Des libertaires au parlement catalan ?
Ce dimanche 25 novembre, le gouvernement nationaliste catalan de droite (CiU) a convoqué des élections anticipées au parlement catalan. Jusqu’ici rien d’exceptionnel, mais avec le terrible contexte social de crise et le gouvernement espagnoliste du PP à Madrid, l’historique tension entre la Catalogne et Madrid s’est énormément accentuée. Le 11 septembre, plus d’1 million de personnes (pour un pays de 6 millions d’habitant-e-s) manifeste pour réclamer l’indépendance. La clameur populaire est aussitôt reprise à son compte par le gouvernement, comme un parfait écran de fumée pour masquer les sujets sociaux brûlants (accès au logement, à la santé, à l’éducation ou corruption de la classe politique). La manœuvre semblait profiter surtout aux gouvernements de droite catalan et espagnol très largement critiqués notamment avec la grève générale massivement suivie du 25 novembre dernier, chacun s’accusant mutuellement d’être responsable de tous les maux du pays. Bref, ces élections étaient considérées comme les plus importantes depuis la chute de Franco et pouvant marquer un tournant dans la vie politique nationale.
Un parti « anti-parti » ?
Dans ce contexte d’exception, la CUP (Candidatura de unitat popular) a décidé de se présenter pour la première fois aux élections nationales quand jusque-la elle participait seulement aux élections municipales. Ce parti s’inscrit dans un mélange de marxisme hétéroclite, de lutte de libération nationale (semblable à ce qui peut exister au Pays Basque, la lutte armée en moins) et de municipalisme libertaire. Le fonctionnement est assembléaire, les députés/délégués sont soumis à une consultation permanente de la base, se revendiquant de la démocratie directe. Les candidat-e-s choisi-e-s sont pour la plupart issus des mouvements sociaux. Ainsi David Fernandez, la tête de liste est un des journalistes de la Directa, hebdomadaire des luttes locales, et s’est fait connaître notamment pour dévoiler de nombreux cas cas de corruption. il est également militant de base du mouvement coopérativiste autogestionnaire, insoumis, proche des squats, membre de la Coordination pour la prévention de la torture et participant de tous les combats de ces 15 dernières années…
Enthousiasme, doutes et critiques
Et là, le débat classique de participer ou non au spectacle des élections a pris un tournant assez étonnant. De nombreux révolutionnaires — qu’illes soient libertaires, autonomes, communistes, participant-e-s du 15M — ont ainsi soutenu publiquement la campagne de la CUP comme le fait ici un militant du 15M : « La CUP ne nous représente pas, puisque personne ne nous représente. La CUP n’est ni l’avant-garde ni la courroie de transmission des mouvements. Simplement c’est une partie des mouvements. Ses militant-e-s participent au jour le jour dans les luttes pour le logement, les services publics, le coopérativisme, le féminisme, l’écologie, le mouvement de voisin-e-s. Les mouvements lui exigeront, comme jusqu’ici, que ça ne soit pas une participation intéressée et électoraliste ; pour ce que je connais de la CUP le principal risque n’est pas celui-ci, sinon qu’en cas de succès, les énergies de nombreuses personnes se concentrent sur le travail parlementaire au lieu de continuer de participer d’autres espaces. L’entrée au parlement, illes l’ont présenté comme une expérimentation de laquelle apprendre. Illes veulent être une caisse de résonance qui dialogue directement avec les mouvements sociaux depuis le respect pour l’autonomie de ceux-ci. »
De nombreuses voix se sont également fait entendre pour rappeler que dans l’histoire de nombreux camarades libertaires ont tenté l’aventure parlementaire et que celle-ci s’est souvent soldé par un échec ou par une récupération par le pouvoir. De nombreux doutes planent sur la capacité de la CUP de ne pas tomber dans les travers de la démocratie représentative avec ses leaders professionnels de la politique, ses débats politiciens et sa logique éléctoraliste.
En tout cas, il est fort à parier que les révolutionnaires n’avaient pas participé aussi massivement aux élections ici depuis les années 30. Le résultat c’est que trois personnes parti prenantes des luttes sociales se retrouvent désormais avec un siège de député. À charge pour eux de se maintenir intègres et combatifs dans le « cœur de la bête » et pour les mouvements de ne pas attendre que le changement vienne du parlement.
Sans-titre-diffusion, 26 novembre 2012