Des associations de malades financées par les labos
La Haute Autorité de santé s’est penchée sur le financement des associations de malades. Pour certaines d’entre elles, les dons des firmes pharmaceutiques représentent des sommes importantes. De quoi susciter, à tort ou à raison, des doutes sur leur indépendance.
Les associations de malades sont-elles vraiment neutres et indépendantes, notamment vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique qui les finance en partie ? Pour en avoir le cœur net, la Haute Autorité de santé (HAS) s’est penchée sur les dons qu’elles reçoivent et qu’elles ont l’obligation de déclarer, ainsi que leur provenance, depuis la loi Bachelot de 2009. Le Parisien a livré ce vendredi matin [12 octobre] les principales données recueillies par la HAS pour la seule année 2011 et qui doivent être consignées dans un rapport à paraître prochainement.
Il en ressort que les laboratoires se montrent particulièrement généreux envers le tissu associatif. C’est notamment le cas de Johnson & Johnson qui a versé 638.500 euros, l’an passé. Soit le double d’Abbott (329.430 €) et GSK (299.155 €), suivis assez loin derrière par Bayer (148.400€). Ces « cadeaux » substantiels, qui ne seraient que la partie émergée de l’iceberg — les dons indirects (prise en charge de salaires notamment) n’ont pas été pris en compte — sont-ils vraiment désintéressés ? Pourquoi les associations de malades les acceptent-elles au risque de brouiller leur image ?
Se financer, un problème ancien
Elles « ont besoin de vivre et ce n’est pas avec les seules cotisations de leurs membres qu’elles peuvent s’en sortir, explique au Parisien le président de la HAS, Jean-Luc Harousseau. Quant au financement public de ce secteur, il reste beaucoup trop faible. Les associations sont donc obligées de s’en remettre — parfois en grande partie — au secteur privé. »
Le problème ne date pas d’aujourd’hui : l’insuffisance des aides d’État avait été l’une des principales motivations de la création du Téléthon par l’Association française contre les myopathies (AFM) en 1987. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir reçu, l’an passé, 142.538 € provenant de divers laboratoires pharmaceutiques.
Selon les chiffres de la HAS, les cinq principales bénéficiaires des largesses de l’industrie du médicament étaient, en 2011, l’Association française des diabétiques (521.922 €), l’Association pour la lutte contre le psoriasis (369.836€), Asthme & Allergies (315.116 €), l’Association française des hémophiles (309.879 €) et la Fédération Aides (220.000 €).
« Gare à la manipulation »
Généralement, les laboratoires soutiennent les associations lorsqu’ils produisent un ou plusieurs médicaments destinés aux malades qu’elles représentent. Même si les associations gardent leur indépendance, notamment dans le contenu de leurs publications et le choix de leurs actions, il est clair que la communication faite autour de certaines pathologies ne peut qu’avoir un effet positif sur les ventes. Ce qui n’est pas sans créer un certain malaise.
En plaidant pour un « rééquilibrage du financement » des associations « entre le public et le privé », Jean-Luc Harousseau se défend de vouloir jeter le discrédit sur ce secteur. « Les représentants des malades font un travail formidable, avec des militants dévoués. Mais il faut veiller à ce qu’ils ne soient pas manipulés », conclut-il.
Presse pathologique (Marc Mennessier, LeFigaro.fr, 12 octobre 2012)