[Toulouse] L’État expulse le CREA parce que le CREA sort de la logique qui veut que nous ayons besoin de chefs et d’argent pour vivre

http://juralib.noblogs.org/files/2012/08/0.jpgSUITE À L’EXPULSION DU CREA
Lettre ouverte au préfet de Haute-Garonne et à celles et ceux qui ne se satisfont pas des déclarations officielles et des violences policières

Ainsi ça y est, les familles et les militant-es qui ont transformé un bâtiment vide et abandonné en un lieu collectif de vie, de créations et d’échanges de savoirs réciproques, toutes et tous renvoyé-e-s à la rue !

Nous, soussigné-e-s, avons participé à notre manière, suivant nos possibilités, à cette vie collective du 70 allées des Demoiselles depuis avril 2011.

Nous y avons développé de multiples activités, qui en ont fait un lieu d’échanges multiculturels où nous avons partagé, habitant-es et militant-es, nos savoirs et savoirs faire, permettant de développer sur le long terme des relations de confiance et une valorisation de toutes et tous.

Ces activités mises en place prennent tous leurs sens au sein des engagements politiques du CREA.

Parmi les activités permanentes :

• Atelier lecture : tous les mardis avec les enfants. Régulièrement, ce moment partagé d’écoute d’histoires, de découvertes de beaux albums permettaient aux plus grands scolarisés, de vérifier leurs apprentissages et aux plus petits le plaisir de découvrir, d’écouter, de patienter et d’apprendre ainsi le « vivre ensemble ».

• Atelier français : les mardis et jeudis soir. Nous nous sommes adapté-e-s aux personnes venant de tous les horizons avec des expériences et des besoins différents. Nous avons tenu compte de chacun-e et des idées et pratiques de la collectivité CREA : bavardages, échanges d’expériences, de tuyaux, de recettes, rigolades, discussions sur les différentes langues, sur les difficultés de l’orthographe, des règles de grammaire française, avec les débutant-e-s, un travail méthodique sur la prononciation, l’écriture et la construction de phrases.

• Atelier cuisine : tous les mercredis après-midi, il a accueilli tous les publics. Le lieu, où vivent des familles originaires des cinq continents, se prête particulièrement bien aux échanges de recettes et à l’apprentissage des différentes cuisines du monde. L’idée de « faire ensemble » dans cet atelier est très importante.

• Coin jardinage : dans un autre lieu réquisitionné, un jardin potager a été mis en place progressivement puis entretenu par des militant-e-s en sensibilisant les enfants au travail de la terre.

• Escalade : tous les vendredis, adultes et enfants se retrouvent dans une pratique encadrée de l’escalade en salle.

• Permanences psychologiques : proposées tous les quinze jours, elles étaient ouvertes à toutes celles et ceux qui souhaitaient rencontrer un psychologue pour prendre un temps d’échange et d’écoute, nous y avons rencontré des habitant-e-s du lieu mais aussi des personnes extérieures qui n’avaient jamais faits cette démarche ou bien dont la démarche n’avait pas aboutie (coups d’une consultation libérale, liste d’attente dans les dispositifs de droit commun, accueil classique trop formel ou peu engageant…). Ce lieu nous a permis d’envisager d’autres modalités d’accueil et d’accompagnements psychosociaux plus respectueux des choix et contextes de vie de chacun-e (mise en lien sur le lieu avec les pratiques sportives ou culturelles, connexion avec d’autres initiatives militantes, accessibilité de l’échange par une proposition de contributions non monétaire pour le lieu…).

D’autres activités comme la boxe, la capoeira, des ateliers d’arts plastiques… se sont également déroulées et l’accès à la bibliothèque et à la salle de jeux était permanent. De plus, des activités ponctuelles ont régulièrement eu lieu durant toute l’année comme des ateliers théâtre, visites de musées, des soirées d’observation astronomique, piscine, projections et spectacles…

Les échanges ainsi créés ont permis aux habitant-es de s’exprimer individuellement sur leur parcours et nous avons pu leur faciliter ainsi l’accès à leurs droits légitimes face aux administrations (aide médicale, scolarisation…) en les accompagnant dans leurs démarches.

Militant-e-s, nous nous sommes simplement engagé-e-s dans cet « autre chose » : faire vivre ensemble, ici et maintenant, l’hospitalité, l’entraide et la dignité !

L’expulsion ne mettra pas fin à tout ce qui a émergé dans ce lieu !

Nous continuons.

On peut abattre des murs, on n’abat pas la solidarité.

Patrick Baggi, Aurélie Bonneville, Anne Bouvier, Anaïs Canal, Gabrielle Carvin, Agnès Dantagnan, Sandra Lima, Chantal Limare, Alain Petit, Émilie Quérol, Gérard Vallerey – 29 août 2012


Après leur expulsion, cinq militants du CREA interpellés

Les militants du CREA contestent leur expulsion mardi du bâtiment allée des Demoiselles. Ils l’ont fait savoir hier. Bilan : cinq interpellations et peu ou pas de dialogue.

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Face à face entre militants du CREA et forces de police devant la direction régionale de la cohésion sociale à Toulouse.

Mercredi à la mi-journée, des militants du CREA se sont rendus au siège de la direction régionale de la cohésion sociale à Toulouse. L’objectif pour eux étant « d’entrer en contact avec le ministère des affaires sociales », propriétaire du bâtiment allée des Demoiselles dont ils ont été expulsé mardi, via son antenne locale. « On veut au moins un coup de fil pour leur dire qu’on n’accepte pas cette expulsion qui met à la rue des familles et des enfants et aussi contester le communiqué de la préfecture », expliquait un militant sur place. La veille, la préfecture de Haute-Garonne avait affirmé que les militants du CREA avaient refusé toute tentative de contact avec les services de l’État. « On nous a même reçus à la préfecture, c’est qu’on a pas refusé le dialogue », expliquait une militante.

Un blessé et cinq interpellations

Une petite délégation a pu pénétrer dans les bureaux de la direction régionale tandis que les forces de police investissaient le hall de l’immeuble empêchant les autres manifestants de manifester. Tandis qu’à l’extérieur des échauffourées éclataient et des coups de matraque volaient, à l’intérieur le contact avec le ministère était avorté selon les militants du CREA. Un militant a été blessé au visage et un autre interpellé à la sortie de la petite délégation. Plus tard, alors que le cortège se dispersait, trois autres personnes étaient également interpellées dans les rues voisines.

Quatre d’entre eux ont été relâchés en début de soirée, le cinquième a passé la nuit en garde à vue pour outrage à agent.

Leur presse (Bertrand Enjalbal, Carré d’info, 30 août 2012)


Allée des Demoiselles : cinq militants des squats arrêtés

Mardi soir, les trois militants du CREA (collectif de réquisition de logement pour les sans-abri) ont été relâchés après une après-midi passée au commissariat. Ils avaient été arrêtés pour « acte de rébellion », plus tôt dans la matinée, lors de l’expulsion d’un immeuble situé 70 allées des demoiselles, où ils logeaient une quarantaine de personnes à la rue depuis plus d’un an. Leur dossier a été transmis au parquet. Les magistrats décideront d’éventuelles poursuites.

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Cinq militants, dont trois de la Brigade activiste des clowns ont été arrêtés hier

Hier, les militants ont eu de nouveau affaire à la compagnie d’intervention et de sécurisation de la police nationale. Vers midi, une soixantaine de membres et sympathisants du CREA se sont invités à la Direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. « Nous sommes ici car c’est une antenne du ministère des affaires sociales, propriétaire du bâtiment que nous occupions. Nous sommes là pour réclamer un coup de fil au ministère, contester l’expulsion de personnes sans-abri et dénoncer le communiqué de la préfecture qui explique que nous ne voulons pas dialoguer. Nous multiplions les démarches pour justement parler au ministère. En vain ! », explique l’un d’entre eux. Alors que certains s’entretenaient à l’intérieur avec la direction, les forces de police se sont interposées entre le hall d’entrée et les manifestants qui attendaient autour. Le ton étant un peu monté, s’en sont suivi quelques échauffourées et coups de matraque. Un militant a été blessé au front, deux arrêtés aux abords du bâtiment d’État. Trois membres de la brigade activiste des clowns (notre photo) ont aussi été interpellés un peu plus tard. À l’issue de leur audition, tous ont été remis en liberté dans la soirée. Ces arrestations ne « dissuadent pas » selon les militants, qui par ailleurs hébergent près de 150 personnes dans d’autres bâtiments squattés.

Leur presse (Pauline Croquet, LaDepeche.fr, 30 août 2012)


Le CREA expulsé, et maintenant ?

Mardi 28 août 2012, à la demande des ministères concernés, le préfet de la Haute Garonne a fait procéder à 6h du matin à l’expulsion du bâtiment appartenant à l’État (AFPA) occupé par le CREA depuis avril 2011. Ce bâtiment accueillait de nombreuses familles en attente de solutions d’hébergement ou de logement.

Dès 6h du matin, une centaine de gendarmes et policiers ont bloqué le quartier pour pénétrer dans le bâtiment afin d’en chasser ses habitants, dont certains s’étaient réfugiés sur le toit. Arrestations violentes, coups de tazer (5 fois sur une même personne !), destruction de l’intérieur du bâtiment, ils n’ont pas chômé !

Trois des résidents ont été emmenés en garde à vue, inculpés d’outrage et rébellion, refus d’empreinte et violence sur agents, quand la violence était clairement du fait de la police. Les personnes venues en soutient ont été matraquées, plusieurs d’entre elles blessées.

Les 40 personnes, dont une quinzaine d’enfants, qui vivaient depuis plus d’un an au CREA ont été remises à la rue par l’État. Elles ont trouvé une solution temporaire d’hébergement auprès des militants mobilisés. Ces personnes vivaient encore au CREA jusqu’au matin de l’expulsion, même si celles-ci ont pu s’échapper à temps et ainsi protéger les enfants de la violence policière et psychologique.

La préfecture a justifié l’expulsion d’un lieu de vie reconnu, par divers arguments fallacieux. Ces derniers ayant été repris dans une dépêche AFP puis par de nombreux médias, nous exerçons ce jour notre droit de réponse.

L’État expulse 40 personnes qui avaient trouvé un lieu de vie pérenne. Pour donner le change, il annonce vouloir créer un centre d’hébergement, impersonnel, à horaires limités, exclusivement pour la période hivernale, et ce dès cet hiver. Les demandes répétées du CREA et de plusieurs médias n’ont reçues aucune réponse et aucun élément n’a été fourni par la préfecture pour justifier de la réalité du projet : aucun appel d’offre public et aucune information transmise aux professionnel-les concerné-es par l’hébergement d’urgence. Nous ne sommes pas dupes, on ne rénove pas un bâtiment, qui plus est ravagé par la police, en seulement 3 mois.

Contrairement aux affirmations de la préfecture, les habitant-es n’ont non seulement pas refusé « les propositions de contact » mais ils et elles ont à travers de très nombreux courriers et appels téléphoniques contacté la préfecture, le ministère des affaires sociales et le ministère du logement afin de trouver des solutions viables et concrètes pour les familles.

Il semble nécessaire de préciser que chaque famille présente sur ce lieu de vie a toujours bénéficié « d’un suivi social qualifié » assuré par des professionnels, lors des permanences hebdomadaires au CREA et régulièrement par divers services sociaux.

Partout en France, nous constatons que l’État ne respecte pas la loi MOLLE qui lui impose d’héberger de manière inconditionnelle tous les sans-abris qui le demandent. Prétendre que « le suivi par des travailleurs sociaux aurait également pu permettre le relogement de chacune des personnes » est donc une manipulation mensongère et cynique, alors que l’État préfère investir dans la surveillance, la « sécurité », etc.

La préfecture se gargarise de l’offre de places disponibles tout au long de l’année pour les sans abris et des moyens financiers débloqués par l’État, mais la réalité est toute autre. En effet, 80% des demandes d’hébergement sur le 115 obtiennent une réponse négative et aucun des foyers fermés sous l’ancien gouvernement n’a été ouvert depuis. Bon nombre de demandes DAHO et DALO n’aboutissent pas. La préfecture reconnaît clairement que, ne pouvant assumer sa mission d’hébergement en période hivernale, elle doit compter sur l’aide de la Mairie qui réquisitionne chaque hiver des gymnases ouverts seulement de 20h à 7h.

Par l’entraide et l’autogestion, sans aucune subvention, le CREA a accueilli 40 personnes sur une période d’un an et demi. Pour l’équivalent, l’État aurait fait dépenser 750’000 euros à la collectivité.

D’un bâtiment vide, le CREA avait su faire un bâtiment vivant, un centre social autogéré avec des activités, des ateliers, une piscine, un lieu de rencontres, de concerts, un lieu d’organisation, de solidarité et d’entraide. Dans cet espace libéré, on s’amusait, on se cultivait, bref on vivait.

Dès l’expulsion du CREA de nombreuses manifestations de soutien et de protestation ont eu lieu spontanément (rassemblement dans l’après-midi, blocage du trafic, manif nocturne, tags).

Elles continueront.

Réquisition, entraide, autogestion !
Tout pour tou-te-s, Pouvoir au peuple !
Non à toutes les expulsions : sans-papiers, campements Roms, expulsions locatives, squats, rénovation urbaine.

Le CREA et des membres de la campagne Zéro personne à la rue, 29 août 2012


Sale temps pour les pauvres

Six heures vingt du matin. Texto : l’expulsion du CREA est en cours. Je suis réveillée.

[Parenthèse avant que je me laisse emporter par le feu de l’action : c’est quoi, le CREA ?

Depuis un an et quelques mois, à Toulouse, c’est le Collectif pour la Réquisition, l’Entraide et l’Autogestion, installé dans les locaux abandonnés et réquisitionnés de l’AFPA pour y construire un centre social autogéré (le CSA, qu’on appelle simplement le CREA par commodité). Dans ce centre habitent neuf familles, soit une quarantaine de personne dont quinze enfants. La majorité de ces familles est en situation extrêmement précaire (immigrants, sans-papiers, etc).

Le CREA, depuis un an, c’est donc un lieu d’habitation. Il vient du constat fait par plusieurs personnes que les structures de l’État qui sont censées aider les précaires, personnes à la rue, etc, ne sont pas efficaces. Il y a peu de place en hébergement, 95% des appels au 115 sont rejetés par manque de place en centres d’hébergement ou de moyens pour payer les nuitées d’hôtel.

Le CREA a donc été créé comme un lieu de vie stable pour que ces familles puissent trouver un endroit où vivre tranquillement sans être transbahutés d’un service social à l’autre à la recherche d’une solution. Et ça marche : pendant un an, le lieu a fonctionné en autogestion (assemblées générales régulières des habitants du lieu, décisions communes, etc.) et sans argent. Tout se fait à partir de récup’, de solidarité, de dons. Les enfants sont tous scolarisés, le CREA devient un véritable lieu de vie ; on y trouve diverses activités pour les enfants et pour les adultes (activités artistiques, cours de langues, sport, échange de compétences…) et une stabilité dans la vie en commun qui fonctionne au cours du temps, permettant au CREA de créer du lien social, des solidarités, de l’entraide.

Le CREA n’a jamais demandé un centime de subventions.

Le bâtiment, au 70 allées des Demoiselles, appartient au Ministère du Logement et des Solidarités Sociales (ha, ha). Le ministère décide d’engager une procédure d’expulsion contre le collectif, lance un procès. La raison de cette volonté d’expulsion ? Il veut construire un centre d’aide aux personnes précaires dans ces locaux (ha, ha).

Au cours de l’année, diverses personnes (policiers et autres) s’introduisent dans le CREA pour en examiner la “sécurité”, pinailler parce que le toit est vert de mousse et que cela mettrait en danger la vie des habitants, en faisant un logement insalubre, tester le taux d’amiante, vérifier que les portes anti-incendie s’ouvrent bien, casser les autres portes de façon parfaitement illégale, et généralement embêter les habitants.

À la suite du rendu de la décision du juge, le CREA est expulsable depuis mi-août. Depuis avant la tenue du procès, les habitants du CREA tentent de contacter la mairie, la secrétaire d’État au Logement, la ministre, la préfecture, etc, tout cela sans réponse. Ce matin, la préfecture publie un communiqué de presse dans lequel on peut lire ceci : “les occupants ont toujours refusé les propositions de contact formulées par les services de l’État”. ]

Il est six heures trente et je suis sur la route du CREA. Je me retrouve devant un cordon de police qui m’empêche de passer. Je fais le tour pour retrouver les autres personnes qui sont sur le pont des Demoiselles.

La situation ? À six heures du matin, les flics défoncent les fenêtres du premier étage et font irruption dans l’immeuble. Les familles arrivent à se mettre en sécurité ailleurs, restent quatre personnes qui décident de monter sur le toit pour attendre.

Nous observons tout ça d’en bas. Quatre types sur le toit glissant (il pleut), dont un assis à califourchon sur une poutre en métal qui dépasse. Les pompiers se ramènent… pour prêter leur nacelle aux flics qui veulent cueillir les mecs sur le toit. Ils montent la nacelle pour voir et redescendent.

Pendant ce temps, les ouvriers arrivent. Leur travail est de murer le bâtiment le plus rapidement possible pour que plus personne ne puisse y rentrer.

Nous sommes toujours devant un cordon de flics, à crier des encouragements à nos oiseaux perchés.

La compagnie qualifiée pour intervenir est normalement le GIPN, mais aujourd’hui, innovation : ce sont des CRS alpins. Ils essaient de mettre un crochet dans la gouttière à partir du 5e étage pour monter sur le toit, mais ils n’arrivent pas à monter à l’échelle de corde. Pendant ce temps, les types du toit enlèvent leurs cordes de sécurité, je suppose que c’est pour obliger les flics à être un minimum prudents dans leurs gestes. Les flics font des gestes brutaux alors que les mecs du toit risquent leur vie au moindre mouvement.

La nacelle remonte. Un flic arrive sur le toit par la lucarne, c’est le négociateur. Y a-t-il négociation ? Non. Les trois mecs du toit ne veulent pas se laisser embarquer, ils ne sont toujours pas attachés. Celui de la poutre reste sur sa poutre.

Que font les flics pour embarquer les types qui ne veulent pas se laisser embarquer ? Je vous le donne en mille : ils sortent un täser.

Ils täsent une personne sur le toit glissant, à une vingtaine de mètres de hauteur, sans sécurité. Où le täsent-ils ? Au visage. Combien de fois ? Cinq. (Dans la loi, l’utilisation du taser doit se faire à l’encontre des « personnes violentes et dangereuses », doit « rester strictement nécessaire et proportionné », et seulement dans le cas de légitime défense (article L. 122-5 du code pénal), l’état de nécessité (article 122-7 du code pénal), ou en cas de crime/délit pour arrêter les auteurs du délit.) Où est la personne violente et dangereuse dans un mec assis sur un toit ? Où est la proportion dans le fait de répéter cinq fois la décharge de täser ?

Les flics chopent ensuite ce gars et le font descendre pendu par les pieds, tête la première, dans la lucarne, pour l’embarquer. Les deux autres mecs du toit ont aussi résisté, on les emmène de façon musclée (coups, étranglement) et on les fait descendre également tête en bas pour les emmener au poste.

Pour protester contre cette violence inutile, les personnes qui étaient là en soutien derrière le cordon de police décident de bloquer le pont. Après environ une minute de blocage de pont (nous empêchons les voitures de passer), les CRS, qui devaient s’ennuyer, depuis tout ce temps, chargent sans sommation. Matraque au vent, flashball sortis. Nous sommes trente, ils sont le double au moins. Nous résistons et tentons d’encaisser la charge. Gros choc. Une dizaine de personnes se font matraquer à tout va, ça tape dans les bras et dans les cuisses. Nous courons pour nous enfuir. Je me retourne pour voir une copine entourée de quatre flics qui la frappent avec leurs matraques sur les bras et les jambes. Finalement nous nous enfuyons tous en courant pour souffler un peu, prendre du recul et soigner les bobos. Beaucoup de bleus, quelques bosses, pas d’arrestations.

Je publie cet article parce qu’aucun média n’a parlé de la violence policière ni de la disproportion de toute cette affaire. Cinq ou six médias différents étaient présents pendant tous ces évènements. La majorité de ces médias se sont contentés de citer le communiqué de presse de la préfecture et le point de vue de la police.

Je publie cet article pour livrer ma version des faits. Je tiens ce blog seule, je n’obéis pas à la pression d’un rédac-chef ou à la hiérarchisation des sujets selon le revenu publicitaire qu’ils doivent apporter.

Au-delà de la révolte que cette violence suscite en chacun de ceux qui la subissent, il importe de s’interroger.

Nous étions tout au plus quarante. Ils étaient deux cents

Une opération de ce genre coûte plusieurs dizaines de milliers d’euros à l’État.

L’État ferme chaque année des places en hébergement de SDF par “manque de moyens”.

Les trois mecs du toit sont restés une douzaine d’heures au poste. Chefs d’accusation : outrage et rébellion. Ils ont refusé d’obtempérer aux ordres des CRS, et se sont accrochés à la cheminée pour ne pas descendre. Ils n’ont pas eu de geste agressif envers les flics.

Les CRS qui sont intervenus sur le toit ont demandé cinq jours d’interruption temporaire de travail à l’hôpital. Quand les CRS demandent des ITT, on leur donne une prime (ça fait partie des risques du métier de se blesser en frappant des gens, hein). Il n’y a de toute évidence pas de blessure qui justifierait cette ITT.

L’État expulse le CREA parce que le CREA sort de la logique qui veut que nous ayons besoin de chefs et d’argent pour vivre. Le CREA montre de façon éclatante que l’organisation et la solidarité sont possibles entre nous et créent des espaces de vie que l’on n’aurait jamais imaginés autrement.

Pour qu’il y ait un tel empressement à l’expulsion et des mensonges aussi gros à propos du supposé “projet” pour le bâtiment, c’est bien que le CREA dérange. Que les pauvres qui s’organisent entre eux dérangent. Il faut donc les dégager à coup de matraque.

Merci, gouvernement socialiste.

Sharedwanderlust, 28 août 2012


Toulouse : le Centre Social Autogéré du CREA expulsé

(Actualisé). À 6 heures ce matin, les locaux occupés par les militants du Collectif pour la réquisition, l’entraide et l’autogestion (CREA) et des familles sans abris au 70 allée des Demoiselles à Toulouse ont été expulsées sur ordre du préfet de Haute-Garonne.

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Les familles hébergées n’étaient déjà plus à l’intérieur des locaux lors de l’expulsion mardi matin vers 6 heures

Les familles hébergées avaient déjà quitté les lieux

Une compagnie de gendarmes mobiles, assistée de pompiers et de forces de police, a procédé à l’expulsion de l’immeuble qui abritait les anciens locaux de l’AFPA. L’allée des Demoiselles a été coupée à la circulation et les bus détournés. Les militants du CREA avaient anticipé l’expulsion et les familles hébergées avaient déjà quitté les lieux. Seuls quatre militants du CREA se trouvaient dans le bâtiment au moment de l’arrivée des forces de l’ordre. Ces résidents du bâtiment ont ensuite grimpé sur le toit et l’un d’entre eux s’est installé à califourchon sur une poutre à plusieurs mètres de haut.

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Un militant du CREA s’est accroché à une poutre

Après quelques dizaines de minutes de discussion, trois des militants sont arrêtés sans ménagement et emmenés par la police. Ils ont été placés en garde à vue pour rébellion. Le dernier restera encore une heure perché sur sa poutre avant d’être tiré par la corde qui l’assurait au toit. Il ne sera pas interpellé.

Pendant ce temps, une trentaine de militants s’était rassemblée devant le cordon de gendarmerie mobile et a entrepris de bloquer la circulation sur le Pont des Demoiselles provoquant une nouvelle intervention des forces de l’ordre qui a dispersé la petite foule.

À l’intérieur du bâtiment, les travaux de « sécurisation » ont déjà démarré : des ouvriers s’affairaient dès huit heures pour condamner tout accès au bâtiment. Laissé libre après être descendu du toit, Thomas déclare amer : « Pourquoi? Combien ça coûte cette expulsion? Nous n’avons subi aucune plainte du voisinage en un an et demi ».

Préfet : « Ils ont refusé les propositions de contact avec les services de l’État »

Les militants du CREA qui avaient mis en place un Centre Social Autogéré dans les locaux vides depuis avril 2010, s’opposaient à leur évacuation mettant en avant les offres d’hébergements proposées pour des familles sans abris. Face à eux, l’État arguait de sa volonté de créer un centre d’hébergement hivernal. Un prétexte pour les militants qui ne croient pas une seconde à ce projet.  Le 29 juin dernier le tribunal administratif avait donné raison à l’Etat et un mois aux militants du CREA et aux familles hébergées pour évacuer les lieux. Une décision du tribunal administratif que rappelle ce matin le préfet de Haute-Garonne dans un communiqué pour justifier cette décision d’évacuation.

Le préfet affirme par ailleurs que « les occupants ont toujours refusé les propositions de contact formulées par les services de l’État ; ce qui aurait pourtant permis de proposer l’accompagnement social le plus adapté ». Une version des faits qui semble exaspérer les militants : « Le bâtiment appartient au Ministère des Affaires Sociales de Marisol Touraine. On a dû passer trois cents coups de fil et envoyé des dizaines de courriers. Nous sommes même montés à Paris car on nous avait promis un rendez-vous qui a été annulé au dernier moment. » Des militants avaient également interpellé Pierre Cohen lors d’un conseil municipal et rencontré les services de la préfecture durant l’été sans qu’un terrain d’entente soit trouvé.

Cécilé Duflot, ministre du logement, avait également été sollicitée au début de l’été. Dans un contexte national marqué par le malaise des écologistes et notamment de leurs ministres face à l’action du gouvernement en matière de gestion des camps de Roms, les élus écologistes toulousains ont réagi. Pas d’indignation forte toutefois, ils « regrettent l’empressement des services de l’État à faire exécuter une décision d’expulsion ». Ils demandent que « des solutions rapides soient trouvées pour le relogement des familles hébergées (…) relogement dont les conditions auraient du être fixées avant l’expulsion du collectif ».

Autogestion VS professionnalisme

Car au delà des considérations juridiques à propos de l’expulsion, ce sont les modes d’accompagnement des sans-abris qui sont en débat avec l’exemple du CREA. L’un des axes des pouvoirs publics a toujours été de dénoncer l’absence de « professionnalisme » du soutien délivré par ce centre social autogéré.

Un argumentaire une nouvelle fois en forme de prétexte pour les militants qui défendent une autre vision : « L’État n’offre pas la possibilité à tous pour se loger et être accompagnés. Face à cette situation, nous avons juste décidé de s’entraider, tout seuls. Ce qu’on a fait, venir en aide à 40 personnes dont de nombreuses familles ici dans ce bâtiment pendant un an, cela coûte 500’000 euros dans une structure. Nous, on l’a fait pour presque rien. »

Selon les services du 115, les initiatives de ce type représenteraient 40% de l’hébergement d’urgence à Toulouse. Les mêmes services s’appuient d’ailleurs sur ces réquisitions pour répondre aux demandes.

Promis pour cet hiver, le centre d’accueil hivernal qui devrait remplacer le CREA proposera « un accompagnement social professionnel » selon la préfecture. Les détails du projet ne sont cependant pas encore connus.

Leur presse (Xavier Lalu, Carré d’info, 28 août 2012)

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