[16 janvier 2012]
Partie en guise de lettre aux juges
Objet : Lettre aux juges et à la justice française
Madames et Messieurs les juges,
Issu des bas-fonds de ce pays, là où la plupart des habitants sont présumés coupables dès la maternité, je me permets de vous écrire cette lettre ouverte, du fin fond du cimetière où vous m’avez enterré il y a neuf ans, pour vous dire mon total désaccord avec votre manière de réciter la justice.
Pourriez-vous m’expliquer, Messieurs les magistrats, vous qui êtes au-dessus de tout, qui connaissez tout sur tout, comment des simples braqueurs n’ayant aucun sang sur les mains prennent beaucoup plus que des violeurs et des pédophiles qui ont commis des crimes atroces sur des enfants. Et par-dessus le marché en prison la pénitentiaire se plie en quatre pour exaucer leurs moindres exigences.
Je ne viens pas vers vous pour me faire passer pour un saint mais expliquez-moi pourquoi c’est deux poids deux mesures ? Pourquoi une telle différence de traitement ?
Après neuf ans d’incarcération, moi et mes semblables vous nous trouvez toujours dangereux alors qu’on n’a été dangereux que pour vos comptes bancaires.
Vous avez du mal à nous libérer, vous persistez à nous garder sous écrou comme si on était des tueurs en série.
J’ai beaucoup de questions à vous poser à vous la justice, qui distribuez les peines comme si c’était des heures et des minutes, dix ans par-ci, quinze ans par-là, en cour d’assises c’est devenu les enchères avec une sévérité sans précédent.
Vous nous parlez de réinsertion mais vous infligez des peines éliminatoires, vous rayez des jeunes majeurs du paysage quotidien pour des décennies. Dans cet acte où est placée la réinsertion ?
Je suis conscient qu’il faut que chacun paye ses actes mais il faut que la sanction soit juste, en juste adéquation avec les faits commis, sinon cela devient de l’injustice commise par la justice. Une sanction ne sert que si elle est comprise par l’individu.
Ce n’est pas le nombre d’années que vous infligez qui fera changer un homme, cela fait plus de quinze ans que l’on se côtoie, que l’on se fréquente, que l’on se connaît par cœur et si j’ai pris l’initiative de changer mes armes contre une plume ce ne sont pas les années de taule qui ont eu raison de moi, ces années ne pouvaient me rendre que plus mauvais avec plus de rancune, mais rien de tout ça car l’écriture m’est tombée dessus à un moment inattendu et je me suis prêté au jeu, ça m’a ouvert l’esprit, c’est depuis devenu ma bouée de sauvetage, dans cet océan de ciment que vous avez fait couler sur ma tête.
J’ai changé, mûri, grandi, je me suis assagi, j’ai complètement tourné la page avec mon passé trouble mais je l’assume de A à Z comme j’assume ma peine actuelle.
Cette lettre n’est pas une attaque mais une contre-attaque, un moyen de ne pas sombrer. Il me tenait à cœur de vous faire part de mes pensées les plus intimes.
Je vous prie de bien croire Mesdames, Messieurs, en ma détermination la plus distinguée.