[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 72 – « Et pourquoi quand j’étais enfermé en centre de rétention avec les vrais clandos purs et durs qui étaient venus dans des soutes à bagages ou des embarcations de fortune j’ai prié Dieu pour pas aller au bled LOL »

Partie 72

JE FAIS PLEURER MA PLUME DE SINCÉRITÉ

Le fléau de la discrimination frappait même en prison même entre quatre murs ils te faisaient voir que tes parents venaient d’ailleurs je pétais un câble tellement c’était flagrant un jour j’ai eu le malheur de postuler à une formation oulala le parcours du combattant j’avais un teint trop sombre trop pur mon accent de banlieue parisienne était synonyme de bordel de yoyo et de « nique sa mère la pute » même si j’le pensais je l’aurais gardé pour moi LOL. Je faisais ma demande trois mois avant Pierre Paul ou Jacques et comme par hasard eux ils étaient pris direct moi j’attends toujours leur réponse une fois avec l’aide de mon avocate on a fait appel au médiateur de la Répu­blique qui a écrit une lettre salée à la taule bizarrement il m’ont appelé dans la foulée j’avais la haine d’avoir dû passer par trente-six mille chemins pour avoir ma formation mais bon ce n’était que le reflet de cette société qui avait des préjugés sur ta couleur et ton milieu social y a que le poids de ton portefeuille qui les faisait passer au-delà de tes origines la preuve les kilomètres de tapis rouge dressés quand un émir des pays du Golfe faisait escale sur Paname et ils kiffent quand un Arabe du Qatar rachète le PSG là seulement ils kiffent l’immigré je parle d’immigrés mais 90 % des jeunes sont nés ici…

La dernière fois que j’ai mis un pied au bled j’avais 2 ans LOL j’voulais pas bouger j’aimais trop le pain et Nutella de chez Carrefour LOL j’étais trop fier de mes origines mauritaniennes. Mais pourquoi quand l’État français a voulu m’expulser en 2001 car ils avaient détecté en moi ce jeune révolté qui se soumettrait jamais à leur blabla pourquoi à c’moment j’avais refusé de partir ? et pourquoi quand j’étais enfermé en centre de rétention avec les vrais clandos purs et durs qui étaient venus dans des soutes à bagages ou des embarcations de fortune j’ai prié Dieu pour pas aller au bled LOL fils d’immigrés le cul entre deux chaises entre deux cultures celle de nos rempas et celle du Club Dorothée on se plaignait de cette France mais au fond on l’aimait d’un amour inconditionnel on se contredisait constamment à chaque séjour au bled de plus de un mois on faisait tout pour rentrer au bercail LOL j’ai jamais vu un mec du ghetto aller vivre définitivement au bled sauf si il était en cavale ou étant jeune ses parents lui avaient confisqué son passeport car trop virulent pour l’Hexagone.

HECHEK LA FRANCE JE LA BAISERAI JUSQU’À CE QU’ELLE M’AIME (Tandem) cette phrase d’une violence extrême pour les moralistes mais si on l’analyse de plus près est un cri du cœur de jeunes qui ne demandent qu’à être aimés. J’ai même croisé un jour un mec à Bois-d’Ar qui s’appelait Radouane mais se faisait appeler Antoine un souci d’intégration mais il avait oublié de faire de la chirurgie esthétique en même temps qu’il changeait de nom il avait une vraie tête de clando quand je l’appelais Antoine et il se retournait j’étais plié de rire de la stupidité du truc mais bon chacun voyait midi à sa porte…

Malgré tout ça toutes mes salades mes péripéties les épreuves que la vie m’a données [et que] pour la plupart j’ai provoquées je n’en voulais pas à cette France mais à ceux qui tiennent les rênes qui tirent profit de la misère de nos ghettos ma plume servira à dénoncer toutes les injustices quotidiennes que l’on subit et même que j’ai plus d’encre j’ai des cartons de cartouches dans ma tête pour noircir leur tableau tant qu’ils nous considéreront pas.

QUELLE QUE SOIT LA DURETÉ DE TA VIE LÂCHE PAS IL Y A TOUJOURS DU SOLEIL APRÈS LA PLUIE.

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