[« Antiterrorisme »] La méthode allemande : une « Fraction armée brune »

Crimes racistes en Allemagne : démission du chef des RG

Le patron des renseignements généraux allemands, Heinz Fromm, mis en cause dans l’enquête sur des crimes racistes attribués à des néonazis, a démissionné lundi 2 juillet, a-t-on appris auprès du ministère de l’intérieur allemand.

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Heinz Fromm, le patron des RG allemands.

Un trio d’extrémistes, deux hommes aujourd’hui morts et une femme actuellement en détention, s’était baptisé « Clandestinité nationale-socialiste » (NSU) et est soupçonné d’avoir tué neuf étrangers, dont huit Turcs, entre 2000 et 2006, ainsi qu’une policière en 2007. Depuis la découverte de la NSU, en novembre 2011, les services de protection de la Constitution (Verfassungsschutz ou VS), les renseignements généraux allemands, sont sur la sellette et leur patron, Heinz Fromm, en a tiré les conséquences.

L’affaire a provoqué un vif émoi en Allemagne notamment car pendant des années les enquêteurs, VS en tête, n’ont pas suffisamment pris au sérieux la thèse des crimes racistes. Lors d’une cérémonie solennelle à Berlin, la chancelière Angela Merkel a publiquement demandé pardon aux familles des victimes, parfois accusées à tort dans ces meurtres.

DOSSIERS DÉTRUITS

La semaine passée, la polémique sur la façon dont l’enquête a été conduite a rebondi, la presse révélant que des informations importantes concernant la NSU avaient été détruites par les RG allemands. Selon la presse, peu après la découverte de la cellule néonazie, un des chefs d’unité des RG aurait détruit des dossiers démontrant que ce service d’enquête avait établi des contacts avec les milieux néonazis de Thuringe (Est), dont certains membres avaient des liens personnels avec le trio de la NSU.

Par ailleurs, ces dernières semaines, le parquet fédéral a tour à tour remis en liberté quatre suspects interpellés dans le cadre de l’enquête sur la cellule NSU, estimant dans la majeure partie des cas que les charges retenues contre eux n’étaient pas suffisamment établies.

Les autorités allemandes ont mis en garde, le 13 novembre, contre l’apparition d’une « nouvelle forme de terrorisme d’extrême droite » à la suite de la divulgation d’un film dans lequel des militants néonazis revendiquent l’assassinat de neuf immigrés entre 2000 et 2006.

Parmi ces commerçants, huit étaient d’origine turque et un d’origine grecque. Tous tenaient de petits commerces dans diverses villes d’Allemagne.

Les enquêteurs estiment que cette cellule d’Allemagne de l’Est, qui se qualifie de « mouvement clandestin national-socialiste », serait à l’origine du meurtre d’une policière en 2007, et aurait participé à l’organisation d’un attentat à la bombe perpétré en 2004 dans un quartier turc de Cologne.

Dans ce DVD de 15 minutes, destiné à être envoyé à des organisations culturelles islamiques et aux médias, le groupe revendiquait ses attaques en mettant en scène le personnage du dessin animé La Panthère rose tirant sur un policier allemand…

… et sur un représentant du groupe terroriste d’extrême gauche Fraction armée rouge (RAF), qui a tué plus de trente personnes en Allemagne entre 1970 et les années 1990. Le magazine allemand Der Spiegel titre son édition de cette semaine sur le spectre d’une nouvelle « Fraction armée brune » d’extrême droite.

Le film a été découvert dans un logement de Zwickau, dans l’est du pays, appartenant à une jeune femme de 36 ans, Beate Zschäpe, et utilisé par deux hommes liés à l’extrême droite. Beate Zschäpe a fait en partie exploser cette planque avant de se livrer.

La jeune femme risque une inculpation pour meurtre, tentative de meurtre, incendie criminel et appartenance à une organisation terroriste.

La semaine dernière, la police avait découvert les corps de deux hommes, Uwe Mundlos, 38 ans, et Uwe Böhnhardt, 34 ans, dans un mobile home d’Eisenach. Selon les enquêteurs, ils se seraient suicidés après l’échec du cambriolage d’une banque.

Selon le tabloïd Bild, les enquêteurs ont également découvert dans les décombres de faux papiers d’identité qui pourraient avoir été délivrés au groupe par les services de sécurité intérieure allemands dans les années 1990, en qualité d’informateurs.

Selon plusieurs journaux, un atelier de fabrication de bombes artisanales avait été découvert en 1998 dans un garage loué par Beate Zschäpe à Iéna, en Thuringe, mais le trio avait ensuite disparu. Plusieurs personnalités politiques ont mis en cause la compétence des services de renseignement, ne comprenant pas qu’on ait perdu la trace de dangereux suspects pendant une dizaine d’années.

L’arme découverte dans la maison incendiée, un pistolet de calibre 7,5 mm, de marque Ceska, aurait servi dans chaque meurtre commis par le groupe.

Le groupe est également accusé d’avoir commis une série de braquages de banques pour financer ses activités. Ici le 7 septembre à Arnstadt, dans le land de Thuringe, dans le centre du pays.

Le ministre de l’intérieur allemand, Hans-Peter Friedrich, a déclaré que tous les dossiers de meurtres non résolus depuis 1998 et ayant été reliés à la mouvance de l’extrême droite seraient à nouveau examinés à la lumière de cette cellule originaire d’Iéna.

Ces révélations ont provoqué une onde de choc en Allemagne. Lundi, Hans-Peter Friedrich reconnaissait dans le Bild qu’il était « très préoccupant de constater qu’aucun lien n’avait été établi [à temps] entre les milieux d’extrême droite de Thuringe et la série de meurtres commise dans toute l’Allemagne ».

Presse bien renseignée (LeMonde.fr avec l’Agence Faut Payer, 2 juillet 2012)

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