Marseille : l’incendiaire se trouve Place Beauvau
L’évacuation par « des riverains » d’une trentaine de Rroms à Marseille et la mise à feu de leurs affaires marquent le début des pogromes anti-tsiganes en France. La police de M. Valls, présente sur place, n’a procédé à aucune interpellation « en l’absence d’agression physique ». Mais le vrai incendiaire est leur ministre de tutelle lui-même, puisque depuis l’été dernier il martèle inlassablement le message de l’urgence du « démantèlement des campements illicites », qu’il juge « un défi au vivre ensemble ».
Depuis 20 ans, à chaque expulsion de Rroms, la police indique aux médias qu’elle s’est faite « sans heurts ». Car les Rroms ne cherchent pas de heurts. La police non plus, du moins pas ouvertement. Comme aucun des protagonistes ne cherchait de heurts, par l’affirmation d’un « défi au vivre ensemble », le gouvernement a réussi à créer le troisième protagoniste à Marseille. À force d’appâter des gens avec ce message pour leur faire faire la sale besogne sous l’œil d’une police inactive, si ce n’est bienveillante, le ministre a réalisé son rêve de voir sa supputation concrétisée.
La déshumanisation et la diabolisation des Rroms il y a deux jours, lorsque des parents d’enfants qui se livraient à des vols de téléphones portables ont été qualifiés d’esclavagistes et de trafiquants d’enfants participe pleinement à l’ouverture illimitée de la chasse aux Rroms. L’inaction de ce qu’on appelle « forces de l’ordre » fait de ces dernières des complices par omission de pogromes. Nous exigeons du gouvernement une condamnation ferme de ces actes et l’ouverture d’une enquête pour qu’ils ne restent pas impunis.
Dans le cas contraire, les mêmes causes produisant les mêmes conséquences, qui pourra s’étonner si la France, à l’instar de la Hongrie, voit des Rroms qui, n’ayant pas d’autre choix, s’organisent pour se défendre ? À ce moment-là, qu’on ne vienne pas nous dire que le « défi au vivre ensemble » c’est nous.
La Voix des Rroms, 28 septembre 2012
Rroms et réseaux mafieux
L’arrestation de 11 Rroms par 200 policiers hier matin a fait la une d’un certain nombre d’organes de presse quotidienne. L’information communiquée par le ministère de l’intérieur a donné lieu à un emballement médiatique suivi de réactions ouvertement racistes de nombreux internautes. Si c’était le but recherché, il est atteint.
À “La voix des Rroms”, on ne fait pas dans l’angélisme. Il y a certes des vols commis par des Rroms et affirmer cela n’a rien de raciste. En tout cas, pas plus que d’affirmer que des Belges commettent des actes de pédophilie. Seulement, il y a une exagération évidente dans le traitement médiatico-politique de la délinquance dès qu’il s’agit de Rroms. On parle de « joug de mafieux roms », de « maltraitance », de « traite » et de « trafic d’enfants », avant même d’avoir interrogé les enfants en question, qu’on présume irréfragablement « esclaves ». Donner des habitants de « camps illicites » une image de monstres rend d’autant plus acceptable dans l’opinion le démantèlement brutal de ces « camps ». Là c’est bien un but affiché du gouvernement.
Lorsque Le Figaro rapporte que le butin d’une bande déjà arrêtée et jugée, composée d’une dizaine de personnes, s’élevait à près de 100.000 Euros en une année, ce qui revient à environ 800 Euros par mois pour chacun de ses membres, cela laisse songeur. Que penseraient des membres de la Camorra d’une organisation criminelle rémunérant ses membres à hauteur d’huit cents euros mensuels ? Et qu’en penseraient les héros multi-millionnaires de Goldman Sachs ? Après avoir mis l’Europe à genoux en toute impunité, ces délinquants patentés ont placé leurs collègues à sa tête pour lui imposer un traité d’austérité.
Il est évidement plus facile au gouvernement socialiste de brandir le péril de mafias dont l’activité se résume à quelques vols de téléphones que de tenir tête à la pieuvre financière qui lui dicte sa politique budgétaire.
La Voix des Rroms, 26 septembre 2012
D’accord avec l’analyse générale.
Mais une précision s’impose quant au déroulement des faits, qui, pour indifférent qu’ils soient à une lecture large des processus étatiques de marginalisation/stigmatisation/bannissement nécessaire à la construction de l »‘identité nationale » républicaine, fasciste ou les deux, n’en reste pas moins indispensable à une lecture précise des faits, qui ne sacrifie pas la vérité de l’information à une volonté émeutière aveugle, voulant voir le feu partout pour justifier une contre-offensive, comme si celle-ci tirait sa légitimité de l’évènement. Les flammes proviennent de matériels laissés par les personnes qui ont été collectivement expulsées par des habitants alentour, sous l’oeil passif de la police complice. Le feu a été mis postérieurement à l’expulsion après avis des services municipaux. Il me semble, sauf erreur de ma part, qu’on ne peut donc pas parler de pogrom. Et il semble n’y avoir eu aucune violence physique de la part des riverains, ce qui classe cet évènement, tout ignoble et inquiétant qu’il soit, à part des traditionnels déchaînements de haine nationaliste, xénophobe et raciste qui s’expriment à l’égard des tsiganes. Le contexte local est très différent de la ville d’Opera à côté de Milan, ou c’est une population plutôt aisée et aux revendications politiques clairement marquées à l’extrême droite qui s’est constituée spontanément en milice fasciste anti-Roms.