Géorgie : des vidéos prouvent l’usage de la torture en prison
Les chaînes du pays ont diffusé ces images choquantes en pleine campagne des législatives. Le président Saakachvili tente de réagir.
Une série de vidéos rendues publiques mardi en Géorgie montrent des scènes de tabassage et de torture de détenus en prison : coups, humiliations et même viol avec un bâton. Elles apportent pour la première fois la preuve de soupçons déjà anciens sur ce qui se passe dans les prisons géorgiennes, malgré les promesses démocratiques de la « révolution des roses » de 2003.
Des ONG locales ou l’ombudsman (Défenseur du citoyen), relayés par des rapports du département d’État américain, avaient soulevé la question des mauvais traitements infligés dans les prisons géorgiennes, sans apporter de telles preuves.
Informé que l’opposition s’apprêtait à rendre publiques ces images, le ministère de l’Intérieur a pris les devant mardi après-midi. Il a « posté » certaines de ces vidéos sur son site Web et arrêté trois responsables du système pénitentiaire, ainsi qu’une quinzaine de gardiens de la prison n°8 de Gldani, à Tbilissi. Il affirme aussi que des membres du personnel de ladite prison ont été soudoyés. Un détenu, Tamaz Tamazashvili — réputé proche de Bidzina Ivanichvili, l’oligarque qui a promis de renverser par les urnes le président Mikhaïl Saakachvili —, serait au centre du système de rémunération mis en place pour filmer ces scènes.
Un pouvoir jusque-là insensible
Mardi soir, toutes les télévisions du pays ont diffusé les terribles images. Les chaînes inféodées au pouvoir en laissant croire que l’initiative venait du gouvernement. Celles de l’opposition en les exploitant pour dénoncer un gouvernement qui ferait semblant de découvrir la triste réalité.
Au beau milieu de la nuit, le président Saakachvili s’est fendu d’une déclaration : « Ceux qui ont organisé, commis et permis ces crimes seront sévèrement punis. (…) Nous n’avons pas mis fin à des années d’impunité et d’absence d’État de droit pour permettre aujourd’hui à quelques-uns, qu’ils soient du monde criminel ou, pire, fonctionnaires du système pénitentiaire lui-même, de commettre de tels crimes. »
Il n’est pas sûr que les Géorgiens croient à ses paroles. « Beaucoup de gens savaient que la torture restait pratiquée en Géorgie, mais nous n’avions pas de telles preuves », explique le défenseur des droits de l’homme Emil Adelkhanov. Le chef de l’État géorgien s’est parfois montré insensible au sort de détenus torturés : en 2004, les photos de Sulkhan Molashvili brûlé à la cigarette et couvert d’hématomes l’avaient conduit à suggérer que cet ex-président de la Cour des comptes accusé de corruption s’était infligé lui-même ces blessures.
Ces vidéos pourraient peser sur le résultat des élections parlementaires du 1er octobre. Un tiers des électeurs seraient encore indécis, hésitant entre le parti présidentiel (largement en tête) et le « Rêve géorgien » du milliardaire Bidzina Ivanichvili, entré en politique voici bientôt un an.
Leur presse (Régis Genté à Tbilissi, LeFigaro.fr, 19 septembre 2012)