Mine d’or de SYAMA : Les 23 villages de la commune s’érigent contre les « discriminations économiques »
Du 8 au 11 novembre 2012, la mine d’or de Syama, qui était à feu et à sang, affichait fidèlement l’image de la galerie de Marikana en Afrique du Sud. En effet, les 23 villages de la commune rurale de Syama ont bloqué les voies d’accès à la carrière pour s’ériger contre ce qu’ils appellent les discriminations économiques, notamment dans la rétention de richesses et emplois générés par la société. Du coup, les forces de sécurité débarquent sur les lieux et ouvrent le feu sur les populations, après l’échec des négociations pour lever les barricades. Le bilan de la fusillade : 10 blessés et deux morts parmi les villageois.
Le soulèvement à la mine d’or de Syama est dû à la réaction des habitants des 23 villages de la commune, victimes de discriminations économiques lors du recrutement de la main-d’œuvre non qualifiée pour l’électrification de la mine. Mais aussi du manque de respect du directeur chargé du développement communautaire, Lamine Sarré, à l’endroit des femmes de la communauté qui, lors d’une révolte, a traité les femmes de la commune « d’incapables de mettre au monde un enfant comme lui né d’une bonne mère », à cause de « leur mauvais comportement à l’égard de leurs époux ». C’est dans cette situation que des notables de la localité se sont rendus au domicile d’Arouna Coulibaly de la société « SAER » pour avoir des explications sur l’exclusion des ressortissants de la commune et le non-respect du quota de recrutement pour la communauté. Sur 82 personnes, seulement 4 de la commune ont été retenues. Sur ce nombre, une personne a été recrutée dans des conditions douteuses.
La tension monte d’un cran
Après l’altercation qui s’en est suivie, trois jeunes d’entre eux ont été arrêtés sur plainte d’Arouna Coulibaly. Du coup, les 23 villages de la commune de Syama s’organisent pour occuper les voies d’accès à la mine au niveau du rond-point situé à l’entrée de la carrière. Ils exigent alors la relaxe des trois détenus et le renvoi sans condition du Directeur du développement communautaire et directeur par intérim chargé des ressources humaines, Lamine Sarré. Pour désamorcer le mouvement, le Préfet avait convaincu le Juge de paix de Kadiolo, Amadou Samba Cissé, de libérer les jeunes. Mais après avoir pris connaissance du rapport de la Gendarmerie, le Juge s’est abstenu d’honorer l’engagement pris. Alors, les ressortissants de la commune se sont organisés pour occuper les voies jusqu’à la satisfaction de leurs doléances. C’est ainsi qu’ils ont pris des dispositions pour assurer leur approvisionnement et la cuisine sur place par les femmes, en attendant la poursuite des négociations à un niveau plus élevé. Le mouvement était composé de jeunes dont certains étaient armés de fusils de chasse, de femmes et d’enfants. Selon les membres de la communauté des localités, des chasseurs, sur la demande des chefs de village, avaient été désignés pour assurer l’encadrement du mouvement et la protection des manifestants 24 heures sur 24. Mais comme les populations ne juraient que par la satisfaction de leur demande, la situation a dégénéré en une confrontation entre les chasseurs et les forces de sécurité dont le bilan est de 2 morts et 10 blessés. Et le directeur de cabinet du gouverneur de région de Sikasso, Sidiki Konaté, de confirmer qu’après une nuit à l’hôpital, trois des blessés parmi les forces de sécurité ont rejoint leur domicile. Cette information est confirmée par l’Adjoint au Commandant du camp de la Garde nationale de Sikasso, le Capitaine Mahmoud, qui explique que l’agent de sécurité grièvement blessé se trouve à l’hôpital de Kati. Selon les membres de la communauté de Syama, le nombre limité de blessés parmi les services de sécurité est dû au fait que les quelques chasseurs choisis étaient présents pour assurer la protection des participants au mouvement et la sécurité des mines. À les en croire, les populations ne s’attendaient pas à l’usage des armes qui a été ordonné suite à l’échec des négociations avec les autorités locales. « La perte de confiance dans l’administration était perceptible, et la communauté ne se laissera pas surprendre la prochaine fois », avertissent quelques habitants. Selon la communauté des localités de Syama, plus de 71 agents de sécurité ont fait usage d’armes et de gaz lacrymogènes.
Le groupe « Joko ni Maaya » averti
Pourtant, le groupe « Joko ni Maya », qui s’est rendu sur le terrain, a attiré l’attention des autorités maliennes sur les discriminations économiques qui sont à la base du mouvement de la localité de Fourou et qui risquent de devenir source de rébellion armée. Et c’est effectivement la mauvaise appréciation du niveau d’indignation et de détermination de la communauté qui a conduit à cette situation qui s’est soldée par ce bilan qui aurait pu être très lourd des deux côtés. Le groupe « Joko ni Maya » attribue cette situation de morts d’hommes au système de mauvaise gouvernance, notamment la gouvernance administrative et politique caractérisée par le disfonctionnement de l’administration et l’opacité dans les relations. S’y ajoutent la gouvernance économique et d’entreprise qui a corrompu les valeurs sociétales et culturelles dans un milieu caractérisé par la dépossession de la communauté des terres agricoles et minières sans lui assurer une sécurité économique par la participation au capital de la mine de Syama et au programme de formation à l’employabilité, enfin la gouvernance régionale et globale qui permet aux investisseurs institutionnels étrangers de développer leur capacité d’accumulation de richesses à partir des multinationales ayant dépossédé le Mali de ses richesses et réduit les populations à la pauvreté. Pour toutes ses raisons, le président du groupe « Jojo ni Maya », le Pr Abdoulaye Niang, recommande urgemment d’engager des négociations avec la communauté des localités de Syama pour rétablir la confiance perdue, de relaxer les trois jeunes détenus et d’ouvrir une enquête complète sur les causes et conséquences du mouvement du 8 au 11 novembre dernier à la mine d’or de Syama. En attendant, le feu couve sous les cendres à Syama, et le groupe « Joko ni Maya » propose l’affectation immédiate de Monsieur Sarré par exemple au siège de la compagnie à Bamako suite à l’agression verbale qu’il a lancé contre les femmes de la communauté des localités. Aussi, le groupe propose une mission multidisciplinaire de haut niveau pour rencontrer toutes les parties prenantes afin de désamorcer la crise. À bon entendeur salut !
Presse chercheuse d’or (Jean Pierre James, Le Combat, 24 novembre 2012)