Analyse : Azawad, le nouveau ring de la « guerre froide » entre puissances
Toumast Press : Nous vous proposons de lire cette belle et lucide analyse signée par Attaye Ag Mohamed, l’étoile montante du bureau politique du Mouvement National pour la Libération de l’Azawad. Handicapé dans son élan par une incompétence criante, le bureau politique du MNLA ne nous avait plus habitués à de telles analyses.
À un moment où le temps permet de lever le voile sur les sources de l’instrumentalisation dont souffre l’Azawad, voilà que les puissances jouent à un jeu difficile à cerner portant à croire que chacune traque l’autre sur ce territoire de l’Azawad qu’elles ont presque transformées en ring de guerre froide.
La France ne nous lâchera pas car le renard a repéré la charogne…
« C’est au nom de l’intégrité territoriale du Mali que je défends une résolution au Conseil de Sécurité de l’ONU pour une intervention africaine », assure le président Hollande comme si le Mali a fait ou fait preuve d’une lutte dans ce sens. Durant son entretien accordé à France24, TV5 et RFI, le président français annonce qu’il laissera main libre au Mali de choisir s’il souhaite discuter ou non avec les forces laïques et légitimes (MNLA) dont il reconnaît l’existence. Histoire selon lui de ne pas s’interférer autrement dit s’ingérer dans les affaires internes maliennes. De qui se moque-t-il encore ? Y a-t-il meilleure façon de donner le choix à une partie que de lui garantir un soutien politico-militaire et une caution de l’amalgame ?
L’intervention militaire voulue par la France est une véritable croisade car tout porte déjà à croire que la politique extérieure de cette grande nation de démocratie ne s’en sortira pas indemne.
Ivresse brusque française ou plutôt phase d’un chantier néocolonialiste en cours ?
Les Français ont « lâchés » les Américains en Afghanistan dans l’intention claire de se redéployer au Sahel. La France sait mieux que personne que l’intervention tournerait à la cata mais c’est peut-être cela sa projection.
Comme on le dit, l’appétit vient en mangeant. Après l’avant-goût de la mine malienne d’uranium de Faléa, le but de la France est de s’installer durablement aux fins de pillage des ressources naturelles de l’Azawad.
Le président Hollande ne cesse de citer vouloir refonder la politique « France-Afrique », alors le chapitre économique sera lancé à partir du Sahel francophone en allant du point Azawad.
Sinon tout le reste n’est que mensonge ! Si jamais le Conseil de Sécurité de l’ONU donne le feu vert à une intervention militaire dans l’Azawad, soyez sûrs que la région sera déstabilisée pour au moins une bonne vingtaine d’années.
À partir d’un point stratégique du Sahel (Azawad), la France va lancer sa nouvelle reforme de l’œuvre néocolonialiste et aggraver la pauvreté et les tensions militaires régionales. Normal donc qu’en préambule des discours, les forces africaines serviront de « gilets » militaires mais en réalité politiques puisqu’il faudra après tout un « bouc émissaire » au bilan sans doute chaotique.
À Bamako, à travers une manifestation d’appel à l’action militaire, les organisations des « parasites des précédents régimes » (le FDR, le COREN et clics) pincées par l’ex-junte de retour dans la direction politique du pays, achèvent la signature du vœu français. Pour ce clan de pseudo-patriotes, il faudra vite trouver une distraction aux militaires car les vagues de nominations issues des conseils des ministres font chaque semaine ravages dans le poids des partis suivistes de l’ancien système.
L’Algérie veut et le pain et le prix du pain…
Pour la France, l’Algérie est un partenaire incontournable dans le traitement du dossier mais après tout, la divergence demeure sur le point le plus important.
La force du partenariat Algéro-Libyen s’est toujours fondée sur l’inadmissibilité d’un positionnement de forces étrangères dans le Sahel voisinant.
L’Algérie est une puissance d’une influence même exponentielle dans le dossier mais elle a tout à perdre autant qu’à eu gagnée. Cet État secret doué en instrumentalisation, reste stagné sur les mêmes échecs dans ses précédentes multiples tentatives de règlement du conflit Azawad-Mali. Il actionne plus de manœuvres de déstabilisations au sein des mouvements de révoltes légitimes que du côté de Bamako. Les autres puissances comme tous ceux qui s’intéressent de près au dossier n’ont certainement pas besoin de cette analyse pour se rendre compte de la manipulation anti-azawadienne de l’Algérie. L’Algérie ne permettra pas la naissance d’un État indépendant dans la zone a une fois déclaré un responsable de ce pays en réaction à la déclaration d’indépendance du MNLA.
« L’essentiel des meneurs (cerveaux, encadreurs, stratèges militaires) des mouvements terroristes qui occupent des villes de l’Azawad sont d’origine algérienne et pour la plus part issue des corps de sécurité de ce pays. Certains par le biais de l’ancienne organisation GSPC », selon un rapport du renseignement militaire de l’État major du MNLA.
La manipulation, le contrôle et l’appui à Ançar Idine n’est plus un secret du moment où cela devient le fossé de la divergence France-Algérie dans le dossier.
L’Algérie se permet de proférer des menaces au MNLA car elle s’octroie presque une procuration du rôle de l’État malien. Elle trouve même inadmissible et incompréhensif que le mouvement rejette ses invitations malgré sa position actuelle. Enfin, ce pays ne veut pas comprendre que le temps des bricolages de paix est bien révolu pour le MNLA.
Lutte contre l’indépendance de l’Azawad, le pacte ciment du duo Algérie-Cedeao…
Tous les deux ont des raisons fondamentales communes contre l’indépendance de l’Azawad mais chacun a sa spécificité.
La peur de ce qu’ils ne considèrent comme étant un phénomène de contagion est bien leur souci et qu’ils défendent aussi par le principe incohérent d’intangibilité des frontières dans la pratique.
Croyez vous qu’elles permettront aussi facilement ceci ? :
« L’Azawad, un nouvel État indépendant qui se situera en lieu stratégique entre le Maghreb (seul pont avant la méditerrané) et toute l’Afrique au sud du Sahara. Il aura cinq (5) États frontaliers immédiat (L’Algérie, la Mauritanie, le Niger, le Burkina Fasso et le Mali) et trois autres États rapprochés (le Sénégal, la Libye et le Maroc). Sur les huit (8) pays, cinq (5) possèdent des ports internationaux (Maroc, Algérie, Mauritanie, Libye et Sénégal).
Rien ne démontre que le nouvel État s’identifiera de l’Union Africaine (UA) ou de l’organisation des pays du Maghreb. Nul n’ignore la convoitise à tous les niveaux vis-à-vis des potentialités économiques du pays. Avec Tombouctou, la plus grande réserve d’eau au monde, l’importance géostratégique et aéronautique de Tessalit, la fertilité agricole inégalée de la vaste plaine du « Tellemsé » qui relie les 3 régions du pays et qui s’activera avec l’ouverture du barrage de Taoussa. Cela sans encore cité la diversité des ressources minières d’un Azawad traversé par le fleuve Niger qui arrose un nombre signifiant de lacs qui il y a juste quelques décennies sont réputés pour leur excellente productivité.
Si le Mali en manque d’arguments, qui n’a fait et qui ne fait preuve d’aucune volonté encourageante dans le sens de restaurer son intégrité territoriale ; les autres ne multiplient les tractations que dans le but de barrer la route à ce qui leur contraindra au changement dans tous les secteurs de la vie. L’Azawad, démocratique, compétitif, culturellement riche d’histoire, de diversité ethnique ne se verra point exigé quoi que ce soit par les autres. »
Mais, on ne saurait être moins vigilant que ceux là qui croient qu’ils étoufferont éternellement les aspirations légitimes d’un peuple. Certes des blocages spontanés peuvent exister étant donné certains rapports de forces et de l’instrumentalisation mais leur succès ne demeura pas éternel.
Il est aux Azawadiens de cultiver la patience, la rigueur, la promotion de la lutte contre les divisions interethniques ; de cultiver des valeurs démocratiques fortes et l’esprit surtout de sacrifice.
Ce sont les populations de l’Azawad qui subissent et qui subiront encore !
Les puissances ainsi que les organisations internationales savent bien que la solution de la paix dans l’Azawad se trouve sans doute dans la reconnaissance du droit à l’autodétermination de l’Azawad. Elles savent bien que ce sont les forces militaires de l’Azawad qui sont en mesure de mettre les mouvements terroristes dehors. Elles peuvent fermer les yeux, mais elles le reconnaîtront bientôt !
Par Attaye Ag Mohamed
Toumast Press, 13 octobre 2012