[Témoignage de tortures subies au centre de détention de Salon de Provence] Lettre de Jamel Maalal

Témoignage de tortures subies au centre de détention de Salon de Provence
Lettre de Jamel Maalal

Il n’y a pas qu’en Géorgie que des surveillants pénitentiaires, couverts par leur hiérarchie, torturent des prisonniers.

Dans la lettre ci-après, écrite en août 2012, un prisonnier, Monsieur Jamel Maalal, raconte la torture subie au centre de détention de Salon de Provence. Son avocat est Maître Cormier dont le cabinet est situé à Lyon. Bien entendu, toute initiative pour le soutenir sera la bienvenue.

« Dans le CD de Salon de Provence, j’ai été agressé par plusieurs surveillants qui m’ont rossé de coups de partout sur le corps et étranglé avec un fil, ou je ne sais pas. Je suis tombé dans les pommes. J’ai été déshabillé et jeté dans une cellule inondée. Toute la nuit je tremblais de froid, aucun matelas.

J’étais tout nu au mitard le lendemain matin. La cellule s’est ouverte avec d’autres surveillants qui m’ont rossé de coups. Ils m’ont jeté dans un drap à l’aide d’un autre surveillant. Ils m’ont attaché avec du scotch les pieds et les mains. J’avais très mal et quand je criais de douleur, je recevais des claques et on me disait “Ferme ta gueule”. J’étais en larmes, je croyais que j’allais mourir tellement on me maltraitait. J’ai demandé des habits, “Ferme ta gueule sinon on t’en mets une”.

D’un coup on me dit : “Tu montes dans le camion”. J’ai refusé, je demandais à Dieu de m’aider. J’ai subi une telle atteinte à la dignité. Le sexe à l’air devant tout le monde, femme comme homme. On m’a jeté dans le camion, nu tout le long de la route. J’étais terrifié, fatigué, j’avais besoin de boire car je n’avais pas bu depuis la veille, car comme je vous disais, j’étais dans une cellule hors service, je n’avais plus de robinetterie.

Arrivé au CP de Varenne le Grand, les surveillants sont restés choqués, ils m’ont mis dans une pièce, ils ont appelé le chef de détention, j’ai vu qu’ils ont eu une discussion et que ça montait en pression. Vous dire exactement ce qui s’est dit, je ne sais pas, mais j’ai compris que c’est de moi dont ils parlaient. Le chef de détention m’a demandé ce qui s’est passé et il m’a signalé que j’avais une trace de strangulation au niveau du cou et des hématomes sur tout le corps. J’ai expliqueé que c’est eux qui m’avaient frappé et séquestré, ils m’ont fait des actes de barbarie, violemment frappé et humilié sur trois jours.

Le chef m’a dit de porter plainte et que les gendarmes venaient pour m’emmener à la gendarmerie. J’ai expliqué ce qui m’est arrivé et il m’ont dit qu’on allait à l’hôpital car le ministère de la justice a désigné un médecin pour une expertise corporelle. J’étais terrorisé. Le médecin était choqué quand je lui ai dit que c’était des surveillants. Il a pris plein de photos et les gendarmes m’ont ramené en détention. Pendant un mois, les détenus m’ont dit qu’ils m’ont vu dans un état comme mort. J’ai pu sortir de prison avec un bracelet électronique. J’ai rencontré l’OIP qui me dit qu’il y a un surveillant qui témoigne qui dit que ce que je dis est bien vrai.

L’Oip me dit de contacter Maître Cormier, avocat à Lyon. Il me dit de faire une expertise, je rencontre le juge d’instruction à Aix-en-Provence au tribunal. Mais aussi j’ai été appelé sur mon portable par le directeur national des prisons de France, et pendant toute une après-midi, ils m’ont demandé de leur expliquer. Au portable, ils m’ont dit de bien venir car ils ne venaient que pour moi. Maître Cormier m’informe d’un jour bien après tout ça, car ça se passe en 2007 et 2008, juillet.

Il y a un mois, il me dit que le juge a fait un non lieu de l’affaire. Depuis je suis très mal, et il me dit qu’il a fait appel. Tout le dossier est chez Maître Cormier, le Ministère de la justice, le juge d’Aix-en-Provence et l’OIP. C’est vraiment dégueulasse on essaie d’étouffer l’affaire car c’est très grave ce qui m’est arrivé, et même le directeur le dit. Je vois qu’il n’y a pas de justice. Pas de la discrimination. Ils sont du côté des agresseurs. Vous voulez que je comprenne quoi ? Que s’il m’arrive quelque chose, faut que je règle moi même par la violence. Je suis déçu, ils ont fait tout ce remue-ménage pour me dire qu’il y a un non-lieu. Ce qui m’est arrivé est très très grave car ce sont des professionnels avant tout. Moi-même si j’avais fait ça, j’aurais été jugé depuis longtemps. C’est le vice de la justice, ils font fonctionner la loi comme ça les arrange.

Je demande de l’aide, que les médias parlent de cette affaire, qu’elle ne finisse pas dans les oubliettes. Je demande réparation. Je me suis posé partie civile, mais ça les dérange que je puisse être indemnisé de 500’000 euros à ma sortie de prison. Ma famille me disait que j’avais changé. J’ai même dû me séparer de ma femme à cause de problèmes psychologiques. Ça a été très violent. […] Je remercie quand même l’OIP et l’avocat, mais je me sens seul et j’ai l’impression qu’on me marche dessus. Je me permets de vous écrire afin de trouver de l’aide pour tout ce qui m’est arrivé à Salon de Provence. Merci. »

Jamel Maalal

Pour contacter le collectif anti-carcéral Papillon (émission de radio, solidarité avec les prisonniers, publication d’infos et témoignages, etc.) :

Émission Papillon
16 rue du Mont
42100 Saint-Étienne

Numéro Zéro, 23 octobre 2012

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