Syrie : PlayStation et batterie de voiture sont utilisés par les rebelles pour fabriquer leurs armes
SYRIE – Sur l’une des lignes de front, les insurgés s’escriment à charger un mortier « Made in Syria ». Le canon est alimenté par une batterie de voiture et enclenché par une manette de PlayStation relié à un long câble. Usant de nombreuses d’astuces, les rebelles syriens en manque de munitions et d’armements les bricolent désormais eux-mêmes pour faire face à la puissance de feu des avions de combat et des chars des troupes du président Bachar el Assad.
Grenades, lances-roquettes et projectiles de différentes portées, le tout est produit localement. Mais le risque que ces armes artisanales s’enrayent est grand. C’est le cas d’un mortier sur lequel s’affairent les rebelles sur un front de la vieille ville d’Alep (nord), déchirée depuis trois mois par de violents combats. Peint en gris, le mortier est posé à l’arrière d’un camion. Après avoir nettoyé les deux tubes reliés à une manette et à une batterie de voiture, ils les chargent d’obus également fabriqué localement.
À l’abri, un peu plus loin, le combattant Abou Hourriya déclenche le tir. Le projectile s’élance puis une explosion retentit à l’atterrissage de l’engin. Mais si le premier essai est réussi, le canon s’enraye au second tir.
« Notre révolution est pauvre. Elle dure depuis 20 mois et notre peuple est écrasé par les pires armes : des avions MiG, des hélicoptères, des missiles, des chars et de l’artillerie », regrette Abou Hourriya. « Des rebelles ont démonté un mortier pris au régime et ils ont étudié comment il était fait », raconte-t-il. « Le canon que nous avons saisi avait un tube. Nous en avons fabriqué à deux tubes, et même à quatre ».
Catapultes et grenades artisanales
Sur un autre front de la province, un rebelle, Moustafa, se saisit d’une petite bombe et la pose sur un imposant lance-pierres, dont le cadre en métal est lesté par des pierres. Il installe le projectile sur la catapulte improvisée et tire. Mais au lieu de se lancer vers les troupes régulières, la bombe traverse la cour et retombe, explosant dans un nuage de poussière. Heureusement, l’engin, léger, ne fait aucun blessé. Après quelques nouveaux essais, en remplaçant cette fois les bombes par des pierres, Moustafa, peu satisfait de son arme, décide finalement de lancer ses bombes à la main.
Partout en Syrie, les rebelles charrient des caisses de grenades artisanales, comme Thaër, rencontré dans le quartier de Sakhour à Alep. Il brandit fièrement une grenade fabriquée à partir d’une petite bonbonne de gaz dont sort une mèche. Une arme qui peut être un danger aussi pour celui qui la tient, surtout quand les tirs d’artillerie pleuvent, venus de l’autre côté de la ligne de front.
Quant à Abou Fadel, un ancien chercheur scientifique, le visage caché sous un keffieh, il est fier de ses créations : des roquettes dont la portée peut couvrir plusieurs kilomètres. Pour les lancer, les rebelles visent des positions militaires grâce à Google Earth et à une boussole, assure-t-il. Ingénieur en explosif de l’armée syrienne dans les années 1970, il a aujourd’hui rejoint la rébellion et ses armes sont utilisées sur les champs de bataille d’Alep et d’Idleb (nord-ouest) mais aussi à Homs (centre) selon lui.
« Je n’ai pas seulement choisi de fabriquer des roquettes ou des armes. J’ai décidé de combattre le tyran qui écrase son peuple, qui tue nos enfants et force nos femmes à l’exode », dit-il. « Mon propre fils est mort en martyr au cours d’une bataille », souligne Abou Fadel, alors qu’un avion de l’armée de l’air tournoie au-dessus du secteur. S’il a décidé d’aider les rebelles à s’armer, c’est « parce que nous manquons d’aide occidentale et étrangère ». Entamée modestement, sa production est aujourd’hui quasiment industrielle, dit-il. « Seul, je fabriquerai une roquette par jour, mais maintenant avec une chaîne de fabrication et des techniciens, sous en faisons des centaines ».
Leur presse (Aude Lorriaux, LeHuffPost/Agence Faut Payer, 19 octobre 2012)