[Chronique de Youv derrière les barreaux] « Mercredi j’ai vu la juge d’instruction, ils m’ont ramené des vingtaines de banques, laisse tomber et c’est pas fini, je pars pour minimum dix ans »

http://juralib.noblogs.org/files/2012/09/0513.jpg[5 février 2012]
Première partie sous forme de lettre, qui vous permettra encore plus de vous plonger dans mon univers, dans mon monde. Ma première lettre est adressée à Delphine, bienvenue dans ma tête… 2003

Ma chère Delphine,

Tu dois être anéantie par le chagrin, tu étais la seule personne sur cette terre à croire en ma réinsertion. Il y a, à peine un mois je te promettais les yeux dans les yeux, d’arrêter les vols à main armée, je t’ai promis de changer, pour toi je croyais y arriver. Il y a trois mois je venais de sortir d’une peine de deux ans ferme pour ce fameux règlement de comptes.

Tu as été là pour moi, présente à chaque parloir, tes 800 km une fois par mois, tu quittais ta Toulouse natale pour venir me voir en prison à Fresnes, tu me répétais souvent « tu sais Oumar moi je crois en toi, parce que voilà t’es un mec bien ». Il y a deux mois à Toulouse je t’avais fait jurer de me zapper si jamais je retournais en prison, j’ai insisté et tu as fini par me jurer. C’est pour ça que je n’ai pas répondu à tes premiers courriers, tu sais que je t’aime jusqu’aux étoiles.

Mais là je suis parti pour longtemps, alors s’il te plaît zappe-moi, t’inquiète pas avec le temps tu finiras par m’oublier, il y a plein de mecs bien dehors, moi je mérite pas une perle comme toi.

Il y a un mois je sautais par-dessus les comptoirs de banque, pendant que toi tu dormais, et à ton réveil j’étais là comme une fleur, et te disais que j’étais chez mes parents, je sais que tu t’en doutais, car un chômeur ne fait pas les magasins dans les boutiques de luxe.

J’ai honte de cette attitude c’est pour ça que je n’osais pas répondre à tes premières lettres, je ne savais pas quoi te dire…

Aucun argument aurait pu apaiser ta tristesse, c’est pour toutes ces raisons Delphine que je te demande de pardonner ma lâcheté.

J’ai préféré les armes à l’amour que tu m’offrais, je sais que j’aurai du mal à retrouver une fille comme toi, tu as jamais jugé mon passé, l’endroit d’où je suis issu, mes « wesh wesh, yo yo », te faisaient marrer, tu m’as pris comme j’étais, je voulais pour nous le meilleur mais je t’ai donné le pire…

Mercredi j’ai vu la juge d’instruction, ils m’ont ramené des vingtaines de banques, laisse tomber et c’est pas fini, je pars pour minimum dix ans, tu as que dix-neuf ans, la vie devant toi, donc fais pas la bêtise d’attendre un mec comme moi. On s’est fait péter en revenant de Normandie, on avait braqué une grande agence bancaire en périphérie de Rouen, dans notre fuite, tout ne s’est pas passé comme prévu, sur l’autoroute au niveau de Mantes-la-Jolie les gendarmes étaient postés au niveau du péage, on a forcé le barrage, la course-poursuite a duré une minute, le pilote a encastré le Audi sur le mur du Mc Donald, on a failli mourir, on est tous sortis du véhicule indemnes, la poursuite s’est poursuivie à pied, j’ai pris un sac de billets en bandoulière, j’ai sauté deux-trois pavillons, j’avais la BRB et les motards aux trousses, ils voulaient que ma peau, j’étais considéré comme le leader donc ils me voulaient à 100 %, interpel­lation de fou, ils m’ont sauté dessus à six, m’ont cassé la bouche, m’ont piétiné, j’ai fini ligoté dans le coffre direction l’hôtel de police, j’y ai retrouvé Alassane et Minipouce, l’Artificier et le pilote sont en cavale, là je suis en cellule avec un mec de mon quartier, on a tout ce qu’il faut, on m’a proposé un téléphone mais j’ai pas la tête à ça, j’ai du mal à réaliser qu’ils m’ont sauté, j’ai fait que trois mois dehors, finie la vie de rêve, place au cauchemar de la zonzon, c’est un truc de fou mon incarcération a grave fait du bruit à Bois-d’Arcy, on avait fait la une des journaux, quand j’étais aux arrivants tous les mecs de Mantes m’appelaient par la fenêtre, ils tapaient à la fenêtre pour me souhaiter la bienvenue en taule, ils voulaient tout savoir les détails de l’affaire, en fait ma puce je voulais te dire, de garder, mes deux véhicules qui sont dans ton secteur, et tout ce qui reste sur Paris je laisse au petit frangin, bon c’est bientôt l’heure de la promenade, je vais me préparer, je te laisse sur ces quelques lignes, prends soin de toi et oublie pas on fait comme on se l’est promis, je te souhaite tout le bonheur du monde, mais je ne peux m’empêcher de finir ma lettre en disant que…

Je t’aime.

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