[Chronique de Youv derrière les barreaux] « Ressortir en un seul morceau était mon obsession trop de frères ont été retrouvés froids morts sur le sol pour éviter leur sanction disciplinaire, parfois aidés par un porte-clés en période de règles LOL »

http://juralib.noblogs.org/files/2012/09/0513.jpg[31 mai 2012]
45 jours de mitard

La bougie se consume comme le temps que je fume au mitard sanction disciplinaire 45 jours isolé, au lieu de me détruire ils ont construit un guerrier.

Sombre j’y ai perdu des plumes j’avoue dans l’obscurité j’ai lâché des larmes de sang l’avantage d’être dans le noir c’est que tu vois pas l’insalubrité de ton logis les yeux fermés. Des larmes de sang séché trahissaient ma colère contenue dans des séries de pompes, pas un mot pendant un mois et demi solidarité des compagnons de lutte ils me faisaient parvenir des aliments finement taillés préparés en tubes pour qu’ils passent dans les minuscules trous du grillage, [une] rallonge électrique de trois mètres vidée au préalable me servait de paille de cellule en cellule pour boire.

Trop de fierté pour demander de l’aide à mes bourreaux ressortir en un seul morceau était mon obsession trop de frères ont été retrouvés froids morts sur le sol pour éviter leur sanction disciplinaire, parfois aidés par un porte-clés en période de règles LOL je ris jaune pour cacher ma rancune, les jours te semblent interminables dans leur cave disciplinaire pour compagnie une feuille un stylo pour rester en contact avec les proches et leur décrire ton univers dégueulasse lettres sous haute surveillance quand ton récit est trop proche de la réalité il te le font disparaître comme par magie à la douane, donc j’ai détourné feuille et stylo de son usage traditionnel pour coucher sur ma feuille la réalité crue deviens donc carnivore l’espace d’un moment et savoure ma vérité en temps réel.

Ne doutez en aucun cas de mes récits car c’est pire encore en réalité, promenade sur le toit d’la prison comme un corbeau comme acolytes porte blindée grillage et barbelés au-dessus de la tête ça fait les cent pas je me suis cassé la voix à chanter des chansons à tue-tête pour couvrir le bruit sourd des portes qui claquent mon public des murs froids sales remplis de tags d’ex-portionnaires qui ont tatoué leur nom dans cet endroit, mais il y a un dicton de taulards qui dit « si tu écris ton nom en taule bah tu viendras l’effacer ».

Une heure pas plus ensuite retour dans ta tombe qu’ils ont pris plaisir à retourner pendant ton absence, les courriers de tes proches ont une valeur inestimable que tu relis trois cents fois en dix minutes douche chronométrée un par un l’un derrière l’autre dix minutes seul lieu commun donc on y dissimule nos maigres aliments qu’on cache derrière des tuyaux rouillés pour que celui qui te précède le récupère. La solidarité fait tenir dans les toilettes de la République.

J’ai entendu en pleine nuit des mecs hurler de douleur quand ils perdaient la raison, moi blotti sous ma couverture qui me grattait je me suis juré de ne pas péter les plombs rester lucide face à la sanction disciplinaire qui n’a de but que te briser.

Mais Dieu merci jusqu’ici je tiens mais comme vous savez le plus important c’est pas la chute mais l’atterrissage.

[La Chronique de Youv derrière les barreaux est disponible en téléchargement gratuit sur le site des Éditions Antisociales. Elle est à suivre sur le compte Facebook dédié.]

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