément oublié dans les récits des médias et notamment de la presse écrite. Des récits entendus de témoins oculaires directs de la scène, Camille ne souhaitait pas suivre ses parents. Ceux-ci la forçaient physiquement à les suivre quand des personnes sont intervenues et que le ton est monté.

Ce qui nuit à la lutte, ce sont ceux qui se réapproprient tout et à n’importe quel prix, c’est parfois l’alcool, le manque de communication, les crises d’ego sur-aigues, le sexisme, l’homophobie entre autres, les journalistes « suceurs de sang », le non respect de tous les êtres vivants et celui des décisions personnelles de chaque individu.

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Pour en revenir à Geneviève, nous ne pouvons pas lui imposer de rentrer chez elle, de lui dire qu’elle n’est pas la bienvenue, parce que c’est faux, en tout cas, aux dernières nouvelles, elle aurait pris la décision de partir pour ne pas voir tout un bataillon de soldats venir la chercher, ne pas avoir à être mise de force dans une voiture ou subir un interrogatoire. Et pour ceux qui s inquièteraient vraiment trop, on vient de recevoir cette information :

« Pour le procureur de la République Jacques Louvier, la décision de Geneviève de rejoindre Notre-Dame-des-Landes n’a rien d’un coup de tête : « L’audition (de Camille ndlr) confirme qu’il s’agit d’un acte réfléchi, pensé, qui répond à un engagement ». Les deux adolescentes « avaient parlé de leur projet d’aller rejoindre les opposants à la construction de l’aéroport à leurs proches. Elle défend son idéal », a-t-il poursuivi. Ainsi, ramener la jeune fille de force alors qu’elle a mûri son projet pourrait conduire à une détérioration des relations avec sa mère, a estimé le procureur. »

M. Valls a aussi déclaré « qu’il serait dangereux « d’envoyer des gendarmes » pour récupérer Geneviève à Notre-Dame-des-Landes. Les relations entre les opposants au projet d’aéroport et les forces de l’ordre sont déjà tendues à l’extrême. »

Ouais elles sont super tendues les relations, d’ailleurs Manuel, si tu pouvais dire à tes gendarmes de garde de quitter la zone, ça nous ferait des vacances

(Encore) À propos des « fugueuses », on a reçu ce texte, qui détaille un autre aspect du monde qui va avec cet aéroport et contre lequel on lutte : La domination des adultes sur les « enfants »/ »mineurs » :

En France, la majorité pénale, au sens strict, est fixée à 18 ans.
Mais, par abus de langage, beaucoup la font commencer bien plus tôt, à 13 ans, voire à 10 ans, car à compter de cet âge, l’enfant fautif est pris en charge par la justice de façon personnelle.
Concrètement, le mineur reconnu coupable d’infraction fait l’objet :
• à partir de l’âge de 10 ans : de mesures de protection, de surveillance et d’éducation ;
• à partir de l’âge de 13 ans : de sanctions éducatives (notamment dans des centres éducatifs fermés) et, exceptionnellement, de peines d’emprisonnement en centre de détention spécial.

Source : service-public.fr

C’est bien foutu la société

Ah les grand-es moralisateurices s’en donnent à cœur joie, des milliers de fugues passent inaperçues, mais l’envie de vivre autre chose de deux jeunes fait la une de l’actualité. Un peu comme pour les otages, quand il s’agit de journalistes la corporation s’en inquiète quotidiennement, mais il suffit qu’illes soient libéré-es pour que l’actualité devienne hebdomadaire pour les autres, autant dire insignifiante, il en ira de même des fugueureuses.

Dans ce cas d’ailleurs peut on parler de fugue ? Une fugue c’est une fuite, un échappatoire, la nécessité à moment donné de quitter un quotidien qui vous étouffe, qui vous opprime, pour aller ailleurs, n’importe où. Quelqu’un parmi les journalistes qui se perdent en délire collectif, s’est-il posé la question de savoir si ces jeunes n’ont pas plutôt souhaité-es faire un voyage, vivre autre chose, se laisser guider par leurs désirs ? Sans les connaître, sans les avoir croisé, j’attendrai que Camille et Geneviève précisent si pour eulles c’était une fugue ou une vogue.

En tous cas il semble que leur voyage réponde à au moins un des slogans entendu dans la lutte contre le projet d’AGO :  »en finir avec leur monde » et ce monde s’articule autour de la famille nucléaire, privant les moins âgés de libre choix, les plaçant sous la tutelle de parent-es, des jeunes jugé-es incapables de discernement pour ce qui concerne leurs envies de rencontre, d’évasion, d’éducation, etc… Sauf dans un cas, si illes commettent un délit pénal. Là c’est pas tout à fait pareil, si illes font une connerie ce ne peut être à cause de l’environnement familial, ce ne peut être à cause de leur environnement social de merde, la seule possibilité c’est qu’illes soient responsables individuellement, leur environnement pourra être une circonstance plus ou moins pénalisante, mais c’est eulles seul-es qui en seront responsables. Imaginons que Geneviève et Camille, aient plutôt choisi-es dans leur périple de vivre de chapardage, prenant à droite et à gauche dans quelques commerces de quoi subsister et qu’illes aient déjà été en contact avec la justice pour des faits identiques. Illes seraient des délinquant-es récidivistes, pénalement responsables. Illes auraient la porte du cachot ouverte et les grand-es moralisateurices du moment en appelleraient à la sévérité de la  »justice ».

Et oui chères camarades, selon eulles, vous êtes assez âgé-es pour vivre en prison mais bien trop jeunes pour vivre libre. Vous ne pouvez vous résigner à ce constat ? Si c’est le cas, tant mieux et je suis de tout cœur avec vous, mais cette lutte est encore bien plus difficile à mener que celles des zadistes, c’est une lutte permanente, totale, contre tousses et d’abord contre soi-même, contre ce qu’on veut nous inculquer ou qu’on nous a inculqué. Des prisons il y en a de toutes sortes, famille, école, usine, morale, … vouloir les détruire est un combat de toute la vie.

Si les réactions journalistiques sont si violentes, si les commentaires sur les blogs ou sites  »d’infos » sont si durs, c’est parce que Geneviève et Camille ont osé-es remettre en cause la famille et leur dépendance à l’autorité parentale, illes ont osé-es proclamer qu’illes étaient en droit de choisir ce qu’illes voulaient faire de leur vie, librement. Illes ne sont pas mineur-es, mais aptes à faire les choix qui les concernent, vitalement responsables. Les familles s’inquiètent nous dit-on, heureusement qu’illes s’inquiètent, illes ont décidés que c’est d’eulles que devait venir l’éducation apportée aux plus jeunes et illes n’ont jamais pensé-es à leur apprendre à vivre libre, illes n’ont jamais pensé-es à leur expliquer ce que pourrait être le quotidien sans eulles, illes s’inquiètent parce que ces deux jeunes ne sauraient pas (selon eulles) se débrouiller, se protéger, … Illes s’inquiètent parcequ’illes ont pris soin de ne pas leur apprendre tout ça. Pour les garder égoïstement sous leur aile, pour conserver leur pouvoir, illes les ont privé-es de ces confrontations à l’indépendance, illes leur ont appris à se prononcer en fonction des choix qu’illes leur proposent, sans jamais les avoir associé-es à la définition de ces choix, ou alors simplement sur des sujets secondaires.

Illes s’inquiètent surtout, parce que les unes et les autres se rendent compte, qu’en fait les jeunes n’ont pas besoin d’eulles, que les parent-es ne sont utiles aux jeunes que tant qu’illes n’ont pas la possibilité de se nourrir par eulles-mêmes (et encore ce pourrait être aussi un besoin assumé par la société, comme cela c’est apparemment passé pour Camille et Geneviève, nourri-es par le partage de dons de tous horizons).

Ce qui alimente la déferlante de commentaires haineux, moralistes et finalement très cons, sur la toile, c’est la peur de tousses ces  »adultes » qui voient bien que la supercherie de l’autorité parentale est ici mise au grand jour, en pleine lumière. Illes voient bien que rien ne peut empêcher une personne quel que soit son âge de partir. Pourquoi faut-il  »ne pas laisser les enfants sans surveillance » ? Parce que sinon illes se rendraient compte de l’inutilité de la famille, illes se rendraient compte qu’illes peuvent se laisser guider par leurs désirs. Le problème étant que personne aujourd’hui ne les a éduqué à mesurer les risques, à faire attention, à évaluer une situation  »hors cadre familial », … L’éducation se borne à apprendre à respecter l’autorité, à travailler, à apprendre des choses dont la plupart d’entre nous n’ont que faire. Rares sont les adultes qui préparent les enfants à l’indépendance, illes sont éduqué-es à être autonome dans une société de juges, de patron-nes, de représentant-es, … une société de flics.

On nous parlera sans doute bientôt de risque d’acte pédophile auxquels les deux ami-es se sont exposé-es, sans jamais remettre en cause le pouvoir que se donnent les  »adultes » sur les  »enfants » ou les  »hommes » sur les  »femmes », comme partie responsable de ces actes, sans jamais se poser la question de savoir si l’éducation au respect total des choix de chaque personne petite ou grande, ne serait pas la meilleure protection à toutes les violences auxquelles sont exposées les individu-es jugé-es plus faibles.

Vous le savez aussi Geneviève et Camille, tout le monde a accès à toute la pornographie possible sur internet ou à la télé, illes mettent le sexe au centre de toutes relations, mais c’est votre choix de route qui va être jugé irresponsable. Que voulez-vous, la pornographie leur rapporte beaucoup de fric, votre liberté zéro. Vous n’avez pas le droit d’avoir des envies, des désirs qui sortent de ce qu’illes estiment de  »bonne morale » si ça ne leur rapporte rien, le flirt hétéronormé à la limite, mais pas plus, vous verrez les moralistes réactionnaires, vont vous le rappeler très bientôt, avant d’aller se branler devant la dernière vidéo XXX, ou de retrouver leur amant-e hors de leur  »famille », noyau familial sacré quand ça les arrange (certain-es même y accompliront des fantasmes bi ou homosexuel à deux ou plus, soyez-en sûr-es).

On pourrait discourir encore longtemps sur ce que Geneviève et Camille, parmi tant d’autres mettent en lumière par leur choix et la façon dont illes ont mené-es leur périple, tous ce que leur expérience met en lumière comme carences dans  »la bonne éducation », comme carences dans la société, mais pour moi un fait est certain, cette vogue [si il s’agit bien d’une vogue (?)] autonome et autant que je puisse en juger organisée, est une pierre (et pas la moindre), de la fin de leur monde !!

Merci les copaines 😉 kmilles sabords

Zone À Défendre, 31 décembre 2012

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7 réponses à [Lâchez tout] C’est bien foutu la société

  1. Ping : [A propos des deux camarades "fugueuses" de NDDL, de la société partriarcale et médiatique] Saines et sauves | blog du collectif de lutte contre l'aéroport de Notre Dame des Landes

  2. La Sulfateuse dit :

    @ Rashalak « la critique de la famille, de l’autorité parentale et de la prison » il ne s’agit pas de ça dans cet article mais plutôt d’une bête instrumentalisation de fait divers dont on ne sait rien.
    Si tu veux vraiment du « fait divers », t’a qu’à raconter ta propre vie, pour ma part ces histoires d’ado fugueuses je veux bien les entendre de leur bouche si je les croise, mais les voir déballés comme ça sur un site censé être un site d’info militante, perso, ça me fout mal à l’aise.

  3. Rashalak dit :

    Effectivement, la critique de la famille, de l’autorité parentale et de la prison, sur un site anarchiste, on s’en bat carrément la race.

  4. chub dit :

    Effectivement, à priori, on s’en bat la race. Mais les débats suscités par cette non-information permettent de rebondir, je pense. Ainsi, remettre un peu le libre-arbitre des jeunes sur le devant de la scène est intéressant…

  5. La Sulfateuse dit :

    Pourquoi on nous parle de cette histoire sur des sites militants ?
    On s’en bat la race non ?

  6. Ping : [Du droit à la liberté ! Lâchez tout !] C’est bien foutu la société pour vous dire ce qu’il est bien de faire…belle hypocrisie ! A propos du montage médiatico-parano-paternaliste autour des camarades « fugue

  7. Ping : Système scolaire/Jeunesse/Âgisme | Pearltrees

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