Révélations
Comme chacun aura pu le lire ces dernières 24 heures, un nouvel élément du dossier vient une fois de plus balayer la version policière. Jusqu’ici, nous avions été habitué à ce que chaque nouvelle révélation sur les faux de la SDAT soit suivie (ou tout juste précédée par un contre-feu plus ou moins misérable. Cela ne semble pas être le cas cette fois-ci (mais nous mettrons plus cela sur le compte de l’épuisement que du fair-play). À peine avons-nous eu droit à de médiocres baragouinages policiers parus sur le site du Nouvel Obs 1h30 avant la publication du Canard Enchaîné. Autant y répondre.
Pourquoi Yldune Lévy ne s’est pas servi de ce retrait d’argent pour démonter la version policière dès le premier jour de GAV ?
Il faut tout d’abord savoir que :
• La police n’a jamais posé une seule question sur les heures auxquelles Julien et Yildune se sont déplacés. Ce que l’on peut comprendre aux vues du nombre d’invraisemblances dont le PV est truffé. C’est d’ailleurs cela qui explique que SELON LEURS PROPRES DÉCLARATIONS : à aucun moment les policiers ne voient quoi que ce soit de ce qu’ils accusent les inculpés d’avoir fait.
• Tout aussi étrangement, les 4, 8 ou 20 policiers qui les suivaient (La police ne semble toujours pas d’accord sur la composition de leurs effectifs ce soir-là) n’ont manifestement pas daigné maintenir la filature après leur réveil et départ effectif de Seine-et-Marne. De ce fait le procès-verbal de filature s’arrête de toute façon, même en tant que faux, au moment où la voiture arrive à Paris. La police n’avait donc aucun intérêt à les interroger sur une partie de la nuit sur laquelle ils n’avaient aucune information, même prétendue.
• Lors de cette GAV, la quasi-totalité des questions portaient sur l’engagement politique d’Yildune, ses lectures, ses amitiés, ses idées. Parmi les quelques questions qui portaient sur les sabotages, la seule chose que tentèrent les enquêteurs fut de lui faire avouer qu’elle avait posé des crochets sur des caténaires et d’avoir été à proximité des voies. Ce qu’elle a farouchement nié. Pendant 96 heures.
Il faudrait donc reformuler la question que pose la SDAT et que reprend certains journalistes :
Pourquoi Yildune Lévy, au bout de 96 heures de GAV et neuf passages devant des médecins, n’a-t-elle pas imaginé que la police avait menti sur les horaires de filature dans le PV auquel elle n’a eu accès que des mois plus tard ? ou Pourquoi n’a-t-elle pas imaginé que ce retrait d’argent parfaitement anodin à son retour à Paris pourrait invalider un mensonge policier dont elle n’a à ce moment pas connaissance ?
Quelle tête de linotte !
On pourrait ensuite se poser légitimement la question : pourquoi ne s’en est-elle pas souvenue plus tard ?
Bizarrement, alors que les relevés de compte de dizaines de personnes ont été demandés par le magistrat dès la fin des GAV, celui Yildune et seulement le sien, n’apparaîtra dans le dossier qu’en juin 2012. Soit trois ans et demi plus tard.
Pour la défense, il a toujours été question de démontrer que ces sabotages n’avaient pas été possibles et que toute l’instruction n’était qu’une manœuvre politique. Ce n’est qu’au bout d’un an et demi qu’en travaillant sur le dossier techniquement, que nous nous sommes aperçus des dizaines de contradictions présentes dans ce PV de filature. Nous les avons exposées et démontrées, devant le juge comme devant la presse. Et pendant tout ce temps, alors que la police avait parfaitement connaissance de ce retrait d’argent, bizarrement, le document devait traîner dans un tiroir, attendant son heure.
La défense s’est donc attelé à démontrer que TOUT ce qui était écrit dans le PV de filature était incohérent, fantaisiste, matériellement impossible et donc faux. Elle n’a malheureusement pas pensé à contester ce qui n’était ni dans le PV ni dans le dossier.
C’est vrai, un an et demi après la nuit du 7 novembre 2008, Yildune Lévy aurait pu se souvenir qu’elle avait tiré 40 euros à 2h50 du matin et non à 4h. Quelle tête de linotte !
La vérité c’est certainement qu’elle ne s’en est souvenu que lorsque l’extrait de compte fut joint au dossier, et qu’elle put le lire. Bizarrement, l’analyse des mouvements sur ce compte par la SDAT prétendait qu’il n’y avait rien pouvant l’incriminer, c’est-à-dire rien d’intéressant pour l’enquête. Heureusement que nous avons pensé à le regarder en détail, 3 ans et demi plus tard. Car aucun juge ni aucun policier n’a jugé bon de s’interroger sur cette pièce qui invalidait toute leur enquête.
C’est donc un drôle de moment dans cette instruction où, après avoir dû démontrer que toutes les allégations de la police étaient fausses, il nous faut maintenant démontrer que la seule preuve matérielle de tout le dossier est vraie ! En somme, il nous faut tout faire.
Si cet extrait de compte avait révélé un retrait de liquide à côté des voies ou à côté d’on ne sait quel magasin de bricolage où personne ne l’a vu, cela aurait été annoncé comme LA PREUVE de sa culpabilité. Elle aurait alors pu dire qu’elle avait prêté sa carte mais on imagine bien que la police l’aurait accusé de mentir. Ironie d’une instruction purement à charge et prête à tordre le cou à la réalité comme au bon sens pour couvrir les mensonges de la police anti-terroriste.
Oui, on peut prêter une CB. Tout comme on peut être policier et raconter n’importe quoi.
Soutien aux inculpés du 11 Novembre, 24 octobre 2012
Affaire de Tarnac : un retrait bancaire met le bazar dans l’instruction
Il est des coïncidences amusantes. Ce mardi, deux journaux (Le Canard enchaîné et Le Nouvel Observateur) sortent la même « information exclusive » au même moment dans l’affaire dite « de Tarnac ». Pourtant ils n’en tirent pas les mêmes conclusions.
Les avocats des dix mis en examen de « la mouvance anarcho-autonome », à qui la police antiterroriste reproche une série de sabotages SNCF en 2008, viennent de dégainer un nouvel argument en faveur de leurs clients.
Un relevé bancaire d’Yldune Levy (la compagne de Julien Coupat, patron supposé du groupe de Tarnac), montre un retrait de 40 euros effectué avec sa carte bancaire, dans un distributeur automatique de billets à Paris, la nuit des sabotages. À 2h44 précisément, le 8 novembre 2008.
Une filature contestée
Or selon la police antiterroriste, la jeune femme se trouve à ce moment-là en Seine-et-Marne, probablement pour contribuer d’une manière ou d’une autre à poser un fer à béton sur une caténaire.
C’est même écrit dans un procès-verbal de filature, attaqué pour « faux » par les avocats des mis en examen l’an dernier.
La police a toujours soutenu qu’à l’heure de ce retrait d’argent jusque-là inconnu, Yldune Levy et Julien Coupat avaient garé leur Mercedes à Trilport, pas loin des caténaires dont le sabotage a été découvert au matin.
La défense a toujours soutenu que les enquêteurs n’ayant pas aperçu Julien Coupat et Yldune Levy en train de saboter quoi que ce soit, ils ne peuvent rien prouver. Voire qu’ils n’étaient même pas là. Le relevé bancaire démontre pour eux qu’Yldune Levy n’était pas sur les lieux.
« Rien ne prouve que ce soit bien elle »
Pour Le Nouvel Obs, cette nouvelle information représente la « dernière cartouche » (et « la dernière carte ») des mis en examen de Tarnac après quatre ans d’instruction.
L’hebdomadaire donne la parole à « des enquêteurs sereins » et « sceptiques » que ce rebondissement « ne semble pas empêcher de dormir » :
« “Il est quand même curieux qu’Yldune Lévy, placée en garde à vue trois jours seulement après les faits ne s’est pas rappelée avoir fait la fête à Paris la nuit de sabotages sur lesquels elle était interrogée”, s’amuse un responsable policier. “Et rien ne prouve que ce soit bien elle qui ait retiré l’argent.” […]
“Au cours de l’instruction, Julien Coupat et Yldune n’ont jamais nié se trouver en Seine-et-Marne, dans leur voiture la nuit des sabotages, rappelle une source proche du dossier. Ils ont même revendiqué y être allé dans le cadre d’un week-end amoureux et avoir fait l’amour dans leur voiture !” »
Le « coup de grâce »
Pour Le Canard enchaîné à l’inverse, c’est « le coup de grâce porté au dossier », un « énième gag des flics de la Sdat [la Sous-direction antiterroriste, ndlr] » qui « s’ajoute à un joli bêtisier ».
L’hebdo rappelle que Julien Coupat et Yldune Levy « ont toujours nié [les sabotages], assurant être rentrés à Paris vers 2 heures ». Et fait remarquer que si elle avait prêté sa carte bancaire pour se donner un alibi, la jeune femme aurait pu signaler ce retrait aux enquêteurs.
« Plus bizarre est le total désintérêt des juges pour ces 40 euros. Jamais Yldune Levy n’a été interrogée sur ce point, susceptible de la disculper. Plus marrant encore, cet élément n’a été versé au dossier que ces derniers mois. Parce qu’il gênait une instruction à charge et jamais à décharge ? »
C’est aussi ce que se demande au téléphone Mathieu Burnel, également mis en examen dans l’affaire.
« Nos relevés bancaires ainsi que ceux d’autres personnes ont été demandés par le juge en décembre 2008. Pourquoi ceux d’Yldune ont-ils mis trois ans et demi à arriver dans le dossier ?
Quant à l’idée qu’Yldune aurait pu prêter sa Carte bleue, ce serait bien la première fois dans l’histoire de la criminalité que quelqu’un oublie d’utiliser son alibi.
Ça fait déjà quatre ans qu’on nous demande de démontrer que les accusations portées contre nous sont fausses, et maintenant qu’on a une preuve en béton qui nous disculpe il faudrait aussi qu’on prouve qu’elle est vraie ? »
Presse affiliée à Coupat-Assous (Camille Polloni, Rue89.fr, 23 octobre 2012)