Tunisie : les heurts reprennent à Siliana, la crise menace de s’étendre
Des heurts ont éclaté samedi pour le cinquième jour consécutif à Siliana, épicentre de la colère des Tunisiens face aux espoirs déçus deux ans après la première révolution arabe, et la crise menaçait de s’étendre, des violences ayant été signalées dans d’autres régions.
Comme les deux jours précédents, une centaine de jeunes ont attaqué les policiers à Siliana, 120 km au sud-ouest de Tunis, à coups de pierres, et un agent a été blessé à la tête, selon une journaliste de l’AFP.
Les forces de l’ordre ont répliqué avec de grandes quantités de gaz lacrymogènes, et les protestataires bâtissaient à nouveau des barricades de pneus et de branches enflammées.
Selon des témoins, à une vingtaine de kilomètres plus à l’est, des habitants de Bargou ont barré une route et jeté des pierres sur des véhicules de la police qui a répliqué avec des gaz lacrymogènes.
Signe des tensions croissantes, des heurts ont également eu lieu dans la nuit de vendredi à samedi entre des manifestants disant soutenir les habitants de Siliana et des policiers au Kef (nord-ouest) et à Sbeïtla (centre-ouest, région de Kasserine), selon des médias locaux et des témoins.
Ces villes, respectivement à 70 km à l’ouest et à 120 km au sud de Siliana, sont considérées comme des points de tensions importants. Comme Siliana, elles sont situées dans l’intérieur de la Tunisie, zone marginalisée où les manifestations avaient été violentes lors de la révolution de 2010-2011.
À Siliana, l’armée s’est retirée de la ville à la demande de la police, selon des sources interrogées par l’AFP, alors que la population avait favorablement accueilli la venue des militaires, la police étant accusée d’usage excessif de la force.
« L’armée a proposé de venir et assurer la sécurité pendant quelques jours, mais le ministère de l’Intérieur a refusé », a expliqué un policier à l’AFP, des propos confirmés par deux de ses collègues.
Le gouvernement, dirigé par les islamistes du parti Ennahda, a exclu de céder à la pression de la rue.
Des négociations sont néanmoins en cours à Tunis avec la principale centrale syndicale, l’UGTT, qui réclame la démission du gouverneur de Siliana, un plan d’aide économique et le retrait des renforts policiers.
La présidence veut un nouveau gouvernement
Alors que les crises se succèdent depuis l’été, le président Moncef Marzouki a appelé vendredi soir à la formation d’un gouvernement restreint à même de stabiliser le pays, le cabinet actuel se montrant incapable de répondre aux attentes de la population, selon lui.
Le ministre des Droits de l’Homme et porte-parole du gouvernement, Samir Dilou, a jugé ces déclarations « dangereuses » tout en indiquant que la proposition était examinée.
Le discours du président « comporte plusieurs points importants et dangereux qui seront discutés au sein du gouvernement dans les prochaines heures », a-t-il dit, selon l’agence officielle TAP.
Le chef de l’État, un laïc allié aux islamistes, n’a pas le pouvoir de remanier le gouvernement, mais il a indiqué avoir « peur » que les violences, déclenchées par l’exaspération de la population face à la misère et au chômage, ne s’étendent.
Ces questions étaient au cœur de la révolution de janvier 2011 qui avait marqué le début du printemps arabe. Mais l’économie, minée par l’insécurité et la crise de la zone euro, son principal partenaire commercial, peine à se rétablir.
Ces troubles interviennent à l’approche du deuxième anniversaire, le 17 décembre, du début de la révolution tunisienne, déclenchée par l’immolation d’un vendeur ambulant de Sidi Bouzid (centre-ouest).
Outre les manifestations sociales, les attaques menées par des groupuscules salafistes se sont multipliées ces derniers mois. Parallèlement, la Tunisie est plongée dans une impasse politique, sans compromis en vue sur la future Constitution.
Publié par le savoir-faire français (Agence Faut Payer, 1er décembre 2012 à 10h10 – mis à jour à 16h01)
Accord entre le gouvernement tunisien et les syndicalistes à Siliana
Le gouvernement tunisien et les syndicalistes de l’UGTT ont annoncé, samedi 1er décembre, avoir trouvé un accord afin de pacifier la région de Siliana, théâtre de violences depuis cinq jours, et qui prévoit la mise à l’écart du gouverneur régional.
« Le premier délégué du gouvernorat (l’adjoint du gouverneur) est chargé de diriger le gouvernorat en attendant la prise des décisions adéquates par les autorités », a annoncé à la presse Mohamed Ben Salem, le ministre de l’agriculture et représentant du gouvernement aux négociations. « Les deux parties ont convenu de travailler pour obtenir une accalmie », a-t-il ajouté, précisant que des mesures allaient aussi être prises pour permettre le développement économique de la région, une autre des revendications des habitants.
Le gouverneur de la région de Siliana, Ahmed Ezzine Mahjoubi, dont les manifestants réclamaient la démission, reste ainsi à son poste comme le voulait le gouvernement, mais il n’exercera pas ses prérogatives. « C’est un pas positif en attendant des mesures concrètes », a déclaré Belgacem Ayari, le secrétaire général adjoint de l’UGTT, principal syndicat du pays. M. Ayari a cependant insisté sur la nécessité d’ordonner le retrait des renforts policiers à Siliana, qu’il juge responsables des violences des cinq derniers jours. « Ils ont provoqué les habitants », a-t-il insisté. (…)
Publié par le savoir-faire français (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 1er décembre 2012 à 15h31 – mis à jour à 17h28)