[Chronique de Youv derrière les barreaux] Partie 56 – « J’avoue que la plupart de mes potes, dès leur sortie se mettront à taper des fourgons blindés »

Partie 56

Jeudi 6 octobre 10h15 du matin, je regarde par la fenêtre à l’horizon un mur froid se dresse et gâche ma vue, je me lève clique sur le PC et laisse tourner un vieil album de R&B à l’ancienne, je débute la journée sur les chapeaux de roue, je prends ma douche et descends sous le porche de la prison où se dressait une barre de fer suspendue, j’enfile des gants pour éviter les ampoules et enchaîne les séries, on dirait que je me préparais pour les JO, ça papote avec des potes, Paris avait tapé Lyon le week-end dernier, on était bons, j’avais gagné deux poulets hallal grâce à ce match, je croise un poteau qui rentrait de permission, on s’est fait la bise comme si on s’était pas vus depuis des mois alors qu’on s’était quittés il y a trois jours, il m’avait fait un bon cadeau, une bouteille de parfum (Fahrenheit 32), 11h30 je remonte en cellule puis prends une douche, midi fermeture des portes le temps de manger, j’en profite pour sortir le tel pour un p’tit salem sur Facebook, puis reçois des textos et coups de fil de mes proches. L’Artificier m’avait appelé, il a trop kiffé mon hommage, 13 heures : je fais quelques parties de poker sur mon PC, deux potes arrivent dans la foulée et me testent sur PES, je lui file un méchant 4-1, ça redescend en promenade faire les cent pas, ça parle de tout et de rien, je préparais mon parloir du week-end en mode famille, ça fait plaisir de serrer ses proches dans ses bras, ça te rebooste le moral.

J’étais conscient de la chance que j’avais d’être bien entouré, j’avais des proches qui me soutenaient et ça m’aidait à vaincre mes démons de l’illicite, j’avais jeté l’éponge pas pour moi mais pour eux, de toute façon c’était la même. QUAND TU ENTENDS OUMAR LA FAMILLE ÇA VA AVEC.

Beaucoup apprendront à me connaître à travers mes écrits, mes parties, c’était pas comparable le Oumar de il y a dix ans et celui de maintenant, au fond de moi j’ai pas changé, mon combat reste le même, c’est juste la manière que j’ai modifiée, sinon j’aurais fini mes jours à tourner en promenade à faire des pâtes à la bolognaise à la plaque chauffante LOL ; j’ai déjà fait en tout et pour tout plus de dix ans pleins d’incarcération dans ma vie, c’est hallucinant mais Dieu merci je suis encore debout et prêt à prendre un nouveau départ dans l’écriture, ma réussite j’y crois dur comme fer parce que je lâche rien, j’irai jusqu’au bout du truc et que Dieu me préserve de retomber dans les bras du vol à main armée, j’ai beaucoup donné dans ce domaine, il fallait apprendre à tourner la page, c’est ça être un bonhomme.

16 heures : entraînement de foot, je faisais partie de l’équipe de détenus de la prison, on jouait tous les week-ends contre des équipes venant de l’extérieur, on gagnait souvent parce que les visiteurs étaient traumatisés de comptabiliser plus de deux cents ans de prison en accumulant toutes les peines de notre équipe, après l’entraînement je fonce à la douche.

18 heures : mon pote cuistot me donne mon repas du soir ce soir c’était pizza au poulet hallal.

19 heures, extinction des feux, les matons ferment les portes, et c’est là que pour nous tout commençait, je bloque la porte et bouche l’œilleton et je sors de la cachette le Blackberry, et le Samsung Player Star, j’étais bien hamdoulilah, j’ai toujours eu une bonne étoile dans toutes les prisons où j’ai été, j’ai toujours fait en sorte d’avoir mon téléphone perso, je fais un tour sur la chronique, réponds à vos com, pose la partie que j’écris à la dernière minute quand je vois que vous signez présent ça m’encourage à insister et persister.

Je fréquentais toujours les mêmes potes, certains sont encore enragés et d’autres ont embrassé l’islam, j’avoue que la plupart de mes potes, dès leur sortie se mettront à taper des fourgons blindés, je reniais personne quoi qu’ils font, j’assume mes poteaux, j’étais fidèle en amitié des vrais frérots, c’était jusqu’à la mort, quand je les vois ça me rappelle d’où l’on vient ça m’évite de m’éloigner de mes principes fondamentaux, vivement la liberté, j’avais tant de choses à accomplir, les murs de ma cellule ne pouvaient plus contenir toutes mes ambitions, demain c’est décidé je repeins ma cellule, histoire de changer de couleur, souvent je déplaçais les meubles d’emplacement ça me donnait une impression de nouveau, mais malheureusement ce n’était qu’une impression.

Quel que soit le temps qu’il me reste à faire je le ferai toujours comme un bonhomme, le plus dur était derrière moi, des fois je croise des jeunes qui viennent de tomber qui ont pris des peines à deux chiffres, ils étaient encore fougueux pleins d’énergie, je me revois moi à mes débuts, mais ce qu’ils ne savent pas encore c’est que longue est la route, et peu parmi tous ces jeunes garderont la même fougue dans dix piges, même mes rêves sentaient la taule, y a des jours même où je rêvais de barreaux, de clés, de menottes et de surveillants, fallait que je retrouve l’air pur, mon cerveau était pas fait pour rester enfermé des siècles.

Un jour mon pote m’a dit : « Wesh Oumar ça fait trop longtemps que tu tournes comment tu fais pour avoir toujours la pêche, on dirait que tu viens d’arriver ? » J’avais pas de réponse à sa question, j’encaissais naturellement les épreuves, la rue, la vie m’a rendu dar, c’est une fois dehors que je réaliserai l’étendue du gaspillage pour l’instant je tiens bon, je ne suis pas près de lâcher le morceau ça leur ferait trop plaisir.

QUI M’AIME ME SUIVE 🙂

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