[Copwatch] La police travaille à Poitiers

Manque de moyens dans l’Éducation Nationale
À Poitiers les inspections pédagogiques des profs de philo se font dorénavant par la police

JF est un prof de philo bien connu des services de police pour ses engagements politiques. Le 10 mai dernier, il a eu l’outrecuidance d’illustrer le propos de l’un de ses cours sur la question de l’État en faisant visionner à ses élèves un document vidéo sur l’expulsion brutale par la police, le 2 avril dernier, d’un campement de sans logis et mal logés mis en place depuis le 30 mars sur le parvis de Notre Dame à Poitiers.

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Juste après le bac il a été convoqué par son chef d’établissement qui l’a informé qu’il y aurait une plainte de parent(s) d’élève(s) auprès du rectorat. Il fut tout étonné d’apprendre que lors de la projection du document, il aurait fait des arrêts sur image et donné le nom des policiers qui expulsaient violemment le campement des sans-logis et mal-logés. Ses élèves auraient reconnu le père d’une élève et seraient allés « faire des remarques désobligeantes » à cette dernière.

Comme il fallait s’y attendre, l’enquête administrative a tourné court puisque deux élèves ont témoigné que, si le document avait bien été diffusé, c’était dans le cadre du cours et que l’enseignant n’avait ni fait des arrêts sur image ni donné les noms des policiers. D’ailleurs il n’aurait pas eu besoin de le faire puisque, le hasard faisant bien les choses, c’étaient ces deux élèves qui avaient reconnu le policier car ils étaient à l’époque, pour l’un le petit ami, et pour l’autre, l’ex-petit ami de sa fille. Il lui ont bien sûr dit qu’ils avaient vu son père sur la vidéo, ce qu’elle avait dû lui répéter.

Mais l’affaire ne s’arrête pas là. La police visiblement insatisfaite de ce dénouement est en train de convoquer pour les auditionner, tous les élèves de cette classe (soit 32 !). Cerise sur le gâteau digne des meilleurs polars, comme la proviseur ne voulait pas fournir à la police la liste des élèves et l’adresse de leurs parents, elle a été saisie au Lycée lors d’une perquisition.

Les convocations qui se sont enchaînées n’ont fait apparaître aucun motif. Ce n’est que quand les élèves, enfin surtout leurs parents affolés, téléphonaient à l’Officier de Police Judiciaire qu’ils ont été informés que « des parents ont été choqués que soit projeté ce document à leurs enfants et ont porté plainte »… Certes mais pourquoi l’ont-ils fait ? Comment est qualifié le délit ? Personne ne le sait et rien de plus n’est précisé au début des auditions.

Ces dernières qui duraient près d’une heure et demie pour les premiers élèves convoqués, durent à la fin à peine 20 minutes. Ce qui témoigne peut-être de la lassitude des policiers. Les questions portent bien sûr sur le document incriminé. Y a-t-il eu des arrêts sur image ? Le prof a-t-il donné les noms des policiers ? Et sur le cours en question : quelle était sa teneur ? Comment ça s’est passé ? Mais elles vont bien au delà et peuvent figurer une nouvelle forme d’inspection pédagogique digne des républiques les plus bananières. Comment le prof se comporte-t-il en classe tout au long de l’année ? Quelle est sa pédagogie ? Quels sont ses engagements associatifs ? Une vraie enquête de moralité ! Le prof évalué par la police et noté par ses élèves, c’est dans l’air du temps ! Et puis quel Inspecteur Pédagogique Régional pourrait passer une cinquantaine d’heures (au bas mot) à évaluer un seul prof alors que la moyenne du temps entre deux inspections (qui ne durent que deux ou trois heures, rapport compris) est de 7 longues années.

Mais il y a plus. Pourquoi une telle débauche de moyens et un tel acharnement ? D’abord, il n’est pas anodin que ce soit un document vidéo sur l’expulsion du campement de sans-logis et mal-logés du 2 avril dernier qui soit à l’origine de l’affaire. Car si cette expulsion était légale, elle était loin d’être légitime. Comment arriver à justifier moralement de s’en prendre si violemment à des « gens en souffrance, au parcours de vie difficile », selon les propres mots du maire de Poitiers ? Comment arriver à continuer à avoir bonne conscience lorsqu’on a fait expulser, ou soi-même expulsé brutalement et violemment, des sans-logis et mal-logés qui avait des revendications, qui étaient elles, non seulement très légitimes mais aussi légales, puisqu’ils demandaient un logement décent pour tous, c’est à dire le respect de la loi ? Comment arriver à continuer de se regarder dans une glace quand on use de violence envers des gens qui résistent passivement, quand on leur arrache et confisque des biens de première nécessité et que l’on conduit six de ces personnes (cinq hommes et une femme) en garde à vue, dont cinq (les cinq hommes comme par hasard) ont été traînés au tribunal pour outrages et rébellion violente ? Et ce n’est pas tout. Peut-on garder sa bonne conscience quand deux de ces cinq personnes ont pris deux mois de prison ferme et qu’en tant que policier on se fait payer des dommages et intérêt (1200€ en tout ; 500€ pour le policier qui s’est offusqué de la diffusion de la vidéo en cours et qui a porté plainte contre JF…) et ce par des personnes notoirement fragiles et démunies ? Ne voudrait-on pas que personne ne le sache, surtout pas nos proches, et ne serions-nous pas honteux si un prof de philo diffuse cette forfaiture dans une classe dans laquelle certains élèves nous connaissent ? Ne serions-nous pas honteux au point de reporter la faute sur lui ?

Ne nous trompons pas de cible ce n’est pas de passer cette vidéo en classe qui est scandaleux mais bien d’avoir évacué de la sorte ce campement de sans-logis et mal-logés, d’avoir menti et de les avoir accusé injustement et pour finir d’avoir touché des dommages et intérêts indus.

Il y a une autre raison qui motive un tel acharnement. Le DAL86 écrivait en mai dernier, « la répression à Poitiers vient de passer un cap. Ce ne sont plus les personnes qui ont eu le toupet de relever la tête et qui se se sont engagées dans une lutte politique en particulier pour la défense de leurs droits, mais les militants de terrain qui les soutiennent, qui subissent dorénavant la répression. Ce ne sont pas des jeunes, des sans-logis et mal-logés, des pauvres qui sont ciblés mais des quinquagénaires, ayant un travail et connus pour leurs engagements associatifs et politiques au sein de la cité. »

Henri Queuille, président du conseil entre les deux guerres, n’avait-il pas raison de dire : « La politique, ce n’est pas de résoudre les problèmes, c’est de faire taire ceux qui les posent. » ?

Les Flics (préfecture, police, justice et… mairie) veulent nous faire taire. Nous ne nous tairons pas ! On continue !

Flics hors de nos vies, hors de nos villes !

Rendez-vous vendredi prochain 9 novembre à partir de 9h devant le palais de justice pour exiger la relaxe des militants réprimés. Jean-Baptiste Eyraud, porte parole de la Fédération Droit au logement, Mgr Jacques Gaillot, différents comités DAL, ont déjà répondu présent.

DAL86, 7 novembre 2012

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